Allemagne. Débats : la mue incomplète du chancelier Olaf Scholz

Depuis un an, le dirigeant allemand est parvenu à asseoir son autorité sur une coalition hétéroclite et faire adopter des positions éloignées de celles défendues par les partis du gouvernement. Mais en France notamment, il se voit reprocher un manque d’esprit de concertation et de solidarité.

C’était il y a un an. Le 8 décembre 2021, Olaf Scholz succédait à Angela Merkel à la tête d’une coalition tripartite rassemblant les sociaux-démocrates (SPD), les Verts et les libéraux (FDP). S’il affichait de vraies ambitions réformatrices, notamment en matière de transition énergétique et numérique, le nouveau gouvernement allemand s’inscrivait toutefois dans une grande continuité avec le précédent. Une continuité incarnée par Olaf Scholz lui-même : déjà vice-chancelier depuis trois ans, le successeur d’Angela Merkel était, comme elle, un pragmatique prudent au style tout en sobriété.

Un an plus tard, le bilan d’Olaf Scholz n’est pas mince, même s’il ne correspond guère à ce qui avait été imaginé. Si des promesses ont été tenues, comme la hausse du salaire minimum, passé de 9,80 euros à 12 euros brut de l’heure, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février, a rendu largement obsolète le « contrat de coalition » signé quelques semaines plus tôt. Membre d’un parti de culture profondément pacifiste et qui, depuis l’Ostpolitik de Willy Brandt (1969-1974), avait constamment prôné de bonnes relations avec Moscou, le chancelier social-démocrate a pris tout le monde de court en annonçant, trois jours après le début de la guerre, que l’Allemagne allait créer un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour sa défense, avec pour ambition d’avoir la première armée conventionnelle d’Europe.

A cette décision majeure, qualifiée à juste titre de « tournant historique » (Zeitenwende) par Olaf Scholz, s’en ajoutèrent d’autres, elles aussi totalement inattendues mais prises au prix de renoncements douloureux. Qui aurait cru que l’entrée des écologistes au gouvernement allait s’accompagner de la réouverture d’une vingtaine de centrales à charbon, de la construction de terminaux géants de gaz naturel liquéfié et d’une prolongation de quelques mois de la durée de vie des trois dernières centrales nucléaires encore en activité ?

Qui s’attendait à ce que le FDP, garant de l’orthodoxie budgétaire, se voit confier le ministère des finances pour dépenser, en une seule année, quelque 500 milliards d’euros qui n’étaient pas prévus, dont plus de la moitié pour faire face à la flambée des prix, à commencer par ceux de l’énergie ?

Bilan perfectible

Que des choix parfois aussi éloignés des positions défendues par les partis du gouvernement aient été actés – et si vite – est à mettre au crédit d’Olaf Scholz. Dans la tempête, ce dernier est parvenu à asseoir son autorité sur une coalition hétéroclite dont beaucoup d’observateurs, il y a un an, pensaient qu’elle était soit condamnée à l’immobilisme, soit vouée à éclater au bout de quelques mois seulement.

Prises dans l’urgence par une Allemagne contrainte de sortir à toute vitesse de sa dépendance au gaz russe, ces décisions ont toutefois été souvent mal comprises dans les autres capitales européennes, à Paris notamment, où Olaf Scholz se voit reprocher un manque d’esprit de concertation et de solidarité.

De la part d’un chancelier qui entend assumer un véritable « leadership » en Europe, notamment sur les questions de politique étrangère et de défense, soit un rôle que s’était toujours refusé de jouer sa prédécesseure, c’est sans doute sur ce plan que son bilan est le plus perfectible. Un an après son arrivée au pouvoir, tel est le principal défi du nouveau chancelier allemand : prouver qu’il peut être aussi un grand chancelier européen.

World Opinions – Le Monde

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