Maroc : Transparency pointe l’absence de volonté politique pour lutter contre la corruption

Transparency Maroc a présenté, ce mardi, son évaluation des indicateurs de la corruption, de la Défense, du budget ouvert et de la liberté de presse au Maroc, pointant l’absence de toute volonté politique pour lutter contre la corruption, confirmant son caractère «endémique» dans le pays.

Au Maroc, la lutte contre la corruption n’avance pas, alors que la situation du pays dans l’indice de perception de la corruption «ne change pratiquement pas sur une longue période», a estimé, ce mardi, la section marocaine de l’ONG Transparency International. Lors d’une conférence de presse à Rabat, l’association a présenté son évaluation de cet indicateur, ainsi que pour ceux de la Défense, du budget ouvert et de la liberté de presse.

Ainsi, pour l’indice de perception de la corruption de l’année 2021, le Maroc obtient un score de 39 sur 100, perdant ainsi un point par rapport à 2020. Le royaume arrive à la 87e place sur 180 pays, derrière la Tunisie (70e). Il perd ainsi une place par rapport à l’année 2020 et 7 comparé à 2019. «Ce résultat confirme le caractère endémique de la corruption au Maroc et surtout sa stagnation dans cette situation depuis très longtemps», a déclaré le professeur d’économie et membre du bureau de Transparency Maroc, Azeddine Akesbi. «Le Maroc connait un niveau endémique de la corruption et ce n’est pas nouveau», a-t-il ajouté.

Comparé à ses voisins arabes, le Maroc arrive neuvième, derrière les Emirats arabes unis (69 points, 24e place mondiale), le Qatar (63 points), l’Arabie saoudite (53 points), le Sultanat d’Oman (52 points), la Jordanie (49 points), la Tunisie (44 points), le Koweït (43 points) et Bahreïn (42 points). Il devance l’Egypte et l’Algérie (33 points).

Le Maroc dans le groupe le plus critique de risque de corruption dans la Défense

Azeddine Akesbi s’est aussi attardé sur les risques de corruption dans la Défense, avec le cas de l’indicateur d’intégrité de la Défense du gouvernement. Rappelant que celui-ci «mesure la résilience au risque de corruption dans le secteur de la Défense» et «évalue aussi bien le cadre légal que sa mise en œuvre», le membre du bureau de l’ONG a pointé l’enjeu «très important», rappelant que la dépense publique dans la Défense est estimée, dans le monde, à 2 000 milliards de dollars.

Pour le Maroc, le royaume «fait partie des 40 pays qui dépensent le plus sur l’armement avec un budget de 4,8 milliards de dollars, soit près de 50 milliards de dirhams», a-t-il encore rappelé, notant que le score global du Maroc dans cet indice est de 10 sur 100.

«Il est dans le groupe le plus critique de risque de corruption (score de 0 à 16) et fait partie de pays comme le Soudan (5 points), l’Egypte (6), l’Algérie (8), l’Iran (8), l’Arabie saoudite (11) et la Jordanie et l’Angola (14)», a-t-il déploré. «Le Maroc est globalement dans la zone rouge correspondant au risque le plus élevé pour les différentes dimensions de la Défense étudiées», a-t-il insisté.

«Evidemment que le secteur est concerné par le secret compte tenu des intérêts nationaux, mais les citoyens s’attendent à ce qu’il soit géré avec transparence et reddition des comptes. Le Maroc fait partie des pays dont le Parlement ne débat et s’examine pas la politique de la Défense.»Azeddine Akesbi

Même avec la Loi 46-19, la volonté politique est «toujours absente»

Pour ce qui est de l’indice du budget ouvert, qui mesure la transparence et l’accès à l’information budgétaire «pertinente» et «à temps», l’ONG a précisé que les résultats obtenus par le royaume datent de 2019. «Le dernier score disponible attribué au Maroc est de 43 sur 100, ce qui correspond à une information minimale», dénonce-t-elle, en précisant que sur les 8 documents budgétaires requis, le rapport préalable est publié «avec du retard», la revue en milieu d’année est «non produite» et le rapport de fin d’année est «limité à un usage interne». L’occasion de rappeler aussi ses «recommandations répétées» dans ce sens depuis 2006.

Enfin, pour l’indice de la liberté de la presse, Transparency Maroc a noté que «la situation dégradée des droits humains et de la liberté ne favorisent pas la transparence», rappelant que le Maroc est classé 136ème dans l’indice de RSF. «La situation de la liberté de la presse au Maroc est préoccupante depuis longtemps», dénonce-t-telle, en déplorant «une politique hostile aux libertés individuelles et collectives».

Interrogée par Yabiladi sur la loi 46.19 portant sur les nouvelles missions de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), entrée en vigueur le 13 mai dernier, le secrétaire général de Transparency Maroc a estimé que ce texte, qui date de 2015, a été «enfin libéré», rappelant que le le défi reste son «application» sur le terrain. Ahmed Bernoussi a également fait savoir que les membres de l’instance n’ont toujours pas été nommés.

Pour sa part, Azeddine Akesbi a rappelé l’existence d’instances de gouvernance «sans loi, avec un texte faible ou avec peu d’attributions», considérant que le problème n’est pas juridique. «Le Maroc peut avancer dans cette lutte mais la volonté politique est toujours absente», a-t-il conclu.

World Opinions + yabiladi.com

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