«Quand il s’agit de vaccins, il n’y a pas de marge d’erreur». La tribune de Timothy Franson et Peter Pitts

Timothy R. Franson, M.D., FIDSA, est l’ancien President de l’United States Pharmacopeial Convention, la Pharmacopée américaine. Peter J. Pitts a été commissaire adjoint de la Food and Drug Administration (FDA), l’administration américaine en charge du contrôle des denrées alimentaires et des médicaments de 2001 à 2003. Il est professeur invité à l’Université Paris-Descartes et préside le Center for Medicine in the Public Interest, un organisme indépendant d’étude sur les questions de santé.

Si une nation étrangère venait à débarquer sur les côtes françaises, Paris insisterait-il pour que leurs défenses soient organisées par chaque région ? Le Quai d’Orsay menacerait-il de claquer la porte des Nations Unies en cas d’opinions différentes sur la manière de gérer ce type d’agression au niveau national ? Il y a peu de chances. Des menaces visibles provoquent et nécessitent des réponses unifiées.

Maintenant, prenez le cas d’un ennemi microscopique et discret – la Covid-19 – qui a infligé le mal, la mort, le désespoir et des difficultés économiques à chaque nation, région et ville à travers le monde. En dépit d’avertissements précoces, nous ne nous sommes pas préparés à adopter une approche globale face à cette guerre biologique. Sans connaissance et sans outils, nous n’étions pas armés pour combattre cette attaque biologique sans précédent.

Contrairement à beaucoup d’autres nations, les Etats-Unis ont choisi de ne pas adopter un plan national, déléguant plutôt les responsabilités en matière d’endiguement du virus à chaque Etat, à charge pour eux de traiter un certain nombre de problèmes que cela soit en matière de confinement, de besoins en masques, d’acquisition de respirateurs et autres décisions essentielles en matière de politique sanitaire. Ce qui est difficile à comprendre dès lors que les pathogènes ne connaissent pas les frontières.

Se jouer sciemment des standards médicaux anciens reviendrait à réduire par exemple la durée d’une grossesse. Cela peut se produire mais non sans risques de complications…

Sans traitements disponibles, de premières recherches désordonnées pour trouver des thérapies ont débouché sur des centaines d’essais cliniques concurrentiels dont beaucoup inaboutis et sans objets. Dans les efforts menés pour développer des vaccins à la vitesse de l’éclair, des questions ont été soulevées sur la nécessité de respecter la période d’observation traditionnelle avant une mise sur le marché massive. Se jouer sciemment des standards médicaux anciens reviendrait à réduire par exemple la durée des grossesses, pour utiliser une métaphore. Cela peut se produire mais non sans risques de complications…

Confiance érodée. De plus, la décision de l’administration Trump de se retirer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sans autre réseau alternatif pour assurer l’implication sanitaire de l’Amérique dans la préparation face à la Covid-19 et de futures pandémies devrait être une source d’inquiétude. Un seul pays peut-il se défendre contre des pathogènes qui ne respectent pas les limites géographiques, les bureaucraties ou les hommes politiques ? Quand on voit l’évolution, dans la durée, des conseils contradictoires en matière de masques, de distanciation, de tests, de médicaments et autres sujets, il n’est pas étonnant que la confiance des gens se soit érodée pour déboucher sur des attitudes divergentes et la confusion. La confiance ne peut pas se gagner avec des conseils contradictoires d’hommes politiques, de scientifiques et autres entités. Comme un ancien commissaire de la FDA l’a récemment dit sur CBC News : « quand il s’agit de vaccins, il n’y a pas de marge d’erreur. Difficile de regagner une confiance perdue ».

Ces observations ne sont pas destinées à dénigrer les politiques de notre actuel gouvernement mais plutôt comme un cri de ralliement destiné aux générations à venir à se préparer à affronter des pandémies similaires au-delà du chaos actuel autour de la Covid. Les leçons que devraient tirer nos enfants et petits-enfants de la situation présente sont :

1. Installation d’une infrastructure (personnels et plans de contingence) totalement indépendante chargée de surveiller et de se préparer à tout désastre

2. Un engagement renouvelé en faveur d’une approche nationale pour toute menace microbienne, qu’elle soit étrangère ou domestique et l’adoption de moyens et de méthodologies afin de pouvoir aider tous les Etats américains avec les outils et les capacités nécessaires en temps réel

3. Plus important encore, la création d’une source autorisée unique en matière de conseils et de bonnes pratiques faisant consensus parmi les cliniciens, les épidémiologistes, les professionnels de la santé et autres entités politiques avec l’engagement tacite de toujours privilégier les intérêts en matière de santé publique et d’assurer

4. Un engagement massif dans les réseaux mondiaux de détection et d’échanges de données pour détecter rapidement et affronter les menaces

5. Des approches améliorées en matière d’efforts collaboratifs répondant à des standards scientifiques.

Notre combat contre la Covid-19 sera jugé par l’histoire mais une analyse introspective sans concession de nos succès et échecs actuels doit servir de feuille de route pour protéger les générations futures dans le monde.

Par Timothy R. Franson, Peter J. Pitts

ميادين | مرآة المجتمع، ملفات، تحليلات، آراء وافكار و رسائل لصناع القرار.. صوت من لا صوت له | الإعلام البديل

Check Also

Tribune. La mort du président Raïssi a un impact faible sur le fonctionnement du système politique iranien

Pour jauger le poids de la disparition du président Ebrahim Raïssi, mort dans un accident d’hélicoptère, le 19 mai, il faut se poser la question de son rôle dans le système politique de la République islamique d’Iran et l’orientation de sa politique étrangère.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
22 ⁄ 11 =