Désireuse d’intégrer au plus vite l’espace Schengen, la Bulgarie a durcit les contrôles à ses frontières pour limiter les arrivées de migrants. Pour cela, selon des ONG, les garde-frontières ont recours à des méthodes brutales et des refoulements massifs.
La Bulgarie doit figurer au cœur du sommet européen, jeudi 9 et vendredi 10 février, à Bruxelles. Candidat à l’intégration dans l’espace de libre circulation Schengen, le pays, membre de l’Union européenne (UE) depuis 2007, connaît depuis l’année dernière, une recrudescence de l’immigration clandestine sur son territoire.
Face à ce phénomène, Sofia a renforcé les contrôles à sa frontière avec la Turquie. Mais cela passe des méthodes brutales, dénoncent des ONG et des rapports de Frontex, l’Agence européenne de surveillance des frontières.
L’AFP a également recueilli des témoignages d’exilés ayant subi des violences. C’est le cas d’Ali Husseini, un Afghan relocalisé à Sofia, en avril 2021, à la suite de l’incendie du bidonville de Moria en Grèce, dans le cadre d’un mécanisme européen de solidarité.
Au printemps 2022, il s’est rendu à la frontière chercher son frère. « Trois policiers bulgares cagoulés nous ont embarqués dans leur véhicule. Dans la forêt, ils ont pris nos vêtements, nos chaussures, notre argent avant de nous refouler en Turquie », témoigne-t-il pour l’AFP.
Le jeune homme de 20 ans tente le jour même de retourner en Bulgarie, « pieds nus », mais les policiers restent sourds à son statut et le renvoient après « l’avoir roué de coups ».
« Les brutalités ont augmenté »
Un adolescent syrien de 16 ans, lui aussi interrogé par l’agence de presse et s’exprimant sous couvert d’anonymat, raconte avoir été retenu « dans un camp entouré d’une haute barrière », ressemblant à « une prison », avant d’être battu et repoussé de l’autre côté de la frontière.
Une enquête publiée en décembre par plusieurs médias européens, en partenariat avec l’organisation Lighthouse Reports, mentionne le cas d’un autre jeune Syrien qui a reçu une balle dans la poitrine. Mise en cause, la police frontalière bulgare dément toute responsabilité.
Selon Diana Dimova, présidente de l’ONG Mission Wings, « les brutalités ont nettement augmenté » et les « refoulements massifs » sont désormais courants. La police bulgare, elle-même, dit avoir empêché 164 000 tentatives de passages en 2022, contre 55 000 un an plus tôt.
Selon le droit international, les policiers devraient au contraire enregistrer tout demandeur d’asile passant la frontière, explique Me Stoïan Madin, l’avocat d’Ali Husseini.
Protéger les frontières de l’UE
De son côté, Frontex a fait état de 25 « incidents graves » ces deux dernières années, dont celui d’un mineur non accompagné disparu sans laisser de trace, alors qu’il avait été expressément remis aux autorités.
« Les refoulements se produisent régulièrement dans la zone opérationnelle et le personnel de Frontex est délibérément tenu à l’écart », écrit un agent dans un compte-rendu consulté par l’AFP. Il note l’usage de « propos dégradants et racistes », certains garde-frontières ayant par exemple qualifié les migrants de « Taliban ».
Dans ses conclusions, l’organisme s’interroge sur « l’existence d’une politique tacite de non-dénonciation » des violences, niées en bloc par Sofia qui évoque des conditions difficiles.
Selon le président Roumen Radev, « la pression a brusquement augmenté l’année dernière », rappelant que des policiers ont perdu la vie, dont trois percutés par des cars transportant des migrants.
Ce pays pauvre des Balkans a demandé à l’UE deux milliards d’euros pour moderniser et renforcer la clôture actuelle, se heurtant pour l’instant à un refus.
Recalée de Schengen en décembre après déjà dix ans d’attente – justement en raison d’un veto de l’Autriche et des Pays-Bas à cause de l’immigration clandestine -, la Bulgarie s’est fixée comme mission de protéger coûte que coûte les frontières extérieures de l’UE.
World Opinions – Info Migrants