Le camp américain destiné à recevoir les terroristes étrangers, est devenu célèbre pour ses conditions de détention arbitraires et cruelles. Barack Obama avait promis sa fermeture. Mais 20 ans après avoir accueilli son premier prisonnier le 11 janvier 2002, Guantanamo est toujours là.
Sur le papier, cela ressemble à un coin de paradis. Plages immaculées, lagon turquoise, forêt tropicale et iguanes à profusion dans cette enclave américaine au sud-est de Cuba, 117 km2 contrôlés par les Etats-Unis depuis la fin du XIXe siècle.
Mais très vite après l’arrivée des premiers prisonniers le 11 janvier 2002, le camp X Ray, rebaptisé ensuite Camp Delta est devenu l’incarnation de la détention arbitraire et d’une forme d’absurdité. En 20 ans, 780 personnes y ont été emprisonnées. Il en reste 39 aujourd’hui, la plupart sont bloquées là, comme dans une impasse juridique, sans aucun procès prévisible, simplement en attente d’un accord d’extradition vers leur pays d’origine.
Restent malgré tout une quinzaine de détenus toujours considérés comme dangereux, dont quelques cas emblématiques : en particulier le Pakistanais Khaled Sheikh Mohammed, cerveau présumé des attentats du 11 septembre 2001, il risque la peine de mort. Ou le Saoudien Abd Al Rahim Al Nashiri, poursuivi pour l’attaque contre le navire USS Cole en octobre 2000.
Des accords d’extradition au compte-goutte
La fermeture du camp est sans cesse reportée, c’est devenu une « patate chaude politique ». Guantanamo symbolise les dérives de la lutte anti-terroriste : détention arbitraire sans procès, tortures physiques et psychologiques, cages à ciel ouvert, en tout cas dans la première version du camp. Aujourd’hui encore, les droits de la défense sont réduits au strict minimum.
Amnesty International réclame d’ailleurs une nouvelle fois la fermeture du camp à l’occasion de ces 20 ans d’existence. Barack Obama a voulu le faire en 2009. Il entendait faire juger les prisonniers par des tribunaux civils. Mais il s’est heurté à l’opposition du Congrès. Ensuite, son successeur Donald Trump n’a rien fait. Joe Biden, lui, a de nouveau promis la fermeture. Mais c’est un sujet politiquement délicat aux Etats-Unis, a fortiori après la chute de Kaboul l’été dernier, puisqu’on a vu apparaître d’anciens détenus de Guantanamo dans le gouvernement des talibans.
L’actuel président américain en est donc revenu à la même politique que ses prédécesseurs : des libérations au compte-goutte, dans la discrétion, dès qu’un accord est obtenu avec le pays d’origine. Dernier cas en date : le marocain Abdul Latif Nasir, renvoyé à Casablanca l’été dernier. Et aujourd’hui encore, les Etats-Unis « cherchent identifier des pays de transfert ». C’est la formule utilisée le 6 janvier par Ned Price, le porte-parole du Département d’Etat, le ministère américain des Affaires étrangères.
500 millions de dollars par an
L’absurdité, c’est aussi que cette affaire coûte une fortune : la facture est estimée à 500 millions de dollars par an, à la charge du contribuable des Etats-Unis. Coût moyen de la détention d’un prisonnier : 900 000 dollars par an, 15 fois plus que dans un établissement pénitentiaire ordinaire aux Etats-Unis.
La base abrite 6 000 personnes, dont près de 2 000 militaires, à plein temps. Un dispositif faramineux si on le rapporte au nombre de détenus et au coût politique de Guantanamo, pour l’image des Etats-Unis dans le monde.