Analyse. Relations post-Brexit : l’Union européenne et le Royaume-Uni trouvent un accord in extremis

Il leur restait une semaine pour se mettre d’accord. Jeudi 24 décembre, après une nuit et une matinée d’ultimes négociations, l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni ont trouvé un terrain d’entente sur leurs relations commerciales après la sortie effective du pays de l’UE, au 1er janvier.

Cet accord, « bon pour l’Europe et le Royaume-Uni », pose des « fondations solides pour le départ d’un ami de longue date » et « protégera les intérêts européens », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d’une conférence de presse tenue dans l’après-midi avec le négociateur européen, Michel Barnier. « Nous pouvons laisser le Brexit derrière nous », a-t-elle poursuivi, ajoutant que « l’Union européenne [allait] pouvoir passer à une nouvelle étape ».

La secrétaire d’Etat au commerce international britannique, Liz Truss, a salué la nouvelle sur Twitter« Nous aurons une relation commerciale solide avec l’UE et approfondirons nos échanges avec nos partenaires dans le monde entier grâce à notre politique commerciale indépendante », a-t-elle écrit. Le premier ministre britannique, Boris Johnson, a, quant à lui, publié sur Twitter une photo de lui exultant, bras écartés et pouces levés, avec pour légende : « L’accord a été trouvé ».

De son côté, M. Barnier a exprimé jeudi son « soulagement (…), mais teinté d’une certaine tristesse, quand on compare ce qu’il y avait avant et ce qui nous attend désormais. »

Les ambassadeurs des 27 pays de l’Union européenne se réuniront vendredi à 10 h 30 pour commencer à examiner l’accord. Les Etats membres doivent encoreapprouver une procédure d’application provisoire de l’accord, afin qu’il entre en vigueur dès le premier jour de la nouvelle année, car le Parlement européen n’aura pas le temps de le ratifier d’ici là.

Les députés britanniques, actuellement en vacances, sont eux convoqués le 30 décembre pour débattre de l’accord.

La pêche au cœur des discussions

Des désaccords importants ont subsisté jusqu’au dernier moment, notamment concernant le partage des quelque 650 millions d’euros de produits pêchés chaque année par les pêcheurs européens dans les eaux britanniques.

Malgré son faible poids économique, la pêche revêt une importance politique et sociale pour plusieurs Etats membres, dont la France, les Pays-Bas, le Danemark ou l’Irlande. Mais les Britanniques en ont fait le symbole de leur souveraineté retrouvée après le divorce.

Formellement, le Royaume-Uni a quitté l’UE le 31 janvier 2020. Mais il est alors entré dans une période de transition durant laquelle il reste soumis aux règles européennes, et donc aux accords commerciaux négociés par la Commission européenne au nom des Etats membres de l’UE, et ce, jusqu’au 31 décembre 2020. En l’absence d’accord (« no deal »), les échanges entre Londres et le bloc des Vingt-Sept auraient étérégis à partir du 1er janvier 2021 par les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), synonymes de droits de douane, de quotas, ainsi que de formalités administratives susceptibles d’entraîner des embouteillages et des retards de livraison.

Le processus de sortie de l’UE avait été enclenché à la suite du référendum britannique du 23 juin 2016, remporté à 51,9 % des voix par les tenants du Brexit. Une première depuis la création de l’UE.

Un accord « bienvenu »

La conclusion d’un texte en à peine dix mois – quatre ans et demi après le référendum du 23 juin 2016 sur le Brexit – constitue une prouesse pour Londres et Bruxelles, surtout pour un accord de cette envergure.

Deux ans et demi avaient été nécessaires pour négocier le traité de retrait scellant le départ britannique, conclu fin 2019, un texte fournissant une sécurité juridique aux expatriés des deux côtés de la Manche et des garanties pour le maintien de la paix sur l’île d’Irlande. Le premier ministre irlandais, Micheal Martin, dont le pays aurait été en première ligne en cas de « no deal », a d’ailleurs salué un accord « bienvenu ».

Avec celui-ci, l’UE offre au Royaume-Uni un accès inédit, sans droits de douane ni quotas, à son immense marché de 450 millions de consommateurs. Mais cette ouverture sera assortie de strictes conditions : les entreprises d’outre-Manche devront respecter un certain nombre de règles évolutives au fil du temps en matière d’environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Des garanties existent aussi en matière d’aides d’Etat.

Un mécanisme permettra aux deux parties d’activer rapidement des contre-mesures, comme des droits de douane, en cas de divergences sur ces normes. Sans accord, le Royaume-Uni aurait perdu beaucoup plus que l’UE : les Britanniques exportent 47 % de leurs produits vers les vingt-sept pays membres, quand l’UE n’écoule que 8 % de ses marchandises de l’autre côté de la Manche.

Des perturbations restent possibles

Même avec cet accord, des perturbations sont à attendre à compter du 1er janvier 2021, lorsque le Royaume-Uni tournera véritablement le dos à quarante-sept ans de vie communautaire, quittant le marché unique et l’union douanière.

Quand, de manière inattendue, les Britanniques se sont majoritairement prononcés en faveur du Brexit, nombreux étaient ceux en Europe espérant que le Royaume-Uni puisse rester aligné sur les normes européennes. Le virage sera bien plus important.

M. Johnson, figure des brexitersen 2016, a toujours affiché sa volonté de rompre avec les normes du marché unique et de l’union douanière, pour que le Royaume-Uni « reprenne le contrôle » de sa souveraineté.

L’accord officialisé jeudi ne concerne pas les services financiers, qui font de Londres la seule place à rivaliser avec New York. Le secteur des services représente 80 % de l’économie britannique. L’accès au marché européen des banques et assureurs établis à Londres est une question traitée en parallèle des négociations sur cet accord commercial.

World Opinions – Le Monde avec AFP

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