Maroc : sevrée de touristes, Marrakech a le blues

CRISE. Le Covid-19 a mis à genoux ce joyau du patrimoine marocain que sa place Jemaa el-Fna et sa médina ont rendu célèbre à travers le monde.

C’est une crise sans précédent que vit la ville ocre orpheline de ses millions de touristes bloqués dans leurs pays respectifs par la crise sanitaire du Covid-19. Joyau du patrimoine marocain avec sa médina classée par l’Unesco, Marrakech est tout simplement en train « d’étouffer », pour reprendre l’expression utilisée par les voix de plus en plus nombreuses qui s’élèvent contre les mesures gouvernementales anti-Covid-19. Grouillante avant que la crise sanitaire ne se déclenche en mars dernier, Marrakech a perdu ses foules de visiteurs qui faisaient le bonheur des hôtels, des restaurants et des échoppes de produits artisanaux.

« Avant, il fallait attendre son tour pour avoir une table », peste Bachir, serveur, en montrant la grande terrasse de café déserte où il s’active depuis vingt ans, au cœur de la célèbre place Jemaa el-Fna, le symbole de Marrakech. La situation n’est guère meilleure pour son voisin Mohamed Bassir : « C’est la première fois que je vois Jemaa el-Fna aussi vide, cela me rend triste », murmure ce marchand de jus d’orange posté derrière sa roulotte décorée de fruits en plastique.

Cette célèbre place datant du XIe siècle est donc désertée par les charmeurs de serpents, les musiciens de rue, les marchands de souvenirs et les diseuses de bonne aventure. Quant aux taxis et aux calèches, ils tournent à vide ajoutant à l’angoisse des Marrakchi qui constatent l’atmosphère inhabituellement calme des ruelles labyrinthiques de la médina voisine qu’encadrent des souks colorés proposant habituellement babouches, des joailleries ou des boutiques d’épices dont les rideaux sont baissés.

Des espoirs de reprise déçus…

« Les commerçants ont pour la plupart fermé boutique, les autres ouvrent pour tuer le temps, car il n’y a rien à faire à la maison », affirme Mohamed Challah dans sa boutique de caftans où il « ne vend plus rien ». Au sortir d’un confinement des plus stricts en juillet, commerçants et opérateurs touristiques avaient tout misé sur le tourisme national pour atténuer leurs pertes. Mais l’annonce surprise de nouvelles restrictions, dont la fermeture de Marrakech et de sept autres villes fin juillet, a fait voler en éclats leurs espoirs de relance.

« Les annonces de dernière minute ont fait beaucoup de mal aux professionnels du secteur », déplore un consultant en tourisme basé dans cette ville qui a attiré l’an passé 3 des 13 millions de touristes venus au Maroc et en tire l’essentiel de ses revenus. « Des hôtels ont fermé, des milliers d’employés se sont retrouvés au chômage et toute la ville est désormais à l’arrêt », poursuit ce consultant qui a requis l’anonymat. Pour Jalil Habti Idrissi, qui dirige une agence de voyages vieille de 45 ans, dont le chiffre d’affaires s’est écroulé, il sera « très difficile de rebondir ».

… à la crainte de la faillite définitive

Sur les réseaux sociaux, les appels se multiplient pour « sauver » la ville impériale et assouplir les restrictions à l’arrivée de visiteurs. « Il faut apprendre à vivre avec ce virus et arrêter ce blocage, cette phobie », s’insurge M. Idrissi. La semaine dernière, des professionnels du secteur ont organisé plusieurs sit-in pour appeler les autorités à mettre fin à leur calvaire. « Le coronavirus n’aura pas le temps de nous tuer, la faim s’en chargera avant », pouvait-on lire sur une banderole déployée vendredi.

Lueur d’espoir : les autorités du royaume ont récemment accédé à une requête du patronat qui consiste à autoriser les voyageurs non soumis aux formalités de visa à se rendre au Maroc à bord de « vols spéciaux » opérés par les compagnies aériennes nationales, sur présentation d’une réservation d’hôtel et de deux tests sérologiques et PCR négatifs de moins de 48 heures. Mais il s’agit d’une « ouverture partielle », fait remarquer Ibtissam Jamili, qui dirige un cinq-étoiles et accuse des « pertes colossales ». L’enthousiasme pourrait par ailleurs être de courte durée, car avec plus de 2 000 cas quotidiens enregistrés ces derniers jours, le royaume de 35 millions d’habitants fait face à une flambée des contaminations.

Marrakech, comme Casablanca, la capitale économique, figure parmi les villes les plus touchées et quand les professionnels du tourisme appellent à sauver le secteur, de nombreux internautes s’inquiètent eux de la situation sanitaire et de l’engorgement des hôpitaux. Au 14 septembre, le royaume chérifien est le troisième pays le plus touché d’Afrique avec 86 686 cas ayant entraîné le décès de 1 578 personnes (le 4e nombre le plus élevé du continent). De quoi en inquiéter plus d’un au moment où, sur les réseaux sociaux, circulent des photos de patients dormant à même le sol du principal hôpital de Marrakech sous le hashtag « Marrakech étouffe ».

Par Le Point Afrique

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One comment

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