Ukraine : Les forces russes ont torturé des détenus à Izioum

 Les forces russes et d’autres personnes opérant sous leur commandement ont régulièrement torturé des détenus durant les six mois d’occupation russe d’Izioum, une ville de la région de Kharkiv dans le nord-est de l’Ukraine, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Des survivants ont décrit comment ils ont été soumis à des chocs électriques, des simulacres de noyade, des passages à tabac, des positions douloureuses pendant de longues périodes, ainsi qu’à d’autres abus infligés sous la menace d’une arme. Ils ont identifié au moins sept endroits à Izioum, dont deux écoles, où, selon eux, des soldats les ont placés en détention et maltraités.

« Ces cas de violences et d’abus cruels à Izioum n’étaient pas des incidents isolés », a déclaré Belkis Wille, chercheuse senior auprès de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Plusieurs victimes nous ont livré des récits crédibles d’expériences similaires de torture lors d’interrogatoires dans des installations placées sous le contrôle des forces russes et de leurs subordonnés, indiquant que ce type de traitements faisait partie d’une politique et d’un plan. »

Fin septembre et début octobre, Human Rights Watch a mené à Izioum des entretiens avec plus de 100 personnes qui s’y trouvaient pendant l’occupation russe, ayant duré de mars à début septembre 2022. Presque toutes ces personnes ont déclaré qu’au moins un membre de leur famille ou un de leurs amis avait été torturé, et quinze personnes – 14 hommes et une femme – ont décrit comment elles avaient elles-mêmes été torturées. L’un des hommes avait des liens avec les forces armées, mais tous les autres étaient des civils. Les familles et les amis de deux autres hommes, détenus et torturés eux aussi, ont déclaré que ces derniers s’étaient suicidés peu de jours après leur libération.

Les personnes détenues ont été arrêtés chez elles, dans la rue ou sur un marché en plein air et maintenues en détention pendant une période allant parfois jusqu’à 14 jours. Tous les hommes ont dit avoir reçu des décharges électriques ou avoir reçu des coups portés avec les mains, des crosses de fusil, des tubes métalliques ou en plastique, un tuyau en caoutchouc et, dans un cas, avec un bâton sur lequel était fixé un sac de sable. Un homme a été détenu cinq fois, et torturé à plusieurs reprises au cours de chacune de ces détentions.

La femme a déclaré que les soldats l’avaient giflée et frappée à l’estomac, et qu’ils avaient menacé de la violer pendant sa détention, qui a duré une journée. Le Washington Post a rapporté le cas d’une autre femme, apparemment détenue dans la même pièce à un autre moment, et qui a déclaré avoir été violée à plusieurs reprises. Un homme détenu au même moment a déclaré avoir entendu des femmes crier et avoir entendu des soldats parler de violences sexuelles infligées à au moins une détenue.

Un homme de 21 ans a déclaré que des soldats l’avaient arrêté à un marché en plein air, le 5 ou le 6 juillet, parce qu’ils avaient vu un tatouage sur son coude qui, selon lui, est courant chez certaines personnes ayant des opinions marquées à droite. Il a ajouté que ce tatouage était également populaire chez certains fans ukrainiens de football.

Un homme arrêté début avril sur son lieu de travail, à la station de pompage d’eau, a déclaré que les soldats russes l’avaient forcé à se laisser filmer alors qu’ils l’accusaient d’être un « Banderovets », terme utilisé de manière péjorative par les Russes pour désigner les Ukrainiens qui soutiennent leur gouvernement, et qui fait allusion au mouvement partisan antisoviétique du même nom, actif pendant la Seconde Guerre mondiale. Lorsque l’homme a été libéré deux jours plus tard, certains de ses amis lui ont dit qu’ils avaient vu la vidéo. Human Rights Watch a également retrouvé sur YouTube cette vidéo, dans laquelle des soldats russes accusaient cet homme d’être un « Banderovets ».

Tous les anciens détenus dont Human Rights Watch a recueilli les témoignages ont déclaré qu’on leur avait donné l’ordre de révéler les noms des habitants d’Izioum qui servaient dans la police ou au sein des Forces de défense territoriale, ou ayant participé aux opérations menées en 2014 par l’armée ukrainienne et les forces de sécurité (sous de le nom d’Anti-Terrorist Operation, ATO) dans la région du Donbass. Certains détenus ont été accusés de posséder des armes ou de la drogue, et deux d’entre eux ont dit qu’on leur avait demandé directement s’ils soutenaient la Russie. Les forces russes ont tenté de contraindre un homme qui possédait un générateur électrique à signer un document aux termes duquel il leur cédait son domicile. Un autre a déclaré que les forces russes étaient venues chez lui, avaient déposé de la marijuana sur la table de la cuisine et lui avaient demandé de signer une déclaration selon laquelle il possédait de la drogue.

Tous ces anciens détenus ont ajouté que les soldats russes leur avaient volé divers biens, notamment de l’argent, des bijoux, des appareils électroniques et des voitures.

Human Rights Watch a précédemment documenté plusieurs cas de tortures infligées par les forces russes à des habitants d’autres régions d’Ukraine lors de leur occupation de ces zones.

Les organisations et agences médicales internationales et nationales devraient d’urgence mettre en place des services dans la région de Kharkiv et dans d’autres zones libérées afin de soutenir les victimes de torture, y compris des services de soutien psychosocial et de santé mentale et des d’autres services spécialisés destinés aux survivant-e-s de violences sexuelles.

« Même sans tout savoir sur l’ampleur des crimes et d’autres abus commis contre les habitants d’Izioum pendant l’occupation russe, il est clair que les survivants ont besoin d’aide dès maintenant », a déclaré Belkis Wille. « Nos recherches indiquent que les troupes russes ont commis d’horribles abus dans de nombreuses zones qu’elles ont occupées, et suscitent une forte inquiétude quant à la possibilité que des abus similaires aient été commis dans d’autres zones qu’elles continuent de contrôler. »

Des témoins ont identifié sept endroits à Izioum que les forces russes auraient utilisés comme bases et lieux de détention : deux écoles, un poste de police, un ancien complexe hospitalier, une station d’épuration, une résidence privée et une usine. Les chercheurs ont pu visiter quatre de ces lieux, afin de vérifier les allégations de leur utilisation comme centres de détention. Les personnes dont Human Rights Watch a recueilli les témoignages sont identifiées par des pseudonymes, pour leur protection.

Deux des détenus ont dit avoir été déplacés dans différents endroits et ne pas être en mesure de dire où ils avaient été détenus. Plusieurs familles ont entendu dire que des personnes étaient également détenues à l’École n° 2 d’Izioum, mais les chercheurs n’ont identifié personne qui y aurait été détenu.

Un ancien détenu a montré à Human Rights Watch une maison privée abritant désormais les forces ukrainiennes, où il pense avoir été détenu pendant une journée par les forces russes. Il a déclaré que ses ravisseurs l’avaient menacé en disant : « Ne nous cherche pas, ou les forces spéciales de Kirov vont rappliquer ». Plus tard, ils l’ont emmené dans une autre maison, beaucoup plus loin, en lui disant qu’elle se trouvait « sur la ligne de front » et qu’il allait disparaître, avant de le ramener en ville et de le libérer. Des habitants de la région ont déclaré que les forces russes s’étaient bien servies de cette première maison pendant la période où l’homme dit avoir été détenu..

World Opinions – Human Rights Watch

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