Les chrétiens et les chiites du Maroc sont sujets à des restrictions de la part de l’Etat et de la société à la fois, selon le rapport annuel du Département d’Etat américain sur la liberté religieuse dans le monde. Le document indique que pour pratiquer leurs rites, ces minorités religieuses doivent rester dans la discrétion.
Dans son édition 2022 du rapport annuel sur la liberté religieuse à travers le monde, le Département d’Etat américain a constaté, dans le cas du Maroc, des restrictions continues visant certaines minorités, notamment les chrétiens et les musulmans chiites. Cette double peine est subie de la part de l’Etat comme de la société, ce qui contraint ces communautés à rester discrètes sur leurs pratiques rituelles, selon la même source.
Au Maroc, 99% de la population musulmane se déclare sunnite, tandis que moins de 0,1% s’identifie comme chiite. Les autres groupes religieux constituent ensemble moins de 1% et comprennent les chrétiens, les juifs et les bahaïs. La loi marocaine permet aux groupes religieux de s’enregistrer en tant qu’associations, mais certaines minorités font part de retards ou de refus pour leurs demandes.
Une surveillance sur les pratiques religieuses des minorités
Le rapport du Département d’Etat américain souligne, par ailleurs, que le ministère marocain des Habous et des affaires islamiques gère et contrôle le contenu des prêches des imams dans les mosquées, de même que l’éducation religieuse islamique et la diffusion de messages à portée religieuse musulmane à travers les médias audiovisuels, dans le cadre de mesures visant à lutter contre l’extrémisme violent. Selon la même source, le gouvernement marocain a limité notamment «la distribution de matériel religieux non islamique, ainsi que le matériel islamique considéré comme incompatible avec le courant malikite de l’islam sunnite».
«Les musulmans sunnites et les juifs sont les seuls groupes religieux reconnus par la Constitution. Un ensemble distinct de lois et de tribunaux spéciaux réglemente les questions de statut personnel pour les juifs, y compris le mariage, l’héritage et d’autres questions relatives au statut personnel.»
Dans un autre registre, le rapport indique que les autorités marocaines «refusent aux organisations chrétiennes constituées de citoyens locaux le droit au mariage chrétien ou civil ainsi que l’accès aux services funéraires spécifiques, ou le droit de créer de nouvelles églises». Dans ce sens, le Maroc continue d’autoriser l’activité de 44 églises chrétiennes enregistrées à l’étranger. Certains pasteurs étrangers ont rapporté, pour leur part, que «les citoyens chrétiens en général n’assistent pas aux offices, par crainte d’être harcelés». Quant aux résidents étrangers et aux visiteurs occasionnels, ils peuvent officier sans restriction.
Concernant les musulmans chiites, «le gouvernement a continué à refuser d’autoriser la création d’associations et a empêché les chiites d’organiser leurs cérémonies rituelles», dans un contexte où «il n’existe pas de mosquées chiites ni husseinites connues dans le pays», ajoute le rapport.
Les libertés religieuses ne sont pas encore assez ancrées en société
Dans un autre volet consacré également à la situation au Maroc, le rapport a constaté que le gouvernement a fait évoluer le programme de l’enseignement religieux dans le système éducatif national primaire et secondaire, à travers «des réformes fondées sur les valeurs universelles de liberté, d’empathie et de solidarité». «Depuis le début de la révision en 2016, 29 manuels scolaires ont été revus. D’autres modifications se sont poursuivies au cours de l’année», indique-t-on.
Par ailleurs, le rapport souligne que l’Etat marocain a continué à soutenir la restauration des synagogues et des cimetières juifs à travers le pays, à travers des directives royales pour préserver le patrimoine religieux et culturel du pays, servant de symbole de tolérance. Cependant, les représentants des minorités religieuses, surtout chrétiennes, font part de «peur du harcèlement sociétal, y compris l’ostracisme par les familles des convertis, la discrimination dans l’emploi et la violence potentielle par des ‘extrémistes’». Ces facteurs poussent beaucoup à pratiquer leurs croyances dans la sphère privée uniquement, à l’écart de tous les espaces publics.
A ce titre, des groupes chiites ont rapporté avoir observé l’Achoura «en secret, pour éviter le harcèlement de la société». «Les musulmans chiites ont déclaré que beaucoup évitaient de révéler leur appartenance cultuelle dans les régions où ils sont encore plus minoritaires», souligne la même source, qui ajoute que les processions publiques de l’Achoura sont autorisées conformément au rite sunnite uniquement.
Les citoyens convertis disent, par ailleurs, avoir subi «des pressions sociales de la part de familles et d’amis musulmans pour qu’ils se reconvertissent à l’islam ou qu’ils renoncent à leur foi chrétienne». Certains jeunes chrétiens vivant encore au sein de leurs familles musulmanes n’auraient pas divulgué leur foi, par crainte d’être rejetés par leurs proches.
D’autre part, les citoyens juifs déclarent continuer à vivre pleinement leur foi, en assistant notamment aux rassemblements religieux dans les synagogues, en toute sécurité. Ils ont indiqué aussi qu’ils pouvaient visiter régulièrement les lieux de culte juif et organiser leurs cérémonies rituelles. Dans ce sens, les visites touristiques à caractère religieux se sont accrues sur les sites du patrimoine juif.
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