Depuis 2009 en Espagne, les conjoints ou ex-conjoints violents doivent porter un bracelet électronique sur ordre d’un juge. Mais d’autres mesures sont aussi en place, dont le vaste dispositif VioGén qui implique l’ensemble des forces de l’ordre.
L’Espagne est à la pointe en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. Outre le bracelet électronique, qui émet des alertes si l’homme s’approche un peu trop de la femme menacée, les autorités disposent de toute une série de mesures pour lutter contre le phénomène.
Toute la chaîne d’intervention impliquée
Une grande partie du combat contre les agressions machistes repose sur le Système de suivi intégral pour les violences du genre (VioGén), créé en 2007. Tous les acteurs concernés sont impliqués: polices nationale, locale et régionale, garde civile, juges, procureurs, institutions pénitentiaires et services sociaux.
La machine se met en marche dès qu’une femme dépose une plainte. « La première chose que l’on fait, c’est d’écouter le témoignage de la victime, librement et sans l’interrompre », explique Maria Jesús Cantos, commissaire en chef responsable de Viogèn, jeudi dans l’émission Tout un monde de la RTS. « Ces femmes arrivent en général dans un état émotionnel très altéré. On essaie de les laisser libérer ces émotions pour qu’elles puissent raconter ce qu’elles ont subi », poursuit-elle.
Pour évaluer les risques, la victime est priée de remplir un questionnaire. « Elle attend ensuite dans une salle pendant que nous rentrons toutes les données dans ce système », ajoute Maria Jesús Cantos.
Indicateurs basés sur des algorithmes
Cette déclaration va servir à déterminer des indicateurs reposant sur des algorithmes constamment étudiés, voire améliorés, par une équipe d’experts des universités espagnoles. Les profils de la victime, de l’agresseur et les circonstances sont pris en compte.
« On regarde s’il y a des mineurs à charge, s’il existe des conflits, des dépendances à la drogue ou des problèmes de santé mentale », détaille la commissaire en chef responsable de Viogèn. « On regarde également comment se sont produits les faits, quel type d’agression a subi la femme, tout cela est analysé. Ce n’est pas la même chose si la victime a été attrapée par le cou ou par le bras ».
Quelque 76’000 femmes sous protection
Un peu plus de 721’000 femmes sont actuellement incluses dans ce système en Espagne. Mais seules 76’000 d’entre elles bénéficient d’une protection. Car une fois les risques évalués, il existe plusieurs niveaux de protection: zéro, faible, moyen, élevé et extrême. Dans le cas extrême, les mesures le sont aussi.
« La femme sort du commissariat avec une protection et des mesures d’autoprotection », précise Maria Jesús Cantos. « Si le niveau de danger est extrême, elle bénéficiera d’une protection 24h sur 24h. Elle aura un agent qu’elle peut contacter à n’importe quel moment, elle aura aussi une patrouille devant son domicile sept jours sur sept. Et si elle doit sortir, cette patrouille va l’accompagner ».
Cette surveillance nécessite évidemment d’importants effectifs policiers. Presque 4000 agents de police et de la garde civile sont mobilisés exclusivement sur les cas de violence machiste, sans compter les quelque 26’000 agents mobilisés pour la surveillance en patrouille.
Toujours trop de féminicides malgré tout
Malgré toutes ces mesures, le système n’est évidemment pas infaillible. Et chaque assassinat de femme est un coup très dur pour cette commissaire en chef qui ne baisse jamais les bras. Entre fin décembre et début janvier derniers, 17 femmes ont été assassinées en Espagne, provoquant l’alarme et des réunions au plus haut niveau pour analyser ce qui n’avait pas fonctionné dans l’évaluation du risque.
Les assassinats se produisent du reste davantage lorsque les risques ont été évalués bas ou moyen ou si les femmes sont réticentes à accepter une protection. C’est précisément là l’une des difficultés.
« Il y a des femmes qui ne se laissent pas protéger pour diverses raisons, parfois parce qu’elles ne perçoivent pas le danger, d’autres fois parce qu’elles pensent qu’elles contrôlent la situation, que ce n’est pas grave et qu’elles réussiront à faire changer leur compagnon ou ex-conjoint », déplore Maria Jesús Canto.
Le nombre de plaintes augmente de 10% chaque année en Espagne. Mais la grande majorité de la violence machiste reste encore sous les radars. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la violence machiste, le pays a cependant réussi à faire diminuer le nombre de féminicides: 72 femmes assassinées en 2004, contre moins de 50 en moyenne annuelle depuis quelques années.
Par Valérie Demon – RTS Info