Bien s’hydrater, ne pas se goinfrer, voici cinq conseils pour bien s’alimenter pendant cette période de jeûne.
Même pas de l’eau? Même pas de l’eau. Depuis une semaine, les Belges de confession musulmane jeûnent. Tout au long du mois de Ramadan, aucun aliment ni boisson ne peut nourrir leur estomac du lever au coucher du soleil. L’objectif : mieux comprendre la réalité des personnes précarisées qui les entourent et revenir à l’essentiel, tant matériellement que spirituellement parlant. Les pratiquant(e)s passent donc actuellement une quinzaine d’heures sans manger. Comment, dès lors, offrir à leur corps suffisamment de nutriments et d’énergie pour assurer ses journées de travail ou d’étude ? Hanane Afellah, diététicienne et nutritionniste travaille sur la question depuis une dizaine d’années. Autrice du livre Mon guide pour un Ramadan sain, elle nous donne cinq conseils pour passer un bon mois de Ramadan.
1. Être à l’écoute de ses besoins
Après une journée entière à jeûner, le premier réflexe consiste souvent à manger le plus possible dès le coucher du soleil, dans l’optique d’avoir moins faim le lendemain. Pour Hanane Afellah, il s’agit là d’une erreur, pour deux raisons. D’abord, parce que le corps n’a pas besoin d’autant de nourriture d’un coup. Ensuite, car la surconsommation va à l’encontre des principes du mois de Ramadan.
« Nous visons actuellement de longues périodes de jeûne. Or, les gens doivent être productifs et cherchent donc à avoir un bon niveau d’énergie le lendemain. On observe donc un phénomène de snacking : on mange tout le temps pour faire des réserves. Mais le corps est tout à fait apte à tenir le coup d’une dizaine d’heures de jeûne et de produire ses réserves. Il va s’attaquer aux déchets, aux toxines pour produire de l’énergie. Il faut donc apprendre à repérer les besoins de son corps. Lorsqu’on dépasse sa satiété, on surconsomme alors que l’objectif du mois de Ramadan est de revenir à l’essentiel et de ressentir la faim pour améliorer sa sympathie à l’égard des personnes dans le besoin. Il s’agit également d’apprendre à se maîtriser dans un société où on nous pousse à tout obtenir tout de suite. Ce mois de jeûne sert ainsi de tremplin pour adopter de meilleures pratiques les autres mois de l’année. »
2. Privilégier la simplicité
Qui dit rupture du jeûne dit grands repas en famille, entre amis ou voisins. L’occasion de dresser de belles tables et de préparer des repas élaborés. Là encore, la diététicienne invite les pratiquants à calmer leurs ardeurs et à privilégier la simplicité. « Comme le corps est en repos digestif toute la journée, il vaut mieux éviter les recettes trop complexes. Au moins on retrouve d’aliments différents dans l’assiette, au plus on facilite la digestion. »
3. Bien s’hydrater tout au long de la soirée
Les recommandations à ce sujet sont claires : il est important de boire l’équivalent d’environ huit verres d’eau chaque jour. Si le mois de Ramadan n’échappe pas à cette règle, de nombreux jeûneurs tendent à s’hydrater trop au moment de la rupture du jeûne et pas assez ensuite. « C’est un problème car ça rend le travail des enzymes moins efficace et ça coupe l’appétit. Il vaut mieux répartir en buvant l’équivalent de deux verres d’eau au moment de la rupture, deux lors du repas qui suit, deux un peu plus tard et deux lors du repas de l’aube. On peut aussi varier avec des boissons très riches en minéraux comme les bouillons de légumes et les bouillons d’os à l’ancienne ou les tisanes d’ortie. »
Sans surprise, le thé et le café sont à éviter. « Ils sont diurétiques. Personnellement, je conseille toujours de se sevrer en amont de manière progressive. Si vous en prenez malgré tout, il faut essayer de se limiter à maximum une tasse. Vous pouvez aussi vous réorienter vers le réglisse ou la chicorée qui ont un effet excitant mais pas stimulant. »
4. Privilégier des produits de qualité
Après une journée de jeûne, l’envie de se faire plaisir une fois le soleil couché est bien naturelle. Mais ce qui nous fait envie n’est pas toujours sain pour notre corps. Pour Hanane Afellah, le moi de Ramadan est l’occasion de repenser sa consommation en revenant à une alimentation ressourçante, c’est-à-dire à des aliments qui nourrissent le corps. On privilégie donc les fruits et légumes locaux de saison ainsi que les céréales complètes, on évite les produits transformés et on choisit des protéines végétales plutôt que systématiquement de la viande. « Il s’agit ainsi de développer une certaine conscience écologique : ce qui fait du bien à ton esprit fait du bien à la terre. Plus on opte pour une alimentation consciente qui s’oriente vers nos besoins, plus on respecte la planète. Les produits locaux et en vrac permettent de limiter la pollution liée au transport et aux déchets plastiques. »
Des produits plus sains, donc, mais qui ne sont pas toujours à la portée de tous et toutes. « C’est une réalité, il y a clairement une injustice sociale à ce niveau-là. C’est pourquoi j’invite chacun(e) à faire du mieux qu’il ou elle peut en privilégiant le fait maison, qui est toujours mieux que les additifs utilisés dans les produits industriels. Ca fait dix ans que je fais de la sensibilisation dans les mosquées et via les réseaux sociaux et je vois clairement une évolution : plus on mange légèrement et qualitativement, plus on se sent au forme. D’autant que la dimension d’aliment de qualité est une injonction religieuse. »
5. Repenser les traditions
Bien plus culturelles que religieuses, les traditions ne sont pas immuables. Certaines tendent d’ailleurs à s’éloigner des valeurs religieuses. Pour revenir à l’essentiel, il faut donc parfois se montrer créatif et revoir l’ordre des repas. Les dattes restent selon Hanane Afellah le meilleur moyen de rompre le jeûne. « C’est un fruit qui occupe un faible volume mais qui est très dense au niveau nutritionnel. » Elle conseille ensuite de faire la prière pour laisser au corps le temps de comprendre qu’il va à présent recevoir de la nourriture. Trente minutes plus tard, elle préconise un repas très riche en légumes, avec une petite quantité de protéines et un petite part de céréales complètes (patates douces, orge, riz, boulgour, etc.). « Toujours se contenter de la quantité qui suffit à l’organisme. »
A l’aube, elle privilégie un repas dense et énergétique. « J’ai tendance à laisser la harira traditionnelle (soupe marocaine, NdlR) à ce moment-là car elle apporte pas mal d’eau et de minéraux. L’idéal est de prendre un déjeuner protéiné gras avec par exemple du fromage, du saumon fumé, de l’avocat. On peut aussi opter pour de la purée d’amandes, du porridge à base d’avoine ou d’orge, le tout accompagné d’un fruit. »
Par Sara EL MASSAOUDI – dhnet.be