Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale, s’est dit opposé à la création d’une commission chargée de réécrire l’article. Celui du Sénat, Gérard Larcher, a demandé à Jean Castex d’y « renoncer ».
Face au tollé provoqué par l’article 24 de la proposition de loi sur la « sécurité globale »qui encadre la diffusion d’images de policiers, le premier ministre, Jean Castex, a annoncé, jeudi, la création d’une « commission indépendante chargée de proposer une nouvelle écriture » de l’article, à l’issue d’une réunion avec les représentants de syndicats d’éditeurs de presse et de collectifs de journalistes.
L’article litigieux, voté en première lecture par l’Assemblée nationale et qui doit être soumis au Sénat, prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l’image des policiers et des gendarmes. Il est d’autant plus critiqué par les oppositions qu’une succession d’affaires présumées de violences policières ont soulevé l’émotion dans le pays ces derniers jours.
Vendredi 27 novembre, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, s’est entretenu avec le premier ministre pour lui faire part de sa « grande émotion », partagée par les députés, et lui dire son opposition à l’initiative consistant à confier à un organe extérieur au Parlement le soin de réécrire un texte d’une proposition de loi issue de travaux parlementaires. Cela « constituerait une atteinte aux missions du Parlement, qui seul écrit et vote la loi », juge-t-il. Et d’insister :
« Le gouvernement peut à loisir consulter des comités d’experts. Toutefois, nous sommes convenus que ceux-ci ne sauraient en aucun cas se substituer aux travaux parlementaires. »
Un court-circuitage, selon des députés
Les députés de la République en marche (LRM), qui ont voté à contrecœur cet article ou ont tenté en vain de l’amender, considèrent en effet la nomination de cette commission comme un court-circuitage. L’initiative a provoqué « l’étonnement » de Christophe Castaner, patron du groupe LRM à l’Assemblée, soucieux de défendre le travail parlementaire, et au-delà de nombreux députés, y compris des oppositions.
Le vice-président (LRM) de l’Assemblée nationale, Hugues Renson, a estimé pour sa part que « parfois, renoncer est plus sage que s’obstiner » : « Les comités Théodule pour sauver des dispositifs, ça ne fonctionne pas. » Le président du Sénat, Gérard Larcher (Les Républicains), a également demandé vendredi à Jean Castex de « renoncer » à une commission.
De son côté, le ministre des relations au Parlement, Marc Fesneau, a tenté de rassurer vendredi sur LCI : « On peut créer des commissions pour essayer d’éclairer le gouvernement, mais le dernier mot revient aux parlementaires, sénateurs et députés, qui font la loi, et souvent font un travail remarquable », a-t-il assuré. « La question n’est pas de trouver une porte de sortie » à la polémique engendrée par l’article 24, il s’agit de « garantir la liberté d’expression », a-t-il assuré. M. Fesneau a néanmoins remarqué que « l’article 24 ne [lui] semble pas, tel que rédigé (…), de nature à empêcher la diffusion d’images comme celles » de l’évacuation d’un campement de migrants lundi et du tabassage du producteur de musique Michel Zecler.
Matignon a déclaré dans un communiqué que l’intention du gouvernement « n’a[vait] jamais été et ne [serait] jamais de porter atteinte à la liberté d’expression et aux principes de la loi de 1881 ». Le premier ministre avait annoncé mardi qu’il déférerait le texte au Conseil constitutionnel pour « s’assurer » de sa conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Le Monde avec AFP