L’une des rencontres religieuses les plus importantes de l’histoire s’est déroulée samedi matin en Irak: le pape François, chef des 1,3 milliard de catholiques, a été reçu par le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse de nombreux musulmans chiites.
En venant dans la ville sainte chiite de Najaf, le pape argentine de 84 ans entendait tout à la fois tendre la main à l’islam chiite et porter la cause des chrétiens d’Irak, 1% de la population dans ce pays musulman, qui se disent régulièrement victimes de discrimination.
De nationalité iranienne, le grand ayatollah Sistani se pose depuis des décennies en garant de l’indépendance de l’Irak et dirige une école théologique qui prône le retrait des religieux de la politique, ils doivent seulement conseiller, au contraire de l’école de Qom en Iran.
Le grand ayatollah a d’ailleurs pesé de tout son poids pour faire tomber le gouvernement qu’ont conspué durant des mois en 2019 de jeunes manifestants fatigués de voir leur pays s’enfoncer dans la corruption et la gabegie.
C’est la première fois dans l’histoire que le chef des 1,3 milliard de catholiques du monde s’entretient avec le grand ayatollah, qui vit dans sa modeste maison de la ville sainte de Najaf, à 200 km au sud de Bagdad.
Entretien à huis clos
Mais de cette rencontre au sommet n’ont filtré que deux choses. Une photo des deux hommes: le grand ayatollah, turban noir des descendants du prophète Mahomet et tenue assortie, et à sa gauche le pape, tout de blanc vêtu et flanqué de cardinaux en chapes rouges et noires. Et, surtout, un communiqué du bureau du grand ayatollah.
L’homme de 90 ans, longue barbe et carrure frêle, n’est jamais apparu en public. Il répond par écrit aux questions qui lui sont adressées et il fait lire ses sermons chaque vendredi par des représentants.
Cette fois-ci toutefois, il a fait publier un communiqué, remerciant personnellement le pape François de sa venue à Najaf à l’issue d’un huis clos de 50 minutes entre les deux hommes.
« Attention portée » aux chrétiens
Le grand ayatollah a assuré au pape « l’attention qu’il porte au fait que les citoyens chrétiens vivent comme tous les Irakiens en paix et en sécurité, forts de tous leurs droits constitutionnels », indique le texte.
L’ajout de cette étape au programme papal est une source de fierté pour de nombreux chiites dans un pays qui va depuis 40 ans de conflits en crises, en passant par une guerre civile meurtrière entre musulmans chiites et sunnites.
« Nous sommes fiers de ce que représente cette visite (…) elle va donner une autre dimension à la ville sainte », se félicite auprès de l’AFP le dignitaire chiite Mohammed Ali Bahr al-Ouloum. A sa descente d’avion, le souverain pontife est passé devant un immense appel au dialogue placardé sur l’aéroport pour sa venue.
« Les hommes sont de deux sortes: soit vos frères dans la foi, soit vos égaux en humanité », assure la banderole, citant l’imam Ali, gendre du prophète Mahomet et figure fondatrice du chiisme enterré dans la ville sainte.
Visite sous haute sécurité
La visite du pape, sous très haute sécurité, se déroule aussi sur fond de confinement total avec plus de 5000 contaminations par le Covid-19 chaque jour. Si le pape a été vacciné avant son voyage, le bureau du grand ayatollah n’a pas fait état de telles mesures.
Après Najaf, François a continué son parcours vers le sud, à Ur, ville antique où selon la tradition est né le patriarche Abraham. Là, il a prié avec des dignitaires chiites, sunnites, yazidis et sabéens. Il faut « cheminer du conflit à l’unité » dans « tout le Moyen-Orient » et « en particulier en Syrie, martyrisée », a plaidé le pape François.
World Opinions News / agences