Les attaques des rebelles yéménites dans la mer Rouge pénalisent les exportations du pays et risquent de plonger l’économie locale, déjà confrontée à l’inflation et la pénurie de devises, dans l’anémie.
Le trafic maritime sur le canal de Suez est en chute libre. Avec la multiplication des attaques des houthistes en mer Rouge en représailles à la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza, treize des plus grands armateurs mondiaux, représentant à eux seuls près de 40 % du marché mondial, ont annoncé dérouter leurs navires vers le cap de Bonne-Espérance. Face à ce détournement soudain des navires commerciaux, c’est une artère vitale de l’Egypte qui est en danger, au risque de plonger l’économie du pays, déjà morose, dans un état d’anémie.
En temps normal, pas moins de 12 % du commerce mondial passe par cette artère, longue de 193 kilomètres et étroit d’environ 300 mètres, reliant la mer Rouge à la Méditerranée. Une cinquantaine de cargos, tankers et autres porte-conteneurs traversent quotidiennement le canal. A chaque passage, ces vaisseaux commerciaux versent une taxe aux autorités égyptiennes, représentant une source de devises étrangères essentielle pour le pays.
En janvier, les revenus ont diminué de 40 % comparé à l’année 2023, a fait savoir le directeur de l’Autorité du canal de Suez (SCA), l’amiral Osama Rabie, précisant que le nombre de navires franchissant le passage a chuté de 30 %. Encore difficile à quantifier, le manque à gagner pour l’économie égyptienne s’annonce important.
L’économie égyptienne en pleine crise
Cette rente pour l’Egypte est d’autant plus vitale que l’Etat croule sous les dettes. Depuis des mois déjà, l’inflation ne cesse d’augmenter, exacerbée par une dévaluation de la monnaie de près de 50%, en contrepartie de ces aides financières.
En août, l’inflation a ainsi atteint +39,7%, son plus haut niveau historique dans ce pays dont la crise économique ne cesse de s’aggraver, tant les réformes réclamées par ses créanciers tardent à venir.
A l’inverse, le gouvernement finance des projets pharaoniques. Entre méga-projets du président Abdel Fattah al-Sissi, subventions sur de nombreux produits et politique monétaire de soutien de la livre égyptienne, sa dette extérieure a donc explosé. Elle atteint 90% du PIB. L’Egypte n’a pas hésité à tirer davantage de ressources financières du canal alors que le gouvernement doit négocier avec le Fonds monétaire international (FMI).
Le Caire a ainsi obtenu en décembre son quatrième prêt du FMI depuis 2017, mais les trois milliards de dollars qui lui seront versés sur environ quatre ans pèsent peu, le seul service de la dette pour 2022-2023 s’élevant à 42 milliards de dollars.
Selon l’agence Moody’s, le pays est l’un des cinq qui risque le plus de ne pas rembourser sa dette extérieure.
Pire, 71,5 millions d’Egyptiens dépendent encore du programme public de subventions alimentaires qui inclut le pain, mais aussi le riz, le sucre ou encore les pâtes. En un an, les prix de l’alimentation ont bondi de 71,9%, ceux des transports de 15,2% et ceux de l’habillement de 23,6%.
Résultat, 60% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté ou tout juste au-dessus. Le pays de 105 millions d’habitants, premier importateur de blé mondial, subit de plein fouet la guerre entre l’Ukraine et la Russie, ses deux principaux fournisseurs.
La flambée du dollar par rapport à la monnaie affecte directement les ménages, puisque la grande majorité des biens sont importés en dollars en Egypte.
World Opinions – Le Monde