Les autorités iraniennes doivent immédiatement renoncer à l’exécution d’un jeune homme, qui a été condamné à mort pour un crime commis quand il était mineur à l’issue d’un procès manifestement inique caractérisé par des « aveux » obtenus sous la torture, a déclaré Amnesty International lundi 11 octobre 2021.
Arman Abdolali a été transféré en détention à l’isolement à la prison de Rajai Shahr, à Karaj, en prévision de son exécution, qui est censée se dérouler mercredi 13 octobre. Sa mise à mort a précédemment été programmée à deux reprises – en juillet 2021 et en janvier 2020 -, avant que les autorités n’y renoncent face au tollé international suscité.
« Le temps presse, et les autorités iraniennes doivent immédiatement annuler l’exécution d’Arman Abdolali prévue pour le 13 octobre. Le recours à la peine de mort contre des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés est prohibé au titre du droit international et constitue une atteinte cruelle aux droits de l’enfant », a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
« En programmant l’exécution d’Arman Abdolali pour la troisième fois, les autorités iraniennes se montrent absolument déterminées à recourir à la peine de mort, au mépris de leurs obligations au titre du droit international. Une mobilisation mondiale a mis un coup d’arrêt aux préparatifs des précédentes exécutions visant Arman Abdolali. Nous demandons désormais à la communauté internationale, notamment aux Nations unies et à l’Union européenne, d’intervenir de toute urgence pour lui sauver la vie. »
Le recours à la peine de mort contre des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés est prohibé au titre du droit international et constitue une atteinte cruelle aux droits de l’enfant
Diana Eltahawy, Amnesty International
Arman Abdolali a été condamné à mort en décembre 2015 après avoir été déclaré coupable de meurtre au terme d’un procès d’une iniquité flagrante durant lequel le tribunal s’est appuyé sur des « aveux » obtenus sous la torture en relation avec la disparition de sa petite amie en 2014. Le corps de la jeune fille n’a jamais été retrouvé ; dans son jugement, le tribunal a déclaré que la manière dont le meurtre avait été commis sans laisser aucune trace indiquait qu’Arman Abdolali avait atteint un certain degré de maturité et comprenait la nature et les conséquences du crime. La prohibition, dans le droit international, de la condamnation à mort de personnes qui étaient mineures au moment des faits qu’on leur reproche est absolue, et les considérations concernant la « maturité » de l’accusé ou sa capacité à « comprendre la nature d’un crime » ne sont donc pas pertinentes.
En parvenant à cette décision, le tribunal s’est également appuyé sur l’opinion d’une conseillère auprès des tribunaux pour les enfants et adolescents, qui a déclaré qu’Arman Abdolali comprenait le caractère « abject » du crime commis. La Cour suprême a confirmé la condamnation en juillet 2016. Les jugements rendus en première instance et en appel ont noté les allégations d’Arman Abdolali, qui a affirmé qu’on l’avait placé à l’isolement pendant 76 jours et frappé à maintes reprises afin de lui faire « avouer » son crime, mais aucune enquête n’a été ordonnée et ses « aveux » ont été qualifiés par la Cour de « sans équivoque ».
En février 2020, la Cour suprême a ordonné un nouveau procès, après que la conseillère auprès des tribunaux pour les enfants et adolescents a retiré ses conclusions, affirmant qu’elles les avaient rendues sans l’avoir rencontré en personne ni avoir étudié son dossier. Ce nouveau procès, qui s’est déroulé devant la cinquième chambre du tribunal pénal n° 1 de la province de Téhéran, a largement porté sur les éventuels doutes concernant sa « maturité » au moment du crime.
En septembre 2020, le tribunal a estimé qu’il était impossible de déterminer le degré de « maturité » d’Arman Abdolali à l’époque, alors que de nombreuses années s’étaient écoulées depuis les faits, et a déterminé qu’en l’absence de preuve attestant le contraire, sa responsabilité pénale restait engagée.
Compte tenu des graves irrégularités ayant entaché ces procédures, Amnesty International demande par ailleurs aux autorités iraniennes d’annuler la déclaration de culpabilité d’Arman Abdolali, et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès conforme aux normes générales d’équité en la matière, et à celles ayant trait aux enfants en particulier, sans s’appuyer sur des « aveux » arrachés sous la contrainte ni requérir la peine de mort.
En vertu du droit iranien, dans les cas de meurtre et d’autres crimes passibles de la peine de mort, la majorité est fixée à 15 années lunaires pour les garçons et à neuf pour les filles, ce qui signifie qu’ils peuvent être condamnés à mort. Cependant, l’article 91 du Code pénal islamique iranien autorise les juges à remplacer la peine capitale par un autre châtiment s’ils estiment qu’il existe des doutes quant à la pleine « maturité » du mineur ou de la mineure au moment des faits. Dans la pratique, des zones d’ombre subsistent sur les éléments de preuve requis et les normes devant être respectées afin que la « pleine maturité » puisse être attestée.
« Ce cas souligne la nature profondément inique du système de justice pour mineurs en Iran. Nous demandons une nouvelle fois aux autorités iraniennes de mettre fin aux violations du droit à la vie et des droits de l’enfant, en modifiant le Code pénal afin d’abroger le recours à la peine capitale contre les personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de leur crime, sans exception, en attendant l’abolition de la peine de mort », a déclaré Diana Eltahawy.
L’Iran continue d’imposer la peine de mort pour des crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans, en violation de ses obligations découlant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention relative aux droits de l’enfant.
En 2020, les autorités ont mis à mort au moins trois personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qu’on leur reprochait. Cette année, elles ont exécuté en secret Sajad Sanjari, un jeune homme qui avait 15 ans à l’époque de l’infraction dont il avait été reconnu coupable. Des dizaines d’autres personnes dans le même cas de figure sont détenues dans le quartier des condamnés à mort en Iran. En 2020, l’Iran a ôté la vie à au moins 246 personnes, ce qui lui vaut la déplorable distinction de se classer à la deuxième place de la liste des pays procédant au plus grand nombre d’exécutions dans le monde.
World Opinions – Amnesty International