Déjà visée par l’administration américaine et désormais par les institutions européennes, l’application chinoise compte sur deux projets d’envergure pour convaincre de sa bonne foi.
Face aux critiques de l’administration européenne, qui craint un risque d’espionnage, TikTok a donné mardi 7 mars un premier aperçu des changements envisagés par l’application pour rassurer ses utilisateurs. Baptisé « Project Clover » (Projet trèfle), ce programme vise à proposer une plus grande transparence sur le sort des données des clients européens de l’application : TikTok annonce ainsi l’ouverture de deux centres de données supplémentaires en Europe, un en Irlande et un en Norvège, ce qui porte le total des centres construits par TikTok en Europe à trois.
La société précise que la construction de ces trois installations représente un investissement total de 1,2 milliard d’euros. TikTok promet que, d’ici 2024, l’ensemble des données de ses utilisateurs européens sera hébergé et traité au sein de l’union européenne.
En outre, la société accepte de se soumettre à un examen réalisé par « une société européenne de cybersécurité » qui sera chargée d’analyser les « contrôles et protections des données, de surveiller les flux de données, de fournir une vérification indépendante et de signaler tout incident ». Pour l’instant, TikTok ne révèle pas quel acteur sera chargé de procéder à ces vérifications mais assure avoir déjà pris contact avec un potentiel candidat et promet d’annoncer le nom de l’entreprise dans les semaines à venir.
Enfin, l’application promet que ses équipes déploieront de nouvelles technologies afin de garantir aux utilisateurs une meilleure protection de leurs données et de leur vie privée. La société mentionne en exemple le recours à la « pseudonymisation » des données collectées par l’application, qui empêche d’associer précisément un utilisateur de celle-ci à un nom et un prénom ou toute autre donnée l’identifiant.
Déclinaison européenne
Le projet Clover s’inspire largement des efforts déjà consentis par TikTok aux Etats-Unis. En 2022, la société avait ainsi répondu aux critiques qui la visaient en dévoilant un premier projet de migration, baptisé « Project Texas ». Similaire au projet avancé pour l’Union européenne, le projet Texas vise à rapatrier, à terme, la totalité des données appartenant à des utilisateurs américains de l’application sur des serveurs entièrement basés aux Etats-Unis et administrés par la société américaine Oracle. Un moyen pour la société de répondre aux critiques portant sur la transmission en Chine des données collectées par TikTok.
A cette relocalisation des données s’ajoutent d’autres garanties avancées par le réseau social, notamment la création d’une filiale baptisée US Data Security (USDS) chargée d’administrer les activités américaines de TikTok et dotée d’un conseil d’administration indépendant de ByteDance. La société américaine Oracle y jouera un rôle majeur, et sera également chargée, aux côtés de sept autres entreprises, d’analyser le code source et les mises à jour de l’application avant leur déploiement sur les magasins d’applications américains.
Le projet Clover a été annoncé au mois de juillet 2022, mais mobilise les équipes de ByteDance en interne depuis 2020. C’est en effet cette année-là que l’administration Trump avait commencé à émettre les premières critiques à l’égard de l’application chinoise. Aux dernières nouvelles, le projet Texas n’était pas encore tout à fait acté : TikTok a déjà opéré la migration de ses opérations vers les serveurs administrés par Oracle, mais a encore recours à ses propres centres de données aux Etats-Unis et à Singapour pour conserver des sauvegardes des données.
De la même manière, la création de la nouvelle branche USDS est conditionnée à un avis de la commission américaine sur les investissements à l’étranger, et celui-ci n’a pas encore été publié. Le projet Clover, qui prévoit des dispositions relativement similaires pour l’Europe, pourrait donc également prendre un certain temps avant d’obtenir tous les feux verts nécessaires à sa mise en œuvre.
Par Louis Adam – Le Monde