Livres. Le premier Choix Goncourt organisé en Turquie est attribué à « Triste tigre » de Neige Sinno

Le Choix Goncourt, organisé sous la présidence de l’écrivain Mathias Énard en Turquie : une première dans ce pays qui a su préserver sa longue histoire avec la francophonie malgré des relations parfois tumultueuses avec Paris.

La Turquie a désigné mercredi 17 avril 2024 son Choix Goncourt : Triste Tigre de Neige Sinno, sous la présidence de l’écrivain français Mathias Énard.

Le prix Goncourt se décline à l’international à travers le Choix Goncourt. Chaque année, depuis 1998, sous l’égide des instituts français ou des instances de la francophonie, ce projet de critique littéraire est repris avec enthousiasme par tous les étudiants des universités du monde entier. Ils récompensent l’un des auteurs présents dans la sélection de l’année du prix Goncourt. Plus d’une quarantaine de pays participent à ces éditions hors frontières du plus populaire des prix littéraires français. Parmi eux, l’Espagne, la Corée du Sud, les États-Unis ou encore le Japon. Cette année 2024 marque, pour la première fois, l’entrée de la Turquie dans la prestigieuse académie.

À l’occasion de cette première édition, un jury représentant une cinquantaine de lecteurs de tous âges, généralement étudiants et enseignants d’Ankara, d’Istanbul et d’Izmir a récompensé ce mercredi 17 avril Neige Sinno pour Triste tigre. Son roman, publié chez P.O.L, a collectionné plusieurs récompenses fin 2023 dont le prix Femina et le Goncourt des lycéens. Les jurés ont souligné « la délicatesse et l’équilibre avec lesquels l’écrivaine traite de son sujet difficile, l’inceste », a indiqué le président du jury, Mathias Énard, en annonçant à Ankara la lauréate de ce premier Choix Goncourt de la Turquie. Triste tigre comptabilise déjà dix Choix Goncourt internationaux, parmi lesquels la Corée du Sud, l’Orient, l’Inde ou les Pays-Bas.

L’Espagne, quant à elle, a désigné Jean-Baptiste Andrea pour Veiller sur elle, lauréat du prix Goncourt 2023.

Cette première édition a aussi fourni l’occasion de rappeler que « la Turquie est au cœur du grand monde de la francophonie », a fait valoir Sylvie Lemasson, directrice de l’Institut français de Turquie.

Avec ses treize écoles et deux universités francophones, qui réunissent plus de 10 000 élèves et étudiants, la Turquie a su préserver une tradition de la francophonie qui remonte à l’empire ottoman, même si le français n’est plus la première langue étrangère comme il l’a été jusqu’aux premières années de la République.

Le président du jury du Choix Goncourt, l'écrivain français Mathias Énard, et la directrice de l'Institut français de Turquie, Sylvie Lemasson, lors de l'annonce du lauréat, à Ankara, le 17 avril 2024. (ADEM ALTAN / AFP)
Le président du jury du Choix Goncourt, l’écrivain français Mathias Énard, et la directrice de l’Institut français de Turquie, Sylvie Lemasson, lors de l’annonce du lauréat, à Ankara, le 17 avril 2024. (ADEM ALTAN / AFP)

Si le temps où les dirigeants turcs pouvaient parfaitement s’exprimer en français, à l’image du père fondateur Mustafa Kemal Atatürk, semble loin, la langue de Molière reste très présente, « vue comme plus littéraire, plus culturelle que l’anglais », remarque Mathias Énard.

« J’ai une relation toute particulière avec la Turquie », affirme l’auteur qui a notamment publié Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, consacré à Constantinople au XVIe siècle et Boussole, lauréat du prix Goncourt en 2015, qui évoque Istanbul aujourd’hui. « Ce qui est fascinant dans l’histoire de la Turquie, c’est sa façon de se confronter aux défis, aux transformations et de savoir se réinventer tout le temps », estime-t-il.

« Rôle clé » face à l’Occident

Les défis d’Ankara se cachent aussi dans ses relations avec l’Occident qui ont été, en particulier sous le gouvernement du président Recep Tayyip Erdoğan, marquées par les tensions particulièrement avec la France, à propos des droits d’exploration gazière en Méditerranée orientale disputés à la Grèce et à Chypre. Des enseignants français de la prestigieuse université Galatasaray, à Istanbul, avaient été menacés d’expulsion en 2021 après le refus des autorités turques de leur délivrer un permis de travail, dans ce contexte de mésentente et d’amertume entre Ankara et Paris. Le président turc s’était même interrogé sur la « santé mentale » de son homologue, Emmanuel Macron, et avait appelé à boycotter les produits français avant de revenir à des propos plus diplomatiques.

Tiraillée entre son aspiration à devenir une démocratie européenne et son ambition d’être une force politique et militaire régionale, la Turquie a souvent entretenu un rapport amour-haine avec l’Occident, évoqué dans les romans de son célèbre prix Nobel, Orhan Pamuk. Ankara n’est pas pourtant obligé de choisir entre ces deux mondes, avance Mathias Énard. « La Turquie joue un rôle clé vis-à-vis de l’Occident. Elle ne peut pas être uniquement moyen-orientale. Elle a cette possibilité d’exister des deux côtés du Bosphore », remarque-t-il en évoquant Istanbul, la métropole turque à cheval sur l’Asie et l’Europe.

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