Tribune. On se souvient de la raideur du premier confinement : le 16 mars, en vue de juguler l’épidémie de covid-19 qui menaçait d’engorger le système hospitalier du pays et donc d’anéantir la garantie de la santé publique, le président de la République fit part à ses 67 millions de concitoyens de sa décision de les séquestrer.
Aussitôt, le premier ministre mit cette décision en musique juridique par deux décrets interdisant d’abord « le déplacement de toute personne hors de son domicile » – sauf ceux nécessités par des raisons professionnelles, médicales, alimentaires, familiales ou motivés par le besoin de promenade (la sienne propre, voire celle du chien) – et frappant ensuite d’une amende salée tout contrevenant à cette interdiction.
Etonnamment, les Français assujettis à cette emprise étatique sur leurs corps ont validé, par une obéissance massive, cette prescription unilatérale de leur jeune chef et ont implicitement consenti à leur propre rétention. Aucun bracelet électronique n’a été requis pour assurer le succès de cette assignation à résidence et chacun s’est mis, docilement, à s’autodélivrer l’insolite « attestation de déplacement dérogatoire » qui conditionnait la légalité de son tour de pâté de maisons.
Vaccin juridique
Grâce à cette discrète reconnaissance de la légitimité du confinement, le jupitérien commandement présidentiel a bel et bien accouché de normativité juridique. Le remède du confinement, qui a sans doute fait reculer l’épidémie plus sûrement que n’a su le faire la médecine totalement désarmée, a donc été le remède du droit. Le confinement, cela a été le vaccin juridique. Aussi, sa stratégie oblique d’obtention du bien a-t-elle été celle de la lutte contre le mal par l’administration du mal, à triple titre.
D’abord, dans son principe, il se met au service, d’intérêt général, de la santé publique, par l’interruption de la vie sociale. La « défense de la société » s’opère ainsi paradoxalement par le retour obligatoire à l’état de nature de chacun, devenu régressif Robinson coffré dans son île. Car, en cas de contagion, l’enfer c’est bel et bien les autres et la méfiance, voire la défiance à leur égard est de mise.
D’où les blessures psychologiques qui s’ensuivent, chacun devant arbitrer entre son appétit de socialité par le travail en présentiel, par le rassemblement festif au bord du canal, par l’urbanité de l’apéro avec les voisins, par la communion avec le club dans les tribunes..
Si le droit du confinement porte gravement préjudice aux libertés fondamentales, il le fait pour le bien du recul de l’épidémie de Covid-19 et la conservation des droits des plus vulnérables, estime, dans une tribune au « Monde », le juriste Olivier Cayla.