L’industrie du plastique devrait continuer à prospérer

Les interdictions se multiplient contre les pailles, les sacs ou les emballages à usages unique, et les Etats semblent toujours plus nombreux à agir pour une diminution des déchets plastiques. Pourtant, les grandes entreprises du secteur pétrochimique, elles, continuent d’augmenter leur capacité de production.

Une étude publiée vendredi par le think tank londonien Carbon Tracker souligne « le pari risqué » du secteur pétrolier en ce qui concerne le plastique.

D’après le groupe de réflexion basé à Londres, les secteurs du pétrole et de la pétrochimie continueraient de miser énormément sur une croissance future de l’industrie du plastique.

Interviewé dans Tout un monde, Ed Vaughan, co-auteur de ce rapport, estime que ces investissements vont à contre-courant et pourraient se traduire par des pertes massives: « Il y a des risques que ces projections ne se concrétisent pas comme prévu, parce que tout le monde est en train de basculer vers une économique circulaire du plastique. »

Et de préciser: « la principale conséquence, à notre avis, c’est que 400 milliards de dollars d’actifs dans la pétrochimie pourraient se retrouver sans débouchés si l’industrie continue de faire comme si rien n’allait changer ».

Un rapport décrit comme militant

Le constat n’est toutefois pas partagé par de nombreux experts. Pour Francis Perrin, chercheur à l’IRIS et spécialiste du pétrole, il ne faudrait pas prendre ses désirs pour des réalités. Selon lui, ce rapport souffre d’un certain caractère militant et d’une vision un peu trop centrée sur ce qu’il se passe en Europe.

« C’est bien que l’Union européenne veuille bannir l’usage du plastique unique et développer le recyclage. Mais l’Union européenne, c’est un peu moins de 500 millions d’habitants sur près de 8 milliards de personnes. Et puis, il ne faut jamais oublier qu’il y aura 2 milliards d’humains en plus d’ici 2050 ».

Et d’ajouter: « Rappelons un ordre de grandeur essentiel pour comprendre certaines réalités. En Inde, on estime que la consommation de plastique par habitant est de l’ordre de 10 kilos par an. Au Canada ou en Corée du Sud, c’est 100 kilos. On voit bien le potentiel de croissance qu’il y a pendant encore un certain temps dans les pays en développement et les pays émergents ».

« Sans contraintes, pas de réduction »

Le chercheur de l’IRIS n’est d’ailleurs pas le seul à prendre les conclusions de Carbon Tracker avec des pincettes. Mathieu Auzanneau dirige le think tank français The Shift Project, qui travaille à la mise en oeuvre d’une transition écologique. Il n’est lui non plus pas surpris que les pétroliers continuent à miser sur le plastique.

« L’hypothèse de Carbon Tracker, c’est de dire qu’on va faire en Europe ce qu’on n’a jamais fait ni en Europe, ni ailleurs dans le monde, à savoir mettre en place la thérapie souhaitée et réduire nos besoins pétroliers de manière générale et en plastique en particulier. Mais à partir du moment où vous ne mettez pas de contraintes sur le renouvellement des appareils électroniques, des téléphones ou des voitures, il n’y a pas de raison de penser que vous aurez une réduction des besoins en plastique. »

Une croissance rapide à venir

Pour les analystes du secteur, les changements de paradigme que l’on peut observer en Europe sont donc insuffisants pour prédire la fin prochaine du plastique. Bien au contraire, estime Francis Perrin.

« Les plastiques en particulier et la pétrochimie en général pourraient, parmi les débouchés du pétrole, être celui qui connaîtra la croissance la plus rapide d’ici au milieu de ce siècle. On estime que d’ici 2050, la pétrochimie pourra absorber environ 20 millions de barils de pétrole par jour, contre 12 à 13 millions actuellement. »

Alors même si le carburant des camions, des avions et des bateaux devrait continuer à absorber la plus grande part de la production de pétrole dans le monde, le plastique pourrait bel et bien devenir le premier relais de croissance de cette industrie.

Par Rinny Gremaud

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