Les forces russes ont apparemment utilisé des armes à sous-munitions contre des zones civiles de Kherson, en Ukraine, à au moins trois reprises depuis leur retrait de cette ville, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Ces incidents ont fait partie d’une série d’attaques ayant fait des victimes civiles à Kherson.
« Les habitants de Kherson ont survécu à huit mois d’occupation russe accompagnée de la crainte constante d’être torturés, simplement pour être ensuite été soumis à de nouvelles attaques indiscriminées, y compris apparemment par le biais d’armes à sous-munitions », a déclaré Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à Human Rights Watch.
Depuis le 11 novembre, lorsque les forces ukrainiennes ont repris la Kherson, les forces russes ont attaqué cette ville à plusieurs reprises, à partir de l’autre rive du fleuve Dniepr. Au 25 novembre, ces attaques avaient déjà tué au moins 15 habitants, dont un enfant, et blessé 35 autres personnes, selon la directrice du conseil municipal de Kherson, Halyna Luhova. Ces attaques ont conduit de nombreux civils, y compris des patients du principal hôpital de Kherson, à évacuer la ville.
Des chercheurs de Human Rights Watch ont séjourné à Kherson du 20 au 24 novembre. Au cours de ces cinq jours, les attaques contre la ville se sont intensifiées.
Vers 12h30 le 21 novembre, une attaque apparemment menée avec des armes à sous-munitions a blessé trois personnes alors qu’elles marchaient dans la rue, dans un quartier peuplé. Un homme de 29 ans a déclaré qu’il se trouvait dans un bus qui était sur le point de s’arrêter dans la rue Universytetska dans le district de Dniprovskyi, directement au nord du fleuve Dniepr, lorsqu’il a entendu plusieurs explosions. Il est descendu et a vu une femme allongée sur le trottoir dans une mare de sang. Son pied gauche avait été arraché, laissant l’os exposé. Un homme dont les pieds avaient aussi été arrachés se traînait par terre. Le témoin a dit qu’il n’avait vu aucune force militaire ukrainienne a proximité. Andriy Dubchak, un photojournaliste, est arrivé quelques minutes plus tard et a décrit la même scène. Il a dit avoir vu des ambulanciers paramédicaux militaires et des policiers arriver pour emmener les blessés à l’hôpital, mais n’a observé aucune autre présence militaire dans cette zone.
Les chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus sur les lieux le 22 novembre, et ont vu des traces de sang laissées par les deux victimes. Ils ont aussi identifié trois sites d’impact de munitions ; les schémas de fragmentation sur le trottoir étaient compatibles avec ceux d’une détonation de sous-munitions. Ils ont vu ce qui semblait être un ruban stabilisateur d’une sous-munition, de couleur blanche, près de l’un des sites d’impact. La disposition des traces de fragmentation laisse supposer que les munitions ont été tirées depuis le sud.
Depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, les forces russes ont utilisé à plusieurs reprises des armes à sous-munitions, dont l’usage est en soi indiscriminé, lors d’attaques qui ont tué des centaines de civils et endommagé des maisons, des hôpitaux et des écoles.
Les armes à sous-munitions explosent généralement dans le ciel et dispersent des dizaines, voire des centaines de petites sous-munitions sur une zone de la taille d’un terrain de football. De nombreuses sous-munitions n’explosent pas lors de l’impact initial, laissant donc sur le sol des « ratés » qui fonctionnent comme des mines terrestres. Les armes à sous-munitions sont interdites par un traité international auquel ni la Russie ni l’Ukraine n’ont adhéré. Quoi qu’il en soit, l’utilisation d’armes à sous-munitions dans des zones habitées par des civils constitue une attaque indiscriminée, en violation du droit international humanitaire.
Les chercheurs ont observé une présence militaire limitée dans la ville de Kherson ; la majorité des forces qu’ils ont vues dans la ville étaient des policiers exerçant des fonctions d’application de la loi.
Même en cas de présence d’un objectif militaire légitime, une attaque est considérée comme indiscriminée et illicite si elle recourt à des moyens de combat dont les effets ne peuvent pas être limités à des objectifs militaires. Compte tenu de la nature intrinsèquement indiscriminée des armes à sous-munitions et de leurs effets néfastes prévisibles sur les civils, leur utilisation à Kherson pourrait constituer un crime de guerre, et devrait faire l’objet d’une enquête
World Opinions – Human Rights Watch