Trente ans après la fin de l’URSS, paraît en français l’étonnant témoignage d’une rescapée du système concentrationnaire soviétique, le goulag. dessina ses années d’internement.
Extrait d’« Envers et contre tout », d’Euphrosinia Kersnovskaïa : « Quelle étrange impression produisent ces silhouettes irréelles tournant en rond au fond d’un puits de pierre ! Dire que cela s’appelle la « promenade » ! Et cette promenade, on l’attend toute la journée avec impatience. Dix minutes. On peut apercevoir le ciel, bien qu’il soit interdit de regarder en l’air sous peine d’être privée de ce droit à la promenade. Regarde par terre ! » IGOR TCHAPKOVSKI/CHRISTIAN BOURGOIS/INTERFÉRENCES
« Que va-t-il se passer ? – On verra bien. Pour l’instant, bois ton thé ! » Ce conseil est adressé à sa mère par une jeune femme de 32 ans qui ne se doute pas que « ce qui va se passer », ce sera l’apocalypse. On est en plein été 1940, et l’armée soviétique vient d’annexer la Bessarabie, qui jusque-là faisait partie de la Roumanie. C’est ici que la famille Kersnovski avait trouvé refuge après son exode d’Odessa, pris par les bolcheviques en 1919.
Le père, juriste, se reconvertit en agriculteur, mais c’est Euphrosinia, sa fille, qui gère la ferme – avec assez de succès pour être bientôt considérée par le nouveau pouvoir comme une koulak (une paysanne riche), avant d’être spoliée, arrêtée et déportée dans le nord de la Russie.
« Envers et contre tout. Chronique illustrée de ma vie au goulag » (Skol’ko stoit chelovek), d’Euphrosinia Kersnovskaïa, traduit du russe par Sophie Benech, avant-propos de Ludmilla Ouilitskaïa, préface de Nicolas Werth, Christian Bourgois/Interférences, 622 p., 29,90 €, numérique 20 €.
Par Elena Balzamo / Monde des livres