Témoignages. »Je cherche juste un abri pour mes enfants » : Prosper, réfugié burundais, vit dans une voiture en France

Journaliste au Burundi, Prosper*, est arrivé en France en 2019 après avoir reçu des menaces de mort. Il a reçu le statut de réfugié, puis il a fait venir sa famille cet été. Mais il ne trouve pas de logement, ni de places en hébergement d’urgence. La famille vit dans une voiture garée dans une rue du Havre.

Prosper, 48 ans, a obtenu le statut de réfugié en 2021. Il avait quitté le Burundi deux ans plus tôt, menacé de mort en raison de son passé de journaliste dans un média d’opposition et de ses articles impliquant des personnalités proches du pouvoir de Pierre Nkurunziza, ex-président burundais. Le journaliste s’est caché durant quelques mois puis a fini par fuir le Burundi avec l’aide de Reporters sans frontières (RSF) et de la Maison des journalistes en France.

« Mon épouse est pharmacienne. Elle croyait me rejoindre au paradis ici, mais c’est la déception. Elle ne va pas très bien maintenant. Elle est arrivée le 28 août avec mes filles de 4, 7, 10 et 11 ans dans le cadre de la réunification familiale.

Au départ nous étions hébergés au Havre par un ami. Assez vite il m’a dit qu’il était dans l’incapacité de nous loger car on était trop nombreux pour vivre chez lui. J’avais quitté Paris pour le Havre (Normandie) en juillet, parce que j’ai trouvé du travail ici comme préparateur automobile avec une agence d’intérim. J’ai tiré un trait sur le journalisme, voyant qu’en France il y avait peu d’emplois dans ce domaine. Les amis me disaient qu’il serait plus facile et rapide de trouver un appartement au Havre. Ça m’a donné de l’espoir. Mais c’étaient des illusions.

J’ai fait le tour des propriétaires d’appartements, mais ils trouvent toujours mes revenus insuffisants. En août, j’ai pu travailler un mois complet pour 1 800 euros net. Les mois suivants je n’ai gagné que 780 et 604 euros, car je n’ai pas pu aller au travail tous les jours à cause de nos conditions de vie.

Nous dormons tous les six dans une voiture, une Clio prêtée par un ami. En fait, on ne dort pas vraiment, on s’assoit, on essaie de se couvrir et on attend que la nuit passe. Moi, je suis à la place du conducteur, ma femme prend la petite de 4 ans dans ses bras pour la réchauffer. Mes trois autres filles sont à l’arrière. Elles n’arrivent pas à étendre leurs jambes pour s’allonger.

L’ami nous a demandé de ne pas allumer le moteur la nuit parce que le carburant coûte cher. Mais il fait trop froid en ce moment. J’ai négocié. Tant pis j’allume un peu le chauffage et je lui paie l’essence. On a garé la voiture près de chez la personne qui nous avait logé au début. Elle accepte qu’on vienne se doucher chez elle tous les soirs.

« On a failli les retirer de l’école »

Les enfants vont à l’école : en maternelle, à l’école primaire et au collège. Mais c’est compliqué car ils sont fatigués. À un certain moment, on a failli les retirer de l’école puis on s’est dit que c’était une mauvaise idée. On essaie de tenir, on espère que notre situation va se débloquer à un moment ou à un autre.

Après l’école les enfants passent se doucher chez notre ami. Dans sa cuisine, il y a une table pour faire les devoirs rapidement. Moi je cuisine et on mange dans la voiture. À 19 heures on est déjà tous les six dans le véhicule jusqu’au matin.

Pendant deux semaines, l’Armée du Salut a accepté de nous loger. Ça nous a fait beaucoup de bien. Je me suis dit : ‘Enfin les enfants sont en sécurité’. J’ai pu reprendre le travail. Mais, le 2 novembre, ils nous ont demandé de partir. On nous a dit que beaucoup de familles sont à la rue et qu’il faut alterner. On a laissé notre place à d’autres.

Il fait de plus en plus froid alors on a renouvelé notre demande à l’Armée du Salut. J’appelle le 115 tous les soirs, mais, en moyenne, ils ne nous hébergent qu’une nuit par semaine.

Les enfants sont malades, elles toussent et ont des maux de tête tout le temps. Elles avaient retrouvé la santé après les deux semaines à l’Armée du Salut. Je vois bien qu’elles rechutent et ça m’inquiète.

« Je ne fais qu’attendre »

Je ne peux pas payer un hôtel. Le moins cher qu’ait trouvé l’assistante sociale du CCAS [Centre communal d’action sociale, dépendant de chaque mairie] revient à 100 euros la nuit. Mais on n’a pas cet argent. On paie 18 euros par jour pour les transports des enfants jusqu’à l’école en bus et en tramway. En plus, j’ai des dettes auprès de mes amis car ils m’ont avancé plus de 6 000 euros de billets d’avion pour faire venir mon épouse et les enfants en France.

J’ai fait le tour des bailleurs sociaux… mais on me demande des documents de la CAF [Caisse des allocations familiales ] que je n’ai pas. Sans logement, les démarches administratives c’est très compliqué. Une fois que j’ai obtenu une domiciliation [une adresse postale lorsque l’on n’a pas de logement fixe] au CCAS début septembre, j’ai pu enfin lancer ma demande de transfert de dossier de la CAF de l’Essonne où j’habitais, jusqu’au Havre. J’ai aussi demandé le rattachement de ma famille.

Mais deux mois ont passé et je n’ai pas reçu de réponse. Une assistante sociale du CCAS m’aide, mais ses relances auprès de la CAF n’ont rien donné. Je ne fais qu’attendre.

Il m’arrive souvent de regretter d’avoir quitté la région parisienne. J’y étais logé dans un studio de 18m² dans un foyer ADOMA [pour travailleurs migrants]. Mais on m’avait expliqué que je ne pouvais pas y accueillir ma famille.

Tous les jours je m’efforce d’aller travailler pour avoir un peu de revenus. Comment je peux débloquer cette situation si je n’ai pas le temps de me déplacer auprès de la CAF, des bailleurs sociaux… ? Je ne peux pas refuser de travailler alors je suis obligé de faire confiance à l’assistante sociale. Elle a dit qu’elle allait les contacter, mais elle a l’air débordée.

Ce qui me fait mal c’est pour mes filles. Je cherche juste un abri pour elles. Moi j’ai vécu d’autres situations difficiles. Ça ce n’est rien. »

*Le prénom a été changé

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