Covid-19 : pourquoi l’Afrique ne va pas si mal

Sept mois après le début de la pandémie, l’Organisation mondiale de la santé a détaillé les premières pistes de recherche pour tenter d’expliquer cette situation.

Disons-le tout de go : les perspectives n’étaient pas réjouissantes, elles étaient même apocalyptiques pour le continent africain, il y a sept mois, au moment de l’apparition de la pandémie. Les experts craignaient que les pays d’Afrique puissent être particulièrement touchés, avec des taux de transmission élevés, ce qui aurait alors rapidement submergé les systèmes de santé.

Aujourd’hui, alors que les autres continents inquiètent, notamment les États-Unis ou l’Europe et l’Inde, l’Afrique a été épargnée par la « propagation exponentielle » de l’épidémie de Covid-19 redoutée, s’est félicitée ce vendredi 25 septembre l’Organisation mondiale de la santé (OMS). À ce jour, plus de 1,4 million de cas de Covid-19 ont été répertoriés en Afrique pour près de 35 000 décès à cause du coronavirus, selon l’Africa CDC (Centre de prévention et de contrôle des maladies de l’Union africaine). Les raisons sont encore quelque peu « mystérieuses », ou plutôt disons que toutes les hypothèses n’ont pas encore été exploitées, mais les scientifiques estiment que le succès de nombreux pays africains est déjà une leçon cruciale pour le reste du monde. C’est aussi l’occasion pour ces experts qui ont pris la parole jeudi autour de l’OMS de souligner combien les préjugés peuvent fausser la recherche scientifique.

La pandémie recule sur le continent africain

Tout d’abord quel est le constat de l’Organisation mondiale de la santé ? Il est clair : « La transmission du Covid-19 en Afrique a été marquée par un nombre relativement moins élevé d’infections, qui ont diminué au cours des deux derniers mois », a indiqué la direction régionale de l’OMS, basée à Brazzaville, dans un communiqué.

« Depuis le 20 juillet, la région a connu une baisse soutenue des nouveaux cas de Covid-19. Au cours des quatre dernières semaines, 77 147 nouveaux cas ont été signalés, contre 131 647 au cours des quatre semaines précédentes », a détaillé l’OMS.

« Certains des pays les plus touchés, dont l’Algérie, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Ghana, le Kenya, Madagascar, le Nigeria, le Sénégal et l’Afrique du Sud, ont tous vu les infections chuter chaque semaine au cours des deux derniers mois. »

Les premières pistes de recherches

L’OMS a-t-elle seulement un début d’explication ? Oui, plusieurs pistes sont en cours d’étude. Mais avant, les scientifiques ont écarté l’hypothèse de l’existence d’une souche africaine du Sars-CoV-2 qui serait moins dangereuse. Après avoir comparé le code génétique de plusieurs échantillons du virus dans différents pays, ils ont conclu qu’il est semblable à celui qui circule en Europe.

Concrètement, pour résumer : « La faible densité […] de la population, le climat chaud et humide, la tranche d’âge inférieure se conjuguent pour accentuer leurs effets individuels et contribuent probablement » à ces bons résultats.

La pandémie en Afrique a ainsi surtout touché les jeunes, majoritaires sur le continent : « Environ 91 % des cas d’infection par Covid-19 en Afrique subsaharienne concernent des personnes de moins de 60 ans, et plus de 80 % des cas sont asymptomatiques. »

Autre piste avancée, la tendance à la baisse « témoigne des mesures de santé publique énergiques et décisives prises par les gouvernements de toute la région », a aussi relevé la directrice régionale de l’OMS, Dr Matshidiso Moeti, lors d’une réunion virtuelle jeudi.

Des pays africains sont allés jusqu’à des mesures de confinement total ou partiel, très coûteuses pour leur économie, comme en Afrique du Sud.

« Les premiers modèles de prédiction des maladies ont brossé un tableau très sombre de la manière dont la pandémie pourrait toucher les vies et les économies en Afrique », a déclaré le Dr Sam Agatre Okuonzi, qui travaille à l’hôpital régional de référence d’Arua dans le nord de l’Ouganda, lors de cette même réunion. « En Ouganda, il a été prédit que d’ici septembre, il y aurait 600 000 cas de Covid-19 et 30 000 décès. Mais la réalité est tout à fait différente. »

L’Ouganda compte 7 064 cas de coronavirus signalés et 70 décès, selon un décompte de l’université Johns-Hopkins. L’Afrique du Sud, pays le plus durement touché du continent, a enregistré plus de 665 000 cas et 16 206 décès. Cela représente environ 28 décès pour 100 000 personnes, contre plus de 61 décès pour 100 000 personnes aux États-Unis.

De l’importance des données africaines

Les prochaines semaines seront cruciales pour les chercheurs et les scientifiques, qui essaient également de comprendre ce que les pays africains ont fait de bien dans la première phase de la pandémie. Des recherches supplémentaires sont nécessaires, même si certaines théories ont déjà émergé, a expliqué le Dr Okuonzi. Selon lui, il est possible que certains pays africains soient mieux équipés pour répondre aux flambées de maladies infectieuses « parce que nous avons beaucoup d’expérience d’Ebola et d’autres maladies ».

De son côté, Shaun Truelove, assistant scientifique et expert en modélisation à la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health, a expliqué qu’il était également possible que certaines populations en Afrique puissent avoir des « immunités croisées » après avoir été exposées à d’autres coronavirus en circulation. Il n’y a pas encore de preuves solides de cela, mais c’est quelque chose que les chercheurs étudient activement.

C’est également l’avis du médecin sénégalais Massamba Sassoum Diop. Pour lui, on peut évoquer l’immunité croisée quand « les anticorps développés pour lutter contre les autres types de coronavirus permettent aussi de neutraliser le Covid-19 », a-t-il analysé sur RFI récemment. En résumé : il est fort probable que les habitants du continent africain soient confrontés peut-être sans le savoir au coronavirus depuis des années.

Un autre chercheur suggère que les différences de culture et de style de vie pourraient avoir joué un rôle. « L’un des facteurs liés au virus est qu’il se transmet peu à l’extérieur », a expliqué la professeure Francisca Mutapi, infectiologue à l’université d’Édimbourg. « L’Afrique a une population importante qui est rurale et passe beaucoup de temps à l’extérieur. C’est l’un des facteurs que nous avons découvert dans notre travail », a-t-elle poursuivi. « Nous venons aussi de commencer une grande étude sur l’immunité croisée au Zimbabwe pour savoir si l’exposition à six autres coronavirus protège la population au Sars-CoV-2. »

Mais au-delà des préoccupations épidémiologiques, la déconnexion entre les premières projections et l’expérience réelle du continent démontre les limites de la « modélisation conventionnelle » des maladies infectieuses, a déclaré le Dr Okuonzi.

La plupart des modèles sont « basés sur les populations européennes, pas sur les populations africaines, et ils sont également informés par des préjugés très bien ancrés sur l’Afrique, que, par exemple, l’Afrique est sujette aux maladies », a-t-il avancé comme piste. « Le Covid-19 a brisé de nombreux préjugés sur la maladie en général. »

Le professeur d’épidémiologie Mark Woolhouse, à la tête d’un programme de collecte de données dans neuf pays du continent, va plus loin. Pour lui, les données africaines sur le coronavirus sont nécessaires à la compréhension de la spécificité du continent africain. « L’Afrique a sa propre épidémie. J’ai beaucoup travaillé sur l’épidémie au Royaume-Uni et en Europe. Ces épidémies sont différentes. Elles n’ont pas les mêmes caractéristiques. Donc, je pense qu’on va apprendre beaucoup de choses de ces données africaines destinées à l’Afrique. »

La vigilance est de mise pour éviter la deuxième vague

Mais l’OMS est loin de tresser des lauriers aux pays africains. En effet, le nombre de nouvelles infections pourrait augmenter dans les semaines à venir à mesure que les restrictions sont assouplies et que de nombreux pays africains reviennent lentement à la normale.

« Nous ne devons pas relâcher notre vigilance », a prévenu la directrice régionale, car « la propagation plus lente de l’infection dans la région signifie que nous nous attendons à ce que la pandémie continue à couver pendant un certain temps, avec des flambées occasionnelles ».

« Ces dernières semaines, le Cameroun et la Côte d’Ivoire, qui font partie des pays qui ont enregistré une baisse des infections depuis la mi-juillet, ont vu leur nombre de cas augmenter légèrement. »

Le niveau des tests « reste faible », relève enfin l’OMS, sans inquiétude sur les statistiques globales : « Les cas de Covid-19 manqués sont en grande partie dus au fait qu’ils sont asymptomatiques. En outre, il n’existe aucune preuve que les chiffres relatifs aux décès aient été erronés, car ils sont plus difficiles à omettre sur le plan statistique. »

Par Viviane Forsonle point afrique

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