Des amendements votés par des députés européens dans un texte sur le contrôle des pêches pourraient aboutir à une « surpêche massive », craint la Commission européenne.
Les eurodéputés vont-ils, à travers leurs amendements, miner les objectifs de durabilité de la politique commune de la pêche et faire voler en éclats la logique de quotas ? C’est la crainte que la Commission européenne exprime, en un langage direct, dans une note transmise fin février aux élus européens. Ces amendements pourraient conduire à une « surpêche massive », peut-on lire dans ce document. Ils fragiliseraient « la crédibilité de l’Union européenne » et mèneraient à la « détérioration de stocks de poissons ».
La politique commune de la pêche a instauré des totaux autorisés de captures de poissons afin de préserver les stocks d’espèces fragilisées ou en danger. Il s’agit d’un volume de pêche maximal par espèce de poisson réparti entre pays de l’Union européenne et ensuite distribués aux pêcheurs sous forme de quotas. L’objectif étant de préserver les stocks des espèces en danger.
L’une des clefs de voûte de ce système, c’est le recensement, par les capitaines de bateaux, des quantités de poissons pêchés par espèces. Ces quantités doivent être consignées, au moment même des captures, par le capitaine du navire, dans son « carnet de pêche » aujourd’hui informatisé. Il s’agit d’estimations. Au port, en cas de contrôle, les autorités comparent les quantités réellement débarquées de celles enregistrées dans le carnet de pêche. Les pêcheurs bénéficient d’une marge d’erreur – appelée marge de tolérance – dans le recensement qu’ils ont effectué en mer. Cette marge était de 20 % en 1983. Elle est de 10 % depuis 2009.
« Marge d’erreur »
C’est cette marge d’erreur qui est au centre des tensions. En 2018, la Commission a lancé la révision du contrôle des pêches sans toucher à cette marge. Mais le 1er février, en discutant de leur position sur ce texte, les députés de la commission pêche du Parlement ont voté à une large majorité en faveur d’une augmentation à 20 % pour des pêcheries de petits pélagiques (harengs, sprats, maquereaux) et à 25 % pour les espèces de thon, alors même que le thon Albacore dans l’océan Indien est l’objet de quotas, car son stock décroît à vive allure. « Plus la marge de tolérance est haute, plus les risques de sous-déclarations sont élevés, sapant l’état de santé de nos stocks de poissons », a averti Virginijus Sinkevičius, commissaire à l’environnement, aux océans et à la pêche.
Par Cédric Vallet(Bruxelles, correspondance) / Le Monde