Algérie. La répression s’intensifie et de nouveaux défenseur·e·s des droits humains sont arrêtés

Les autorités algériennes ont intensifié leur attaque contre la société civile ces dernières semaines, arrêtant quelque 27 défenseur·e·s des droits humains et militant·e·s pacifiques en février, a déclaré Amnesty International le 2 mars 2022.

Le 20 février, un tribunal de la ville de Tlemcen, dans l’ouest du pays, a condamné Faleh Hammoudi, responsable du bureau de Tlemcen de la Ligue algérienne pour la défense des droits humains (LADDH), à trois ans d’emprisonnement et à une amende de 100 000 dinars algériens. Quelques jours plus tard, le 24 février, un juge d’instruction d’Alger a ordonné le placement en détention provisoire de Zaki Hannache, un militant connu pour son travail de suivi de la répression imposée par le gouvernement au Hirak, un mouvement de protestation de masse demandant un changement politique dans le pays depuis 2019.

Les autorités algériennes avaient initialement toléré certaines manifestations et limité les poursuites aux personnes portant le drapeau amazigh pendant les manifestations. Cependant, depuis 2021, elles tentent de mettre fin aux manifestations du Hirak, ont arrêté des milliers de militant·e·s, de défenseur·e·s des droits humains et de journalistes, les ont maintenus en détention provisoire ou les ont déclarés coupables d’infractions définies en des termes vagues, notamment de terrorisme. D’après le Comité national pour la libération des détenus (un groupe local de surveillance) et la LADDH, 290 personnes languissent actuellement dans les prisons algériennes pour avoir simplement exprimé pacifiquement leurs opinions.

« Les accusations forgées de toutes pièces et motivées par des considérations politiques portées contre Faleh Hammoudi et Zaki Hannache sont caractéristiques de l’intensification de la répression de la dissidence par les autorités algériennes, qui utilisent la loi comme une arme pour museler leurs détracteurs », a déclaré Amna Guellali, directrice adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Trois ans après le début du mouvement de protestation du Hirak, les autorités algériennes poursuivent l’intensification de leur répression. Nous demandons la libération de tous les militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains pacifiques en Algérie. »

Les autorités algériennes ont arrêté Faleh Hammoudi le 19 février 2022 et l’ont déclaré coupable le lendemain, après un entretien qu’il avait accordé à la chaîne de télévision algérienne Al Maghribiya TV, lors duquel il évoquait les atteintes aux droits humains en Algérie. Cette procédure est connue sous le nom de « comparution immédiate » et s’applique normalement aux personnes prises en flagrant délit. Il a été déclaré coupable d’« outrage à corps constitué », de « diffusion de fausses informations » pouvant porter atteinte à la sécurité nationale et de gestion d’une « association non agréée ». Les deux premiers chefs d’accusation sont liés à ses propos tenus lors de l’entretien et le troisième est lié à ses activités avec la LADDH, que les autorités accusent de non-respect de la Loi de 2012 sur les associations.

Trois ans après le début du mouvement de protestation du Hirak, les autorités algériennes poursuivent l’intensification de leur répression. Nous demandons la libération de tous les militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains pacifiques en Algérie.

Amna Guellali, Amnesty International

Huit autres membres de la LADDH font actuellement l’objet de poursuites pour leur participation au Hirak ou pour avoir critiqué les autorités. Au moins quatre font l’objet de poursuites liées au terrorisme, vaguement définies au titre de la loi algérienne de sorte à y inclure le fait d’« œuvrer ou inciter à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ».

Parmi ces personnes figure Hassan Bouras, actuellement en grève de la faim en contestation de son maintien en détention provisoire depuis le 12 septembre 2021. Kaddour Chouicha, vice-président de la LADDH, et Djamila Loukil et Said Boudour, membres de la LADDH d’Oran, sont également poursuivis depuis avril 2021 pour des accusations liées au terrorisme, mais ne sont pas en détention.

Zaki Hannache a été arrêté le 19 février 2022 et est poursuivi pour « diffusion de fausses informations » en raison de son travail de suivi des grèves de la faim menées par plusieurs personnes en détention provisoire qui avaient été arrêtées pour avoir participé aux manifestations du Hirak ou pour avoir critiqué les autorités. Zaki Hannache fait également l’objet de poursuites pour un chef d’accusation d’« apologie du terrorisme » en raison de ses publications en ligne, notamment l’une d’elles datant de février dans laquelle il évoquait le vidéaste YouTube Amir DZ, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt en raison de son militantisme.

En décembre 2021, Zaki Hannache a remporté le prix Ali Boudoukha pour son travail sur les arrestations de militant·e·s, de manifestant·e·s pacifiques et de journalistes. D’après un avocat connaissant l’affaire, la police a saisi le trophée et l’argent accompagnant le prix lorsque Zaki Hannache a été arrêté chez lui. Il fait également l’objet de poursuites pour réception d’argent en vue de « porter atteinte à la sécurité de l’État, à la stabilité́ et au fonctionnement normal de ses institutions, à l’unité́ nationale, à l’intégrité territoriale, aux intérêts fondamentaux de l’Algérie ou à la sécurité et à l’ordre publics », au titre de l’article 95 bis du Code pénal, des poursuites passibles d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à sept ans et d’une amende pouvant atteindre 700 000 dinars algériens.

Complément d’information

La LADDH est l’un des principaux groupes de défense des droits humains d’Algérie. Elle est membre de plusieurs organisations non gouvernementales comme Euromed Rights et la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme. 

Comme de nombreux groupes de la société civile en Algérie, la LADDH est officiellement enregistrée, mais s’est heurtée à des obstacles administratifs lorsqu’elle a essayé de renouveler son enregistrement conformément à une loi de 2012. Dans cette situation, ses membres menant des activités dans le cadre d’une association « non accréditée, suspendue ou dissoute » risquent des poursuites et l’emprisonnement.

World Opinions – Amnesty International

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