Pour jauger le poids de la disparition du président Ebrahim Raïssi, mort dans un accident d’hélicoptère, le 19 mai, il faut se poser la question de son rôle dans le système politique de la République islamique d’Iran et l’orientation de sa politique étrangère.
Pour jauger le poids de la disparition du président Ebrahim Raïssi, mort dans un accident d’hélicoptère, le 19 mai, il faut se poser la question de son rôle dans le système politique de la République islamique d’Iran et l’orientation de sa politique étrangère. Or, il est limité. Ce n’est pas le président qui décide in fine, mais le Guide suprême de la République islamique. Ali Khamenei détient en réalité le pouvoir décisionnel. C’est lui qui sélectionne et avalise les grandes orientations du régime, y compris en politique étrangère. Le président ne fait que les mettre en œuvre.
Il n’est donc que le numéro deux du système. Et, en plus, de nombreux ministères lui échappent, comme celui de la défense ou des renseignements, tout comme la nomination des responsables de la radio et de la télévision, ainsi que le corps des gardiens de la révolution.
Or, ce dernier joue un rôle majeur en politique étrangère par le biais de ses relais locaux (comme le Hezbollah au Liban). Il dispose d’une marge de manœuvre substantielle par rapport au président, comme on l’a constaté sous la présidence Rohani. Certes, le président joue un rôle sur la scène internationale, car, en principe, le Guide ne quitte jamais le pays. Il participe ainsi à de grandes conférences internationales ou se rend aux Nations unies, à New York, où il peut rencontrer des personnalités étrangères majeures comme cela a été le cas avec le président Macron en septembre 2022. Mais son rôle demeure secondaire.
C’est ce qu’a ironiquement reconnu le gouvernement iranien en annonçant que la mort de Raïssi n’allait pas entraîner « la moindre perturbation dans l’administration » du pays. Cette disparition perturbe d’autant moins le fonctionnement du système que le Guide dispose de leviers qu’il peut activer, comme le « bureau » du Guide. La mort de ce président contesté de 63 ans, très mal élu, impopulaire, terne, sans charisme et falot, dont la seule qualité en réalité était sa fidélité au Guide – dont il avait été l’élève depuis l’âge de 15 ans – a donc un impact faible sur le fonctionnement du système politique iranien, de l’aveu même du régime.
Climat dégradé
Sa disparition constitue toutefois un coup dur pour le camp conservateur et laisse place à des incertitudes. Une nouvelle élection présidentielle sera organisée dans les cinquante jours, selon la Constitution, soit le 28 juin. Des incertitudes planent quant à une possible rivalité entre les factions conservatrices pour faire avancer leur candidat. Et ces élections se tiendront dans un climat dégradé sur le plan socio-économique et avec la poursuite, malgré la forte répression, d’une contestation sociopolitique latente depuis septembre 2022 avec le mouvement Femme, vie, liberté.
Par Les deux politistes Thierry Kellner et Mohammad-Reza Djalili soulignent, dans une tribune au « Monde », que la mort du président de la République islamique d’Iran ne devrait avoir d’incidence sur la ligne politique du pays, puisque le Guide de la révolution et le corps des gardiens détiennent l’essentiel des pouvoirs.