Le train de nuit Paris-Vienne inauguré sur de mauvais rails

Le train de nuit a le vent en poupe. Après le Paris-Venise-Milan ou les lignes Paris-Briançon et Paris-Tarbes-Lourdes, la SNCF, l’ÖBB (son équivalent autrichien) et la DB (Deutsche Bahn, la compagnie nationale allemande) ont célébré, le 14 décembre, l’entrée en gare de Paris-Est du premier train de nuit Vienne-Paris, baptisé « Nightjet », parti de la capitale autrichienne la veille à 19 h 40.

L’intérêt est double : relier les deux capitales européennes en promettant à plusieurs villes étapes un trajet direct. Trois allers-retours chaque semaine : le mardi, vendredi et dimanche dans le sens France-Autriche et le lundi, jeudi et samedi dans l’autre sens.

Le train s’arrête en effet à sept ou huit reprises (selon le sens du voyage) entre Paris et Vienne. Mais aussi faire des économies en émission de CO2. La SNCF explique que chaque passager en économise 400 kg par rapport à l’avion. Et sachant que le train de nuit peut accueillir 360 passagers, ce sont, au total, 144 tonnes de CO2 qui ne sont pas dépensées.

Faut-il encore que le service soit à la hauteur de l’enjeu. Pour cela, Le Point est allé tester cette ligne, dans le sens Paris-Vienne, vendredi 17 décembre. Le trafic à la gare Paris-Est est plutôt dense ce soir-là. Pour accéder au TGV qui dessert Strasbourg, il est nécessaire de montrer son pass sanitaire. Notre train nous attend au quai numéro 7, où personne ne contrôle les allées et venues. Nous nous retrouvons donc à chercher notre wagon-couchette tout seul.

Nous voyageons dans l’une des deux voitures-lits du train. Il s’agit d’une cabine triple avec un lavabo. Une douche commune se trouve au fond du couloir. Elle n’est pas séparée des toilettes. Une hôtesse nous accueille finalement et nous propose une petite bouteille de mousseux autrichien en guise de cadeau de bienvenue. Face à notre étonnement devant l’étiquette, elle nous livre une anecdote qui, avec le recul, aurait dû nous mettre la puce à l’oreille quant à la qualité du voyage : « Il est très bon ce vin, je cuisine souvent avec. »

Une succession de dysfonctionnements

Car, malheureusement, une succession de couacs et d’incidents va venir ponctuer le voyage et quelque peu gâcher l’expérience. Quelques minutes après notre installation, nous apprenons que notre place a été vendue deux fois : une fois par la SNCF (la nôtre) et une fois par la compagnie autrichienne. Premier arrivé, premier servi, nous pouvons rester à notre place. Ouf. Dans la même voiture, un autre passager a beaucoup moins de chance, son lit est cassé.

Nous partageons la cabine avec un Français qui travaille à Vienne et qui fait régulièrement le voyage entre les deux villes. À deux dans une cabine pour trois, nous jouissons d’un certain confort. Mais il est difficile d’imaginer la situation en pleine capacité. D’autant que les cabines ne sont équipées que de deux prises de courant… Et sont dépourvues de wi-fi.

Le train part avec 7 minutes de retard, ce qui n’est pas grand-chose sur un voyage de près de quatorze heures. Nous jetons un œil au menu, sur lequel sont proposés des plats chauds, mais aussi des snacks et des boissons. Deuxième coup dur pour les passagers du soir : impossible de régler par carte bancaire, car le terminal de paiement ne fonctionne pas.

Par chance, notre voisin de cabine accepte de nous avancer quelques euros en liquide. Pour donner un peu de couleur locale à ce voyage vers l’Est, nous choisissons une saucisse de Francfort. L’hôtesse prend notre commande et revient quelques instants plus tard nous indiquer qu’elles sont en rupture de stock. Tant pis pour le local, nous nous rabattons sur des spaghettis à la bolognaise.

Arrivent les assiettes. L’hôtesse, qui a remarqué notre stupéfaction, nous demande ce qu’il se passe. « Nous ne voyons pas la sauce bolognaise, vous êtes sûre qu’il s’agit de nos plats ? » demande-t-on. En effet, les spaghettis (réchauffés) ne sont agrémentés que d’une branche de thym et deux tomates cerises. « On les sert toujours comme ça », nous répond l’hôtesse. Après tout, philosophons-nous alors, la nourriture servie dans les avions n’est guère plus réjouissante…

Literie correcte et réveil musclé

Minuit approche et nous allons bientôt quitter la France pour l’Allemagne. L’heure est aussi venue de se coucher. Un bon point, la literie est tout à fait correcte et même confortable si vous ne mesurez pas plus de 1,90 m. Bercés par le bruit du train, nous plongeons ainsi vers le pays des rêves. Ce voyage sera de courte durée, aux alentours d’une heure du matin, la lourde main de la police ferroviaire allemande vient réveiller chaque cabine. Contrôle d’identité : nous devons tous présenter nos passeports ou cartes d’identité qui sont alors prises en photo.

Après ces péripéties, la nuit nous offre un répit dans les mauvaises surprises. Au réveil, le petit-déjeuner est d’une qualité tout à fait modeste et franchement décevante compte tenu du prix du billet. Car il aura fallu débourser 204,90 euros pour un aller simple. Un tarif assez conséquent et qui n’offre donc qu’un café, une brique de jus d’orange, deux petits pains (pas frais) et deux extras (confiture, jambon, beurre ou encore margarine). Et si vous voulez un petit pot de confiture supplémentaire, il vous en coûtera 1,20 euro. Beaucoup de passagers font l’impasse sur la douche commune où l’hygiène laisse clairement à désirer. L’arrivée se fait avec finalement deux minutes de retard à Vienne, mais présente l’avantage d’être immédiatement au cœur de la capitale autrichienne auquel s’ajoute la satisfaction de se dire que le voyage est enfin terminé.

Pour conclure, si l’intention des services ferroviaires français, allemands et autrichiens était de protéger la planète en encourageant les voyageurs à préférer le train à l’avion, pour l’instant, c’est raté. Faisons le pari qu’il s’agit avant tout de mauvais réglages et que le service gagnera en qualité dans les semaines à venir ; il s’agit d’un impératif à la survie de cette ligne. Notre voisin de cabine est, lui, bien moins magnanime : « le train de nuit Paris-Vienne, plus jamais », nous confie-t-il au moment de nous quitter.

Train de nuit Paris-Vienne : à partir de 29,90 euros en voiture places assises avec cabines de 6 sièges sans lit ; à partir de 59,90 euros en voiture couchettes avec 4 à 6 personnes par cabine ; à partir de 89,90 euros en voiture-lits avec compartiment simple, double ou triple. Réservations sur le site de la SNCF ou de l’OBB.


Par Julien Rebucci – LePoint.fr

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