Réactions. Alors que les officiels algériens n’ont pas encore réagi, les réseaux sociaux s’enflamment de réprobations de toutes sortes.
L’annonce de la normalisation, jeudi soir, par le Maroc de ses relations avec Israël, en contrepartie de la reconnaissance par Washington de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental, a plongé l’Algérie dans une sorte de profonde sidération. Aucun commentaire ou réaction officielle n’a été émis. Algérie presse service, l’agence d’information officielle, se contente depuis hier soir de rapporter les déclarations de responsables sahraouis, notamment celles du représentant du Front Polisario à Washington, Mouloud Said, qui a « regretté la décision du président américain sortant Donald Trump de reconnaître la prétendue marocanité du Sahara occidental, soulignant qu’une telle démarche ne changera ni la nature ni le statut des territoires occupés ». Les sites gouvernementaux algériens restent muets, alors que les chaînes de télévision privées se sont déchaînées contre le voisin de l’Ouest. « En l’absence du président [hospitalisé en Allemagne depuis fin octobre], on doute fort qu’Alger réagisse promptement », croit savoir un éditorialiste algérois.
Colère sur les réseaux sociaux
Mais c’est du côté des réseaux sociaux qu’on enregistre des réactions. Dès l’annonce surprise de Trump sur Twitter, une avalanche de posts et de tweets s’est déclenchée, condamnant unanimement la décision marocaine. « Le prix des Arabes pour vendre la Palestine : des avions F-35, être retiré de la liste du terrorisme, la terre qui ne t’appartient pas [le Sahara occidental]… chacun a son prix », écrit le journaliste Réda Chennouf. « Le prix de la trahison. Le Maroc normalise avec Israël. La marche verte du père [Hassan II] était crapuleuse, celle du fils indigne », commente l’écrivaine Wassyla Tamzali.
« En attendant la normalisation prochaine avec l’Arabie saoudite… je me demande quelle en sera la contrepartie », souligne Nabil, étudiant, alors que l’écrivain Bachir Mefti préfère citer le révolutionnaire marocain Abdelkrim el-Khattabi : « La victoire du colonialisme, même aux confins du monde, est une défaite pour nous ; et la victoire de la liberté, dans n’importe quel endroit du monde, est une victoire pour nous. » « Nous avons toujours soutenu les Palestiniens et les Sahraouis, mais nous avions les moyens de notre politique, nous ne les avons plus, clairement ! Et non ! Nous ne pouvons pas vivre de grandes causes, de guerre et d’eau fraîche. Certains appellent ça du pragmatisme, d’autres de la lâcheté, je dirai que c’est de la résignation », se désole Sabra Sahali, alors que Lachemot Amar se pose la question de savoir si le MSP algérien (tendances Frères musulmans) réagira par rapport à ses « amis » islamistes au gouvernement au Maroc.
Renforcer le « front interne »
Toujours sur Facebook, le politologue Abed Charef revient sur le dernier éditorial de la revue de l’armée algérienne, El Djeïch : « En reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, contrepartie de la décision marocaine, les États-Unis vont dangereusement contribuer à raviver la tension dans la région. » Ceci donne tout son sens à l’éditorial de la revue El Djeïch, qui écrivait cette semaine : « Les Algériens doivent se tenir prêts à faire face à la menace que font peser certaines parties ennemies sur la sécurité de la région. » La revue militaire, porte-parole de l’Armée nationale populaire, appelait aussi à « renforcer le front interne » pour « faire échec à tous les complots ennemis et aux campagnes médiatiques tendancieuses ».
Pour l’ancien ministre et ex-diplomate Abdelaziz Rahabi, « l’Algérie est encerclée, c’est une réalité. Il y a des conflits armés à nos frontières, il y a une implication militaire directe de puissances étrangères ». « Renforcer le fameux front interne ! C’est exactement le mantra du système politique ici qui n’a plus de projet à proposer aux Algériens », commente l’éditorialiste algérois, qui appuie sur la « convergence des deux lignes rouges dans la mentalité du système, mais aussi dans l’opinion publique : on ne touche ni à la cause palestinienne ni au Polisario ». Ce week-end, la participation d’un joueur de football algérien évoluant au OGC Nice, Hicham Bouadoui, à un match en Israël contre l’équipe Beer-Shev’a a déclenché une vaste campagne de dénonciation. La fibre anti-israélienne reste très sensible en Algérie.
La politique de l’état de fait
« Le Maroc profite de l’aphasie algérienne pour avancer ses pions. Nous l’avons vu quand Rabat a déclenché l’opération militaire [mi-novembre] pour débloquer le passage de Guerguerat », rappelle un observateur de la scène régionale. Alger, soutien historique du Front Polisario, et qui accueille sur son territoire les réfugiés sahraouis, s’est retrouvé contraint à émettre des appels au calme et au respect du droit international alors que « Rabat imposait l’état de fait, poussant le Polisario dans ses derniers retranchements ». « La seule option possible aujourd’hui pour l’Algérie est de travailler son allié mauritanien afin qu’il ne glisse pas lui aussi dans l’emballement des normalisations avec Israël », conjecture un ancien diplomate.
« Israël s’est donc définitivement implanté au Maghreb et rien ne dit que la Mauritanie n’emboîtera pas le pas au Maroc dans les semaines et les mois à venir. L’entité sioniste est déjà présente à nos frontières sud, via l’implantation de trois entreprises spécialisées dans l’aéronautique et les télécommunications, deux domaines qui menacent directement la sécurité de l’Algérie », s’inquiète le site Algérie patriotique.
Par Adlène Meddi, à Alger – lepoint.fr
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