Pour le Ramadan, l’inflation oblige ces musulmans à adapter leurs dépenses alimentaires

Moins de viande et de pâtisserie, recettes moins chères, promotions… Certains fidèles cherchent à réduire leur facture alimentaire du mois du Ramadan à cause de l’inflation.

CONSOMMATION – Viande et poisson frais, miel, œufs… Autant d’aliments consommés pendant le Ramadan dont la valeur ne cesse de gonfler. « Le prix de la viande est hallucinant. Dans certaines boucheries, tout a doublé. Les fruits secs ont aussi augmenté », regrette Inès, une jeune mère de famille et influenceuse de 23 ans. Le mois sacré pour les musulmans débute ce jeudi 23 mars 2023. Jusqu’au 21 avril prochain, les fidèles ne peuvent ni manger ni boire de l’aube au coucher du soleil.

Si le Ramadan est avant tout un moment spirituel, il représente aussi un moment festif et de partage en famille où l’on se retrouve autour d’un repas convivial. Mais la très forte inflation sur les produits alimentaires, de l’ordre 14,5 % depuis février 2022, selon les dernières estimations de l’Insee, force certains croyants à déroger à leurs habitudes culinaires. Résultat : Inès n’organisera pas « de grandes tablées en famille avec plein de choix d’entrées de plats ».

Faire une croix sur certains produits

Le HuffPost a lancé un appel à témoignages afin de savoir comment l’inflation pouvait avoir un impact sur le Ramadan. La plupart des personnes qui nous ont répondu réduiront leur consommation de certains produits. « Je regarde beaucoup plus les prix et les promotions qu’avant pour tous les aliments. Je vais limiter par exemple ma consommation de viande », nous glisse Yasmina, une assistante commerciale de 29 ans. « Je vais remplacer l’agneau par du poulet dans les tajines. J’en cuisinerai une à deux fois pendant le mois plutôt qu’une fois par semaine. Je ferai même peut-être une croix sur les tajines à base d’agneau. »

Quid des desserts ? « Je vais me limiter à une ou deux pâtisserie par soir. » Idem pour Inès qui regrette le prix des amandes : « Avant, on faisait plein de gâteaux comme des cornes de gazelle, des baklavas… Pour qu’ils soient vraiment bons, il faut mettre beaucoup d’amande. Mais là, il faudrait dépenser une fortune pour en faire. C’est dommage. »

Pour le restaurateur et chroniqueur culinaire Abdel Alaoui, la facture est également salée : « Le beurre et les œufs ont beaucoup augmenté. Ce sont des ingrédients dont on se sert pour les pâtisseries et le pain… J’ai fait des gâteaux hier et je me suis rendu compte que ça m’avait coûté le double ou le triple par rapport à l’année précédente. »

Le chef préconise donc d’éviter « tout ce qui est amande ou cacahuète ». Il recommande à la place la confection de sablés à la noix de coco : « C’est une pâte toute simple qu’on fait cuire au four. On plonge ces sablés dans la confiture d’abricot et de la fleur d’oranger. Ce n’est pas très cher par rapport au miel. Et meilleur pour la santé. »

Promotions et produits de substitution

Selon Abdel Alaoui, la meilleure solution pour faire face à l’inflation est « d’acheter en gros quand il y a une promotion, de préparer un maximum de choses puis de congeler. » Mais aussi de trouver des produits de substitution. Pour remplacer le poisson frais, il conseille par exemple de confectionner des croquettes avec du thon en boîte : « C’est super simple avec de la farine et des œufs. »

Les soupes sont recommandées par le chef pour couper le jeûne. « La chorba ne demande pas trop d’ingrédients : des vermicelles, du coulis de tomate, du céleri, des lentilles, du persil, de la farine… Ce sont des produits pas chers », liste-t-il. D’autant plus qu’elle est « épaisse, riche, et qu’elle remplit bien le ventre grâce à la farine ». Et pour la viande, le cuisinier « achète généralement un steak haché qu’[il] émiette dans la soupe plutôt que du bœuf ou de l’agneau, qui sont très chers ».

Cette soupe est aussi plébiscitée par Oualid, un jeune homme qui travaille en tant que communicant pour plusieurs restaurants hallal. Selon lui, « faire une chorba n’est pas très cher et ne demande pas grand-chose ». Qui plus est, il compte s’appuyer sur les nombreuses promotions dans les enseignes sur « les feuilles de bricks, les semoules ou l’huile » pour les autres recettes.

Il nous assure vouloir retrouver la même chose dans son assiette que les années précédentes. « L’inflation aura un impact sur mon portefeuille mais mes habitudes ne changeront pas. Je ferai face aux prix et j’achèterai », certifie-t-il avant de rappeler : « Même si les prix ont augmenté, le Ramadan n’est pas un mois où il faut abuser des bonnes choses et remplir son caddie avec tout et n’importe quoi. »

Même son de cloche pour Fateh Kimouche, le fondateur du blog Al-Kanz, spécialisé dans l’économie et la consommation autour de la communauté musulmane : « C’est normalement un mois de frugalité et de déconsommation. Si l’inflation nous fait mal au porte-monnaie, elle peut aussi nous faire du bien spirituellement. »

Par Mathieu Alfonsi – HuffPost 

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