Sur Twitter, l’annonce de candidatures présidentielles cohabite avec le piratage de films. L’ère du format long et de la fragmentation de contenus sur les réseaux sociaux pose de nouveaux défis.
Le gouverneur de Floride Ron DeSantis a annoncé mercredi sa candidature à l’élection présidentielle américaine lors d’un échange en direct avec Elon Musk sur Twitter.
Alors que l’annonce de Ron DeSantis a bousculé les habitudes médiatiques, la diffusion de cette candidature présidentielle n’a pas été sans heurts. En effet, de sérieux problèmes techniques ont entaché la retransmission en direct, mettant en lumière les défis auxquels Twitter est confronté en tentant d’adopter des formats plus longs, une stratégie du nouveau propriétaire de la plateforme Elon Musk.
Le milliardaire américain a toujours assuré vouloir faire de Twitter la « place publique numérique de l’humanité », où la liberté d’expression règne.
Il a annoncé il y a une semaine que sa plateforme permettait aux utilisateurs « premium » – ceux qui payent pour avoir la certification bleue – de télécharger des vidéos de deux heures. Twitter marche ainsi dans les pas de YouTube.
En réponse à Elon Musk, un internaute a tout de suite publié une version piratée du film « Shrek 3 ». Son tweet a obtenu des centaines de milliers de réactions, avant d’être supprimé après plus d’une heure. Ce n’est pourtant pas la première fois que des films piratés sont accessibles sur le réseau social à l’oiseau bleu.
Contourner les restrictions d’utilisation
Avant, quand la durée était fixée à une heure, certains utilisateurs ont dû fragmenter leurs publications en deux parties, voire plus. Fin avril, le film « Super Mario Bros » avait cumulé plus de 9 millions de vues.
Ces pratiques de piratage ne sont que la partie émergée de l’iceberg d’un phénomène encore plus large et complexe: la fragmentation du contenu qui s’observe aussi sur TikTok. Des utilisateurs ont découpé des films en clips de dix minutes, la limite imposée par la plateforme. Inconnu au bataillon, un film américain indépendant, par exemple, a trouvé son public, un clip à la fois. Une seule partie de dix minutes a été visionnée 90 millions de fois.
Mais quel est l’intérêt de ce découpage? Il s’agit, d’une part, d’une forme de résistance de la part des internautes face aux contraintes des réseaux sociaux. Mais aussi, d’une manière subtile, de nous faire passer plus de temps devant notre smartphone pour chercher la suite du film, qui se trouve généralement dans les commentaires.
Alors qu’avant, on zappait d’une chaîne à l’autre, aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, on zappe d’un commentaire à l’autre. Qui dit recherche dit plus d’engagement, plus de like et de followers, comme le précise le média américain The Atlantic dans un article. Et qui dit engagement, dit économie de l’attention, colonne vertébrale du modèle économique des médias sociaux.
Travail important de modération
La fragmentation des contenus rend toutefois le travail des plateformes plus difficile pour détecter un contenu inapproprié ou protégé par les droits d’auteur, tant sur TikTok que sur Twitter.
Un clip de dix minutes pourrait sembler inoffensif en soi, mais si on le place dans une série d’autres clips, l’ensemble pourrait violer les politiques de la plateforme. La pratique pourrait être la porte ouverte à toutes les fake news, les théories complotistes et la désinformation.
La transformation future de Twitter, tant en termes de longs formats que de fragmentation du contenu, révèle les défis importants pour la plateforme. Il s’agit non seulement de maintenir l’intégrité du contenu et d’éviter le piratage, mais aussi de modérer de manière efficace un flux toujours plus fragmenté d’informations.
Comment le Twitter d’Elon Musk équilibrera-t-il ces tensions tout en assurant son ambition de devenir l’agora de l’humanité? Le chemin semble long, au vu du temps de réaction de Twitter face aux contenus piratés. Car le réseau social a licencié à tour de bras les effectifs des équipes juridiques et de modération de contenu depuis qu’Elon Musk a pris le contrôle de l’entreprise.
Par Miruna Coca – RTS Tech