Élections américaines de mi-mandat, mode d’emploi

Pourquoi les Américains se rendent-ils aux urnes ce mardi ? Quel parti part favori ? Quelles sont les courses à suivre ? Pourquoi ces scrutins sont-ils importants pour la suite ? Quand connaîtrons-nous les résultats ? France 24 fait le point avant la grande soirée électorale.

Les États-Unis organisent mardi 8 novembre leurs élections de mi-mandat, ou Midterms, des législatives couplées à des scrutins locaux organisés tous les quatre ans en alternance avec le scrutin présidentiel. Le Parti démocrate de Joe Biden, qui dispose actuellement d’une faible majorité à la Chambre des représentants et d’une encore plus faible majorité au Sénat, est sur la défensive face à un Parti républicain qui espère voir une « vague rouge » [des couleurs du parti] déferler à Washington. Les résultats de ces élections détermineront le climat politique des deux prochaines années dans le pays. Décryptage en cinq questions.

  • 1) Qui élit-on ?

– La Chambre des représentants

Tous les deux ans, les 435 sièges de la chambre basse sont remis en jeu. En 2020, les démocrates avaient obtenu une courte majorité de 222 sièges contre 213 pour les républicains [aujourd’hui, après défections et décès, 220 contre 212]. Ces derniers espèrent reprendre le pouvoir et ils n’ont besoin que de cinq sièges supplémentaires pour cela, soit le chiffre le plus bas depuis 1932.

– Le Sénat

Sur les 100 sièges de la chambre haute, 35 (12 démocrates, 23 républicains) sont remis en jeu cette année, pour des mandats de six ans. En 2020, les démocrates avaient remporté la majorité sur le fil du rasoir. Il y a actuellement 50 sièges républicains, 48 sièges démocrates, et 2 sièges indépendants qui votent avec les démocrates. C’est la voix décisive de la vice-présidente des États-Unis, la démocrate Kamala Harris, qui permet actuellement au parti présidentiel de contrôler le Sénat. Pour reprendre le pouvoir, les républicains n’ont donc besoin que d’un siège supplémentaire.

– Les courses locales

Ce 8 novembre, certains américains élisent également le gouverneur de leur État – avec 36 sièges remis en jeu sur 50. Les Midterms sont aussi l’occasion d’élire les secrétaires d’État locaux, les procureurs généraux et les assemblées locales. D’autres scrutins locaux ont aussi lieu au niveau des comtés.

  • 2) Qui va gagner ?

Selon les derniers sondages, l’avantage va aux républicains.

Ces derniers sont bien partis pour reprendre le contrôle de la Chambre des représentants. Les cinq victoires nettes à remporter semblent largement à leur portée, puisqu’il y a 45 courses particulièrement compétitives, selon la newsletter Cook Political Report. Et ce d’autant plus qu’ils bénéficient d’un léger avantage structurel, grâce au redécoupage des circonscriptions électorales opéré à partir du recensement de 2020.

Au Sénat, la bataille est extrêmement serrée et le suspense pourrait durer jusqu’à la dernière minute dans une poignée d’États clés.

Traditionnellement, le parti présidentiel part avec un handicap. Les Midterms sont une sorte de référendum sur le chef d’État en exercice. Depuis Truman, les présidents aux États-Unis ont perdu en moyenne plus de 29 sièges à la Chambre lors de leurs premières Midterms. Or Joe Biden souffre d’une faible cote de popularité. La logique voudrait donc que les républicains reprennent le contrôle des deux chambres.

Cependant, après l’annulation du droit fédéral à l’avortement par la Cour suprême en juin, les démocrates ont cru pouvoir échapper à la tendance historique selon laquelle le parti au pouvoir subit une claque lors des élections de mi-mandat. La présence de Donald Trump dans la campagne et le souvenir de l’attaque du Capitole leur ont donné l’espoir de garder les électeurs indépendants à leurs côtés. Leur pari : faire campagne sur la défense des droits reproductifs et sur les menaces contre la démocratie américaine. Ils ont été encouragés par des sondages montrant une perte moins lourde que prévue à la Chambre, et un maintien de la majorité démocrate au Sénat.

Reste que ces derniers jours, les républicains ont repris l’avantage, en attaquant leurs adversaires sur les thèmes de l’inflation et de la criminalité, entre autres. Il semble donc de plus en plus compliqué pour les démocrates de défier la gravité.

  • 3) Quelles sont les courses clés à suivre ?

– Au Sénat

Voici quatre courses très serrées à surveiller mardi soir : Arizona, Géorgie, Nevada et Pennsylvanie. Les démocrates ont besoin d’en remporter trois pour garder le contrôle de la chambre haute. Les républicains, eux, n’ont besoin que de deux victoires dans ces quatre États pour gagner.

• Pennsylvanie Le républicain Pat Toomey prend sa retraite et doit donc être remplacé. L’adjoint du gouverneur John Fetterman, un démocrate, affronte le chirurgien et star du petit écran Mehmet Oz, un républicain adoubé par Donald Trump. C’est l’une des courses qui a attiré le plus d’argent dans cette campagne des Midterms, la Pennsylvanie étant l’un des États les plus disputés par les deux partis – Joe Biden l’a remporté avec un point d’écart seulement en 2020. John Fetterman a longtemps été favori mais l’écart s’est réduit à peau de chagrin ces dernières semaines.

• Arizona L’astronaute Mark Kelly, sénateur démocrate depuis 2020, est défié par le républicain Blake Masters, qui a remis en cause la légitimité de l’élection de Joe Biden. Là aussi, le démocrate a fait la course en tête pendant la campagne, mais l’écart s’est réduit ces derniers jours.

• Géorgie Le pasteur Raphael Warnock, sénateur démocrate élu en 2020, affronte l’ancien joueur de football américain Herschel Walker, un républicain soutenu par Donald Trump. Deux femmes ont accusé publiquement ce conservateur anti-IVG de les avoir poussées à avorter, pointant son hypocrisie sur ce sujet brûlant. Herschel Walker dément, et ces affaires ne semblent pas lui porter préjudice, puisqu’il a rattrapé son retard sur Raphael Warnock ces derniers jours. Cette course est particulièrement surveillée, car elle pourrait déboucher sur un troisième tour au mois de décembre. Comme en 2020, la Géorgie serait alors l’État qui pourrait déterminer la majorité au Sénat.

• Nevada Encore un duel très serré, entre la sénatrice démocrate sortante Catherine Cortez-Masto, première hispano-américaine à être élue à la Chambre haute en 2016, et le républicain pro-Trump Adam Laxalt, très connu dans son État. Catherine Cortez-Masto comptait notamment sur le vote latino pour gagner, mais ce soutien ne s’est pas matérialisé autant qu’elle l’aurait souhaité. La communauté hispanique, et notamment sa frange évangélique, vote en effet de plus en plus pour le Parti républicain.

Il faudra aussi garder un œil sur les courses sénatoriales de Caroline du Nord, du New Hampshire, de l’Ohio, et du Wisconsin.

– À la Chambre des représentants

• Virginie (2e district) Le siège tenu par la démocrate Elaine Luria est en danger, et la républicaine Jen Kiggans pourrait bien le récupérer. Les experts s’intéressent particulièrement à cette course, car il s’agit du « siège médian ». Si l’on classait l’ensemble des 435 sièges de la Chambre des représentants en fonction du vote de leur circonscription pour Joe Biden ou Donald Trump, alors ce district serait le 218e siège, en plein milieu. Son basculement côté républicain, probablement aidé par le redécoupage électoral en faveur des conservateurs, serait donc significatif.

• Texas (34e district) Le démocrate Vicente Gonzalez affronte la républicaine Mayra Flores, dont la victoire surprise lors d’une élection spéciale il y a six mois a montré au Parti démocrate qu’ils ne pouvaient plus considérer le vote latino comme acquis à sa cause. Les deux candidats sont au coude-à-coude.

• Rhode Island (2e district) Le démocrate Jim Langevin tient ce siège depuis plus de vingt ans, mais il ne se représente pas et cette année. Le prétendant à sa succession, Seth Magaziner, affronte le républicain Allan Fung dans un duel très serré qui pourrait voir les démocrates perdre un bastion.

• Californie (22e district) David Valadao, le républicain sortant, a voté pour « l’impeachment » de Donald Trump. Il a tout de même remporté sa primaire, mais il affronte désormais le démocrate Rudy Salas dans une course étroite. La carte du district a été redessinée à l’avantage des démocrates. Le résultat montrera si l’un des critiques de Donald Trump au sein de son propre parti parvient à garder son siège au Congrès.

– Gouverneurs

• Arizona La républicaine Kari Lake, une ancienne vedette de la télévision locale, est opposée à la démocrate Katie Hobbs. Kari Lake est une candidate d’extrême droite pro-Trump qui estime que l’élection de Joe Biden n’est pas légitime. Elle laisse planer le doute sur sa propre acceptation d’une éventuelle défaite. Et en cas de victoire, elle a indiqué qu’en tant que gouverneur, elle pourrait refuser la certification de la victoire d’un candidat démocrate à la présidentielle 2024.

• Géorgie Le républicain sortant, Brian Kemp, est opposé à la star démocrate Stacey Abrams. À l’inverse de Kari Lake, Brian Kemp est devenu un ennemi du camp pro-Trump en refusant de bloquer la certification de la victoire de Joe Biden dans son État en 2020. Cela ne l’a pas empêché de remporter sa primaire cette année.

• Pennsylvanie Le républicain Doug Mastriano est, avec Kari Lake, l’un des candidats les plus extrémistes de cette campagne. Il était devant le Capitole le 6 janvier 2021 et lui aussi pourrait refuser de certifier la victoire d’un démocrate en 2024 s’il était élu gouverneur. Il est opposé à Josh Shapiro.

On notera que cette année, moins de femmes sont candidates qu’il y a deux ans. En effet, selon les calculs de FiveThirtyEight, 43 % des candidats démocrates sont des femmes en 2022 contre 47 % en 2020. Chez les républicains, le chiffre est passé de 22 % de femmes en 2020 à 20 % en 2022.

  • 4) Pourquoi ces scrutins sont-ils importants ?

– Pour l’agenda de Joe Biden

S’il perd sa majorité dans l’une des deux chambres, quasiment toutes les réformes que le Président espérait mener dans la deuxième moitié de son mandat seront vouées à l’échec. Les démocrates peuvent ainsi dire au revoir à un éventuel texte pour légaliser l’avortement au niveau fédéral, ou à davantage d’efforts pour lutter contre la crise climatique. La question de l’aide à l’Ukraine sera également remise sur la table.

Les nominations de Joe Biden dans les différentes cours de justice, et notamment une éventuelle nomination à la Cour suprême en cas de décès de l’un des membres actuels, pourraient également être bloquées par une majorité républicaine au Sénat.

À l’inverse, les républicains pourront, grâce à une majorité à la Chambre des représentants, mettre fin à certaines enquêtes parlementaires, comme celle de la Commission sur l’attaque du 6 janvier, et en ouvrir d’autres, par exemple sur le retrait d’Afghanistan ou sur le fils de Joe Biden. Certains élus ont par ailleurs laissé entendre qu’ils pourraient lancer une procédure « d’impeachment » contre le Président.

– Pour le climat politique aux États-Unis

La majorité des candidats républicains cette année ont remis en cause la légitimité de l’élection présidentielle de 2020. Certains pourraient à nouveau contester le résultat de leur propre scrutin s’ils sont vaincus, et des violences pourraient en résulter. Parmi eux, certains pourraient être élus à des postes décisifs pour les prochains scrutins, comme les postes de gouverneur ou de secrétaire d’État local, en charge des élections. La gauche redoute pour 2024 un scénario dans lequel les républicains au pouvoir feront tout pour empêcher la victoire du parti adverse, y compris s’il fallait s’affranchir des règles démocratiques.

  • 5) Quand aura-t-on les résultats ?

En 2020, en raison du dépouillement du vote par correspondance, il a fallu plusieurs jours pour que Joe Biden soit déclaré président élu. Cette année, dans les États clés de Pennsylvanie et du Wisconsin, le dépouillement des bulletins par correspondance n’est toujours pas autorisé avant le jour du vote. Il faut donc s’attendre à un certain délai avant de connaître les résultats. Et à des candidats républicains en tête en début de soirée, avant un resserrement possible de l’écart avec leurs rivaux démocrates. Les électeurs démocrates ont en effet davantage tendance à voter par courrier.

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