France. Une nouvelle enquête d’Amnesty International met en évidence l’usage abusif et illégal de la force lors du Teknival, à Redon, en juin 2021

Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, clôture cette semaine les consultations du Beauvau de la sécurité, qui visaient à « moderniser la politique publique de sécurité au bénéfice des policiers, des gendarmes et de l’ensemble des Français », Amnesty International publie un nouveau rapport intitulé « Redon : « Freeparty » de la répression ».

Cette enquête met en lumière des violations des droits humains commises dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre menées lors du Teknival interdit par la Préfecture de I’lle-et-Vilaine, en juin dernier.

Dans la nuit du 18 au 19 juin 2021, les gendarmes ont lancé des grenades lacrymogènes, de désencerclement et de type GM2L sur les participants au Teknival, pendant sept heures, puis de nouveau le jour suivant, en fin de journée, avant de détruire illégalement le matériel de sonorisation. Bilan humain : un jeune homme a eu la main arrachée, onze gendarmes et des dizaines de participants ont été blessés (plaies, fracture, brûlures, détresse respiratoire, etc.).

Sur la base d’entretiens avec douze personnes présentes sur place (journalistes, participants et responsables associatifs), de vidéos et d’autres documents (arrêtés, communiqués, articles de presse, etc.), Amnesty International a analysé l’intervention des forces de l’ordre lors de cet événement au regard du droit international relatif aux droits humains.

Les éléments recueillis sur les opérations de maintien de l’ordre à Redon indiquent que l’usage de la force n’était ni nécessaire, ni proportionné, contrairement à ce qu’exigent les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et le droit français.

« Il est inacceptable que des opérations de maintien de l’ordre, a fortiori pour disperser un simple rassemblement festif, conduisent, à des blessures allant jusqu’à la mutilation », dénonce Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France.

Que l’interdiction du rassemblement ait été légitime ou non, les forces de l’ordre n’ont en effet pas respecté les principes de nécessité et de proportionnalité prévus par le droit international du recours à la force. Celle-ci a été utilisée en premier recours, sans médiation ou communication préalable, sans instruction sur les modalités d’évacuation du site, dans un champ, de nuit. Des grenades ont été lancées sur des personnes réunies à un rassemblement festif, dans des conditions extrêmement dangereuses et sans visibilité, alors que ces armes peuvent mutiler. Ni une interdiction du festival, ni la violence de certains participants vis-à-vis des forces de l’ordre ne peuvent justifier le non-respect des droits humains par l’État et ses agents en toutes circonstances.

De plus, Redon n’est pas un cas isolé : qu’il s’agisse du décès de Steve Caniço pendant une opération de police de nuit à Nantes, lors d’une fête, ou des mutilations et graves blessures observées lors de manifestations, Amnesty International n’a cessé d’alerter sur des dérives du maintien de l’ordre en France depuis des années. Ce contexte de répétition des cas d’usage excessif de la force en maintien de l’ordre appelle des réponses urgentes de la part des autorités françaises pour mettre fin aux violations des droits humains.

« Face à la répétition de scènes de violences et de graves blessures graves lors d’opérations de maintien de l’ordre, il serait temps que des stratégies de désescalade soient enfin mises en oeuvre. Les forces de l‘ordre doivent respecter les droits humains et les principes de base des Nations Unies sur le recours à la force, afin de garantir la sécurité des personnes ! Il en va de leur légitimité : la confiance que leur accorde la population risque d’être altérée quand la force est utilisée de manière excessive, illégale ou abusive », déclare Cécile Coudriou.

Si une enquête préliminaire a été ouverte dans le cas du jeune homme ayant eu la main arrachée, l’absence d’évaluation critique de l’opération, couplée à l’absence de mécanisme indépendant d’enquête sur les allégations de violences policières en France, font craindre que les responsabilités des gendarmes et de leur hiérarchie ne soient pas engagées pour cette opération, ni remises en cause les pratiques de recours excessif à la force.

« Lorsqu’il s’agit d’un recours à la force excessif, arbitraire, abusif ou autrement illégal, le principal facteur favorisant ce type de comportement est la prévalence de l’impunité. Les membres des forces de l’ordre, comme toute personne, sont plus enclins à enfreindre les lois, les règles et les règlements lorsqu’ils n’ont pas à craindre d’en subir les conséquences », conclut Cécile Coudriou.

Amnesty International demande la création d’un organe indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique. L’organisation appelle également le gouvernement français à interdire les grenades explosives en maintien de l’ordre, à revoir les stratégies d’intervention pour qu’elles reposent sur des approches de dialogue et de désescalade et ce, afin de réduire le recours à la force et les risques de violations des droits humains.

Extraits des recommandations tirées de l’enquête

Le cas de Redon se place dans un contexte de répétition des cas d’usage excessif de la force dans des opérations de maintien de l’ordre. Cette situation appelle des réponses urgentes de la part des autorités françaises pour mettre fin aux violations des droits humains :
• s’assurer qu’une information judiciaire soit ouverte dans les plus brefs délais pour faire toute la lumière sur l’intervention des forces de l’ordre, l’usage de la force et les blessures infligées aux participants à l’événement, en particulier dans le cas de la personne ayant eu la main arrachée ;
• interdire immédiatement l’usage des grenades de désencerclement et des grenades lacrymogènes assourdissantes dans le cadre du maintien de l’ordre
• engager des réformes structurelles du maintien de l’ordre afin de mettre en place des stratégies de dialogue et de désescalade ;
• donner des instructions claires aux autorités locales et aux forces de l’ordre sur les conditions d’usage de la force et les risques encourus en cas d’usage illégal de la force ;
• s’assurer que les autorités locales et les forces de l’ordre sont formées aux procédures et techniques de médiation, négociation et communication afin d’avoir la capacité de résoudre des situations de crise sans recourir à la force ;
• créer un organe indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre les agents de la force publique.

NOTES AUX RÉDACTEURS

29.06.21 I Blessé grave à Redon : Amnesty International France demande au ministre de l’Intérieur une enquête impartiale et indépendante
22.09.20 I Dossier : Nouveau schéma du maintien de l’ordre : une occasion manquée

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