Lettonie : un Afghan meurt d’hypothermie en entrant sur le sol européen

Quelques heures après avoir été amené à l’hôpital lundi, un homme afghan est décédé des suites d’une hypothermie en Lettonie. Celui-ci venait de franchir la frontière entre ce pays de l’UE et la Biélorussie. Ce drame rappelle les autorités européennes à leur responsabilité dans la gestion de cette frontière externe.

Un homme afghan, arrivé gelé en Lettonie avec un compagnon de route, est décédé dans un hôpital quelques heures plus tard, ont annoncé les autorités du pays mardi 20 décembre. Les deux hommes avaient traversé la frontière entre la Biélorussie et la Lettonie ce lundi. À cette période de l’année, les températures y dégringolent facilement en-dessous de zéro, la nuit.

Les garde-frontières lettons, sur place au moment du franchissement, ont déclaré que des groupes avaient fait passer ces deux ressortissants afghans à travers la clôture qui marque actuellement la frontière entre la Lettonie et son voisin biélorusse.

Un individu aurait tiré le premier homme allongé sur une civière, à travers un « trou pratiqué dans la clôture » rapporte l’hebdomadaire letton The Baltic Times, avant de retourner côté biélorusse. Puis, quelques instants plus tard, le second homme aurait été « poussé sur le territoire letton ».

Les garde-frontières assurent être intervenus directement et s’être aperçu, en interrogeant les deux migrants afghans, que ces derniers montraient des signes visibles d’hypothermie et qu’ils étaient incapables de répondre à leurs questions.

Une ambulance a été appelée pour les emmener à l’hôpital de Rezekne, où l’un d’eux est décédé.

État d’urgence en Lettonie : des exilés empêchés d’entrer en Europe

Le chef des garde-frontières, Guntis Pujats, a réagi à cette situation en dénonçant, dans un communiqué, une « très forte implication des autorités biélorusses dans l’organisation du trafic transfrontalier de migrants », précise The Baltic Times.

La frontière entre la Lettonie et la Biélorussie, longue d’un peu plus de 170 kilomètres, est l’une des portes d’entrée vers l’Union européenne. Depuis un peu plus d’un an, à l’image de ce que connaissent ses voisins polonais et lituanien, cette zone frontalière de la Lettonie est au cœur des tensions avec la Biélorussie, pays hors de l’UE.

Suite à l’élection frauduleuse d’Alexandre Loukachenko à la tête de la Biélorussie, l’UE avait pris une série de sanctions en 2021. En guise de représailles, Minsk aurait volontairement encouragé l’arrivée d’exilés du Moyen-Orient puis facilité leurs traversées des frontières pour entrer dans l’UE, estiment les autorités européennes.

En réponse, la Lettonie a renforcé ses forces de sécurité et, en août 2021, déclaré l’état d’urgence dans plusieurs régions frontalières. Cet état d’urgence a été prolongé jusqu’au 10 février dans des municipalités proches de la frontière : Ludza, Krāslava, Augšdaugava et Daugavpils, a précisé le ministère de l’Intérieur letton.

Dans ce cadre, entre août 2021 et novembre 2022, près de 7 500 personnes ont été empêchées de traverser la frontière entre la Biélorussie et la Lettonie, selon les statistiques de l’Intérieur letton détaillées par le site spécialisé Schengen Visa.

« Nous avons été repoussés 20 à 25 fois en deux mois »

Ces chiffres sont cependant à prendre avec précaution. Dans un rapport paru en octobre, Amnesty International pointait des données « manipulées ». Plusieurs migrants interrogés « témoignent avoir été l’objet de retours forcés répétés entre la Lettonie et la Biélorussie, parfois plusieurs fois par jour et sur plusieurs mois », y était-il indiqué, sans que ces tentatives successives soient décomptées comme telles par les autorités lettonnes.

« Nous avons été repoussés 20 à 25 fois en deux mois. Pendant ce temps, les commandos nous battaient avec des décharges électriques. C’est quelque chose que vous ne pouvez pas imaginer », témoignait ainsi Mohamed, un Irakien voyageant avec sa famille.

L’ONG a mis en lumière, dans ce rapport, les abus subis par les exilés dans cette région. Elle affirme qu’adultes et enfants y sont détenus arbitrairement, dans des sites tenus secrets au cœur des forêts, puis renvoyés en Biélorussie. Nombre d’entre eux subissent des violences physiques.

« Ils les ont violemment repoussés en Biélorussie, où ils n’ont aucune chance de demander protection. Ces actions n’ont rien à voir avec la protection des frontières et constituent des violations éhontées du droit international et européen », avait commenté Eve Geddie, directrice du Bureau des institutions européennes d’Amnesty. Médecins sans frontières avait également accusé les autorités lettones de repousser les migrants par des températures glaciales.

« Guerre hybride »

Interrogé par InfoMigrants en octobre, le ministère de l’Intérieur letton avait fustigé de son côté des « allégations absurdes » et des « déclarations non vérifiées ». Il avait souligné « qu’aucune plainte relative à un recours à la force physique (…) [n’avait] été reçue par les garde-frontières de la part de personnes qui avaient tenté de franchir illégalement la frontière ».

L’Intérieur avait également soutenu que, depuis l’instauration de l’état d’urgence à la frontière entre la Lettonie et la Biélorussie, « un total de 195 personnes (94 personnes en 2021 et 101 personnes en 2022) [avaient] été autorisées à entrer sur le territoire letton ». Leurs nationalités : Afghans, Irakiens, Syriens, Sri-lankais, Turcs, ou encore Iraniens.

Alors que les tensions sont encore loin d’être apaisées à cette frontière, Amnesty International rappelait dans son rapport les autorités européennes à leurs responsabilités. « La Commission européenne a encouragé le narratif de la ‘guerre hybride' », avait tancé l’ONG, utilisant un qualificatif donné par les pays voisins de la Biélorussie à son instrumentalisation des voies migratoires. Dans cette optique, la Commission était allée jusqu’à proposer « des mesures ciblées pour soutenir la Pologne, la Lettonie et la Lituanie » face à cet ennemi biélorusse commun, permettant notamment à ces pays… « de déroger aux normes du droit d’asile de l’UE ».

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