Le roman graphique “Femme, vie, liberté”, conçu sous la direction de Marjane Satrapi, sort en librairie ce jeudi 14 septembre. Un an après la mort de Mahsa Amini, l’ouvrage raconte l’année de révolution que vient de vivre l’Iran. Pour la dessinatrice Bahareh Akrami, que nous avons rencontrée, il est crucial de ne pas laisser ce combat tomber dans l’oubli.
“Le feu couve toujours sous la cendre : il suffirait d’une étincelle pour que ça reparte.” Il y a près d’un an, le 16 septembre 2022, la jeune Mahsa Jina Amini mourait à l’hôpital, trois jours après son interpellation par la police des mœurs. L’onde de choc causée par sa disparition déclenchait une révolution qui dure toujours un an plus tard. Pour la dessinatrice Bahareh Akrami, que Courrier international a rencontrée, cet anniversaire est un moment crucial : l’occasion ou jamais d’amplifier la voix des Iraniens. C’est l’une des raisons qui l’ont poussée à contribuer à l’ouvrage collectif Femme, vie, liberté, dirigé par Marjane Satrapi, qui paraît ce jeudi 14 septembre (éditions L’Iconoclaste).
Dans ce roman graphique, le récit détaillé des faits s’appuie sur les travaux de trois spécialistes de l’Iran − le politologue Farid Vahid, l’historien Abbas Milani et le reporter Jean-Pierre Perrin − qui prennent vie sous la plume de vingt dessinatrices et dessinateurs. Bahareh Akrami est l’une d’entre eux :
“Je viens d’une famille de réfugiés politiques iraniens, qui sont partis dans les années 1980. Ils avaient fait la révolution contre le chah et étaient aussi restés dans l’opposition contre les ayatollahs.”
“Quand je dessine, je m’engage”
Dès lors que cette nouvelle révolution éclate, en septembre 2022, l’histoire familiale de la dessinatrice et ses convictions politiques la poussent à s’engager, notamment par le biais de collectifs, avec d’autres membres de la diaspora iranienne en France, mais aussi en entamant une revue dessinée des événements en Iran : les manifestations, le courage des femmes qui ôtent leur voile malgré les interdits, mais aussi, très vite, le soutien des hommes, puis la répression sanglante du régime.
Contribuer à cette bande dessinée est pour Bahareh Akrami une occasion supplémentaire de relayer l’actualité de l’Iran. “Quand je dessine, je m’engage, je donne mon avis”, explique-t-elle. C’est pourquoi au récit des faits s’ajoutent, dans les planches qu’elle a dessinées, le franc-parler de deux personnages qui les commentent. L’un est à son effigie, l’autre prend la forme d’un canard plein de gouaille, bien utile pour sortir du politiquement correct.
“Je tiens à ce que, dans mon travail, les personnages parlent comme dans la vraie vie. Je pense qu’à la lecture, ça fait du bien.”
Qu’ils traitent les Gardiens de la révolution de “gros bâtards de merde” ou qu’ils disent leur admiration pour les Iraniens qui risquent leur vie − et parfois la perdent −, ces deux acolytes de papier servent de défouloir.
Dans cet ouvrage, les grands événements de cette année de révolution sont retracés, explicités, parfois sortis de l’oubli. Le courage des deux femmes journalistes qui ont alerté les premières la population au sujet de la mort de Mahsa Amini, l’horreur de l’empoisonnement au gaz de milliers de lycéennes ou encore les chansons devenues hymnes de la révolution : cette bande dessinée met en lumière ce qui s’est passé dans le pays ces douze derniers mois. Et pour montrer aux Iraniens qu’ils sont entendus, leur dire qu’ils ne sont pas oubliés, la traduction en persan du livre sera diffusée gratuitement en Iran.
Par Mélanie Chenouard – Courrier international.com