Débats. États-Unis.. Donald Trump finalement rattrapé par le mouvement #MeToo

Condamné, le 9 mai, pour agression sexuelle et diffamation, l’ancien président américain Donald Trump est enfin reconnu comme un prédateur sexuel, souligne cette chroniqueuse du “New York Times”, qui se réjouit que le mouvement #MeToo boucle ainsi la boucle.

Avec la condamnation de Donald Trump à verser 5 millions de dollars [4,5 millions d’euros] pour diffamation et agression sexuelle à l’issue du procès qui l’opposait à E. Jean Carroll, le mouvement #MeToo boucle enfin la boucle.

En 2016, l’élection de Donald Trump à la présidence – en dépit de la diffusion, pendant la campagne électorale, d’un enregistrement de l’émission Access Hollywood où il se vantait d’agressions sexuelles et alors que plus d’une dizaine de femmes l’accusaient de crimes sexuels – avait déclenché des torrents d’indignation.

La juste colère des femmes

Cette colère fut le moteur de la Marche des femmes. Et le mouvement a incité quantité d’Américaines – dont nombre d’habitantes de banlieue non politisées – à chambouler leur vie pour se lancer dans le militantisme ou même briguer un mandat.

Cette colère, cet innommable dégoût face à l’indignité, a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres du mouvement #MeToo : dans l’impossibilité d’entreprendre quoi que ce soit contre le criminel qui dirigeait leur pays, les femmes ont concentré leurs efforts sur les institutions, et notamment sur l’industrie du divertissement.

J’ai toujours été convaincue que c’est à cause de Donald Trump que l’affaire Weinstein a débouché sur un tel paroxysme d’indignation dans tout le pays.

C’est le mouvement #MeToo qui a poussé l’ancienne chroniqueuse E. Jean Carroll à écrire le livre où elle révèle avoir été violée par Trump dans une cabine d’essayage du grand magasin [new-yorkais] Bergdorf Goodman dans les années 1990. “Alors qu’un flot de témoignages plus révoltants les uns que les autres se déversait, j’ai été obligée, comme tant d’autres femmes, de me souvenir de certains hommes croisés au cours de ma propre vie”, y écrit-elle.

La fin de la prescription

C’est également grâce à #MeToo que l’État de New York a adopté la loi baptisée “Adult Survivors Act” modifiant, pour une période définie, le délai de prescription pour les victimes d’agressions sexuelles. (Le mouvement #MeToo est aussi la raison pour laquelle cette loi a été promulguée par la gouverneure Kathy Hochul, et non par son prédécesseur, Andrew Cuomo, frappé d’infamie.)

E. Jean Carroll a été l’une des premières femmes à déposer plainte dans le cadre de la nouvelle loi. Grâce à sa persévérance, Donald Trump a pour la première fois été amené à rendre des comptes devant la justice pour sa façon de traiter les femmes. L’homme à l’origine du mouvement #MeToo commence à payer le prix de ses actes.

Le procès a permis de révéler combien le mouvement #MeToo avait changé la culture. Les avocats de E. Jean Carroll ont demandé à un jury composé de six hommes et trois femmes d’essayer de comprendre pourquoi une victime d’agression sexuelle peut garder le silence pendant des décennies, pourquoi elle ne se souvient pas forcément de la date précise de son agression et pourquoi son traumatisme ne se manifeste pas nécessairement de manière prévisible et facile à interpréter.

Comme si #MeToo n’avait jamais existé

L’avocat de Donald Trump, Joseph Tacopina, a, lui, tenté de faire comme si #MeToo n’avait jamais existé. Il a mitraillé de questions la victime, lui demandant pourquoi elle n’avait pas crié, pourquoi elle n’avait pas appelé la police, pourquoi elle n’était pas allée à l’hôpital. À Jessica Leeds – qui témoignait devant la cour que Trump l’avait agressée sexuellement dans un avion –, l’avocat a demandé si elle se souvenait “lui avoir dit non, d’arrêter ou quelque chose dans ce genre-là”.

J’ai passé plusieurs jours au tribunal et, en toute honnêteté, j’ai bien cru que cette tactique allait fonctionner sur certains jurés. L’un d’eux, un garde de sécurité de 31 ans, avait déclaré s’informer essentiellement grâce à des podcasts tels que ceux de Tim Pool, l’animateur d’extrême droite invité par Donald Trump à la Maison-Blanche en 2019.

De toute évidence, les jurés n’ont toutefois pas été convaincus par la défense de Trump puisqu’il ne leur a fallu que quelques heures pour décider de le condamner.

On pourra certes s’étonner que le jury déclare Trump responsable d’agression sexuelle mais pas de viol – le terme utilisé par E. Jean Carroll dans son accusation –, et les partisans de l’ancien président se raccrocheront peut-être à ce mince élément de disculpation.

De simple misogyne à prédateur

Mais ce qui compte réellement, c’est que pour la première fois un tribunal a confirmé ce que les femmes indignées par l’élection de Trump en 2016 avaient compris depuis longtemps : il n’est pas seulement un homme misogyne, mais un prédateur.

Je n’aurai pas la naïveté de croire que cela suffira à détourner les républicains de Donald Trump. “Je préférerais avoir un président qui n’ait pas été déclaré coupable d’agression, a ainsi déclaré le sénateur républicain Kevin Cramer, mais cela ne le disqualifie pas non plus.”

Reste que, si les jurés avaient tranché en faveur de Trump, cette décision aurait été pour lui une bénédiction qui aurait renforcé son aura d’impunité. Aujourd’hui, cette condamnation vient nous rappeler qu’il est la cible de plusieurs procédures judiciaires et que les mensonges, les fanfaronnades et les vœux pieux ne suffiront pas à le protéger.

La victoire électorale de Trump en 2016 semblait indiquer que les témoignages de nombreuses femmes ne comptaient pas. E. Jean Carroll a réussi à les faire entendre. J’espère seulement que d’autres femmes auront son courage.

Par Michelle GoldbergThe New York Times 

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