Créée en avril 1951, la mythique revue Les Cahiers du cinéma a vu les plumes de Truffaut, Godard, Chabrol, Rivette ou Rohmer bâtir sa légende avant que les jeunes critique ne forment la Nouvelle Vague. La revue fête son anniversaire avec un numéro spécial.
« Un film est quelque chose qui dure. Ce n’est pas un simple produit de consommation, c’est une oeuvre », disait le réalisateur Eric Rohmer qui fut rédacteur en chef des Cahiers du cinéma de 1958 à 1963. Cela paraît évident aujourd’hui; cela ne l’était pas à l’époque qui considérait le cinéma comme un simple divertissement. On connaissait à peine le nom des réalisateurs, seul l’acteur et le genre comptaient.
On peut porter au crédit de la revue française d’avoir donné au cinéma ses lettres de noblesse, de l’avoir défendu avec passion, du moins un certain cinéma, d’avoir offert une visibilité à des cinématographies plus fragiles et d’avoir traversé les époques avec des plumes qui ont marqué l’histoire de la critique, comme André Bazin, Godard, Chabrol, Truffaut, Rivette, les deux Serge, Toubiana et Daney, Antoine de Beacque ou Thierry Jousse.
>> A regarder, le défilé des couvertures historiques des Cahiers du cinéma:
On peut également saluer sa longévité, là où tant de revues spécialisées ont dû mettre la clé sous la porte, même si aujourd’hui les ventes des « Cahiers » plafonnent à 12’000 exemplaires.
Rachat en 2020
La couverture qui fête les 70 ans des Cahiers [Les cahiers du cinéma]
En 2020, dans un contexte de crise globale, une partie de l’équipe des Cahiers du cinéma claque la porte après le rachat du mensuel par un collectif d’entrepreneurs et de producteurs français. Marcos Uzal, critique à Libération, est nommé rédacteur en chef.
C’est sous son égide que la revue fête cette année ses 70 ans avec une couverture qui rappelle celle du tout premier numéro d’avril 1951, celle de Gloria Swanson, héroïne de « Sunset Boulevard » de Billy Wilder. Ce numéro spécial comprend également un entretien avec Jim Jarmusch et la liste de 70 films défendus en son temps par la revue, et oubliés depuis.
L’édito inaugural de 1951 posait déjà sa charte en affirmant refuser « la neutralité malveillante qui tolère le cinéma médiocre, une critique prudente et un public hébété ».
Valeur de phare
Public hébété, n’est-ce pas méprisant? « Non, c’est l’inverse. Cela signifie que la revue avait une exigence et qu’elle ne souhaitait pas tirer le public vers le bas », précise Marcos Uzal, rédacteur en chef, qui croit toujours à la valeur de la critique, plus encore aujourd’hui où chacun est invité à donner son avis. « La critique sert à accompagner la vie des films, à faire le tri, à observer ce qui se joue d’essentiel dans un monde de confusion. Elle a valeur de phare », dit celui qui plaide pour une approche éclectique et un forme d' »élitisme pour tous », comme l’avait formulé Jean Vilar.
La revue a été marquée par des partis pris très forts, radicaux souvent, injustes parfois, mais c’est sa fidélité à elle-même, tout en acceptant d’évoluer, qui en a fait une référence.Marcos Uzal, rédacteur en chef des « Cahiers du Cinéma »
Entrée des séries et des plateformes
A ses débuts, les Cahiers du cinéma se sont faits connaître en décelant à Hollywood quelques pépites, des films d’auteurs là où l’Europe ne voyait que des produits puérils et sans envergure. Grâce aux Cahiers, des réalisateurs comme Ford, Hawks ou Hitchcock sont devenus des artistes.
Cet esprit de défricheur, la revue le perpétue en offrant une place importante aux séries et aux plateformes, et ce depuis longtemps. « Sans être prophète, on assiste à un véritable bouleversement. Le cinéma n’est plus seulement dans les salles, il est disséminé un peu partout. Il s’agit de voir où », précise Marcos Uzal.
Propos recueillis par Rafael Wolf – RTS Culture
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