Naufrage à Calais : le gouvernement accuse les passeurs, les associations pointent du doigt la responsabilité de l’État

Après la mort de 27 migrants au large de Calais mercredi, les réactions ont été nombreuses. Les autorités françaises et britanniques ont accusé les passeurs d’être à l’origine du drame. Les associations, elles, ont pointé du doigt la responsabilité de l’État qui ne cesse de militariser la frontière maritime et de précariser les conditions de vie des exilés.

La mort de 27 migrants, dont des femmes et des enfants, dans le naufrage de leur embarcation dans la Manche mercredi 24 novembre a provoqué une onde de choc en France et en Angleterre, tant au niveau des autorités que des associations.

« La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière », a insisté Emmanuel Macron, réclamant « une réunion d’urgence des ministres européens ». Le président français a promis que tout serait « mis en œuvre pour retrouver et condamner les responsables » de ce drame, qualifié de « tragédie » par le Premier ministre Jean Castex. Cinq personnes, soupçonnées d’être des passeurs ont été arrêtées entre mercredi et jeudi.

Boris Johnson se dit « choqué, révolté et profondément triste »

Le ministre de l’Intérieur, qui s’est rendu à Calais mercredi soir, a fait part sur Twitter de « sa forte émotion ». « Les responsables […] sont les passeurs, qui pour quelques milliers d’euros promettent l’Eldorado en Angleterre. Les passeurs sont des criminels », a aussi insisté Gérald Darmanin sur RTL jeudi matin. Il a par ailleurs salué « le travail des sauveteurs, des gendarmes, des policiers, des sapeurs-pompiers, du personnel hospitalier et de l’ensemble des agents de l’État qui font face à ce terrible drame ».

Le Premier ministre Jean Castex a tenu en cette matinée de jeudi une réunion interministérielle sur « les traversées de migrants dans la Manche à la suite du naufrage dramatique ». Sont présents notamment les ministres de l’Intérieur, Gérald Darmanin, de la Justice, Eric Dupond-Moretti, des Armées, Florence Parly, des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et le secrétaire d’État à l’Europe, Clément Beaune, a indiqué Matignon mercredi.

De l’autre côté de la Manche, le Premier ministre britannique s’est dit « choqué, révolté et profondément attristé ». Boris Johnson a assuré sur Sky News vouloir « faire plus » avec la France pour décourager les traversées illégales. Lors d’un entretien téléphonique, le chef du gouvernement britannique et Emmanuel Macron « ont convenu de l’urgence d’intensifier les efforts conjoints pour empêcher ces traversées mortelles », selon un porte-parole de Downing Street.

« Calais devient un corbillard »

Du côté des associations, on pointe du doigt les autorités françaises. « Les premiers coupables des morts dans la Manche ne sont pas les passeurs, mais les responsables politiques du système de non-accueil en France et en Europe », a déclaré l’association Utopia 56. « Si des voies de passages sûres et libres étaient mises en place, ces réseaux de passeurs n’auraient plus lieu d’être ».

Un avis partagé par Médecins du monde (MdM). « L’absence de voies sûres et légales pour la Grande-Bretagne, la politique de dissuasion, les barrières multipliées, ne font que rendre les passages plus dangereux et renforcer les passeurs. Cette politique est mortifère », peut-on lire sur la page Twitter de l’ONG.

« Dès qu’il y a un drame, les politiques accusent les passeurs, sans jamais s’interroger sur les conséquences de leur politique et donc sur leurs propres responsabilités », a souligné le Secours catholique.

À Calais mercredi soir, une cinquantaine de personnes se sont rassemblées près du port, munies de bougies. « Calais, traitements inhumains et dégradants », « Calais, droits humains outragés, brisés, martyrisés », pouvait-on lire sur des pancartes, alors que les manifestants scandaient « Darmanin, assassin, t’as du sang sur les mains » et « La honte, Bouchart [la maire de Calais, ndlr], Calais devient un corbillard ». Plusieurs commémorations seront organisées par les associations jeudi soir à Calais, Dunkerque et Paris.

Lieux de vie détruits, expulsions quasi quotidiennes, harcèlement policier, difficultés d’accès à l’eau et à la nourriture… Plusieurs rapports parus ces dernières années ont dénoncé la stratégie de l’État à Calais. Le dernier en date est celui de Human rights watch qui faisait état de « pratiques abusives ».

« Les tentes déchirées ? C’est la faute des passeurs ? »

Nombre de responsables politiques français ont aussi réagi mercredi soir. Pour Marine le Pen, présidente du Rassemblement national, « le laxisme en matière migratoire entraîne des drames ». C’est « la faiblesse coupable que l’on a à l’égard des réseaux de passeurs qui font de la traite d’êtres humains entraine des drames », a-t-elle affirmé.

À gauche, plusieurs personnalités ont réclamé un meilleur accueil des exilés en France, à l’instar du numéro deux de la France insoumise, Adrien Quatennens, qui a appelé à « réinjecter de la raison et de l’humanité dans le débat » sur l’immigration. Son collègue député Éric Coquerel a demandé d’ouvrir des « centres d’accueil dignes de ce nom ». Il faut « combattre cette idée qu’on aurait affaire à une vague migratoire qui submergerait tout et empêcherait de la résoudre: ce n’est pas la réalité ».

Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste, a quant à lui évoqué « l’horreur et l’effroi ». « Combien de temps allons-nous accepter que des hommes, des femmes, des enfants meurent sous nos yeux ? La France n’est plus elle-même quand elle n’agit pas pour la fraternité et des réponses humaines ».

Chez les Verts, le patron Julien Bayou a estimé qu’il y avait un « cruel besoin d’une digne politique de l’accueil ». L’eurodéputée Karima Delli a accusé le gouvernement d’être responsable du drame. « Les tentes de réfugiés déchirées à coups de couteau au petit matin par 3°C, les expulsions des exilés tous les deux jours, la perte de leurs affaires (…), la signature des accords du Touquet. Tout cela, c’est la faute des passeurs ? », s’est-elle interrogée.

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