« Mes larmes ne cessent de couler » : l’inquiétude des familles après le naufrage meurtrier en Grèce

Un bateau de pêche transportant plusieurs centaines de migrants a fait naufrage au large du Péloponnèse, mercredi, faisant au moins 78 morts. Entre 200 et 500 personnes sont toujours portées disparues, tandis que les recherches se poursuivent. Les familles des naufragés, rongées d’inquiétude, sont à la recherche d’informations sur la situation de leurs proches. Certains se rendent sur place dans l’espoir de les retrouver.

Depuis l’annonce du naufrage meurtrier du 14 juin, des centaines de familles vivent dans l’angoisse et cherchent désespérément des nouvelles de leurs proches qui avaient pris place dans le bateau. D’après les premières informations, les victimes étaient originaires d’Égypte, de Syrie, de Palestine, du Pakistan ou encore du Bangladesh.

Certaines familles scrutent les photos de rescapés publiées dans les médias et sur les réseaux sociaux, d’autres se rendent à Kalamata, ville portuaire du sud de la Grèce où les rescapés ont été transférés.

« Mes larmes ne cessent de couler »

Depuis la Syrie, Iman, la sœur de Maamoun Ismail Al Haraki fait partie de ces familles en attente de nouvelles. D’une voix tremblante, interrompue par les pleurs de ses enfants autour d’elle, la jeune femme a raconté à InfoMigrants que son frère de 34 ans est le père de deux enfants. Il a quitté Deraa il y a un an pour trouver refuge au Liban. En raison de conditions de vie particulièrement difficiles, il a quitté le Liban pour se rendre à Erbil, au Kurdistan irakien, d’où il a pris un vol direct pour la Libye.

« Il a été victime d’une escroquerie là-bas, et il a été emprisonné pendant deux mois, avant d’être libéré il y a peu », rapporte Iman. Il s’est ensuite rendu à Tobrouk. C’est dans cette ville de l’est libyen qu’il est monté à bord du bateau qui a fait naufrage mardi et qui devait se rendre en Italie.

Maamoun Ismail Al Haraki, vêtu d'un gilet de sauvetage, la veille du départ, le 8 juin 2023. Crédits : DR
Maamoun Ismail Al Haraki, vêtu d’un gilet de sauvetage, la veille du départ, le 8 juin 2023. Crédits : DR

Maamoun Ismail Al Haraki a payé entre 5 000 et 6 000 euros pour monter à bord de ce vieux bateau de pêche en mauvais état. Jeudi 8 juin, la veille du départ, le Syrien avait appelé sa famille pour les rassurer et leur annoncer son départ vers l’Italie. Il leur avait envoyé ce selfie sur lequel il porte un gilet de sauvetage.

« C’est le premier membre de la famille à rejoindre l’Europe, et regardez-ce qui lui est arrivé… Tout ce que je souhaite, c’est savoir qu’il est sain et sauf », glisse Iman, sous le choc. Depuis le drame, sa famille scrute toutes les photos des survivants publiées sur Internet. Iman a cru reconnaître son frère sur l’une d’elle. Mais la barrière de la langue empêche la famille de contacter les autorités grecques pour leur demander des informations, a-t-elle confié à InfoMigrants. Cinq autres Syriens originaires du quartier de Maamoun Ismail avaient embarqué à bord du bateau de pêche.

« Aucun mot ne peut décrire la douleur »

Shahin Shekh Ali cherche, lui aussi, désespérément des nouvelles de ses proches. Ce Syrien originaire de Kobané, dans le nord de la Syrie, est réfugié en Allemagne. Ali, un cousin, et quatre autres membres plus éloignés de sa famille se trouvaient sur le bateau. En dépit de ses appels à l’aide sur Twitter, il n’a pu obtenir aucune information précise et ne sait pas s’ils font partie des survivants.

Ali se trouvait en Libye depuis environ un mois, a expliqué Shahin Shekh Ali à InfoMigrants. Le jeune homme avait quitté la Syrie pour se rendre au Liban, d’où il avait rejoint Le Caire, la capitale égyptienne, par avion. Il avait ensuite rallié l’est de la Libye. Pour embarquer à destination de l’Italie, il a payé autour de 6 000 euros.

Shahin est extrêmement inquiet : « Ils nous ont contactés il y a cinq jours, puis plus aucune nouvelle. C’est tragique, je suis en état de choc. Nous essayons de garder espoir, mais aucun mot ne peut décrire la douleur de perdre cinq membres de notre famille dans un seul accident. »

« Nous ne sommes pas certains qu’il sache nager »

Installé en banlieue de Damas, Wassim a, lui aussi, confié son inquiétude à InfoMigrants. « Mon cousin Moataz Ghassan Shawk nous a appelé vendredi pour nous dire qu’il allait embarquer dans un bateau de pêche depuis la Libye. Nous n’avons aucune nouvelle de lui depuis. Nous avons peur car nous ne sommes pas certains qu’il sache nager. »

Moataz, 24 ans, avait rejoint la Libye deux mois auparavant avec pour objectif de se rendre en Italie, a raconté son cousin à InfoMigrants.

« Nos proches et amis ont aussitôt pris l’avion pour aller à leur recherche »

En Jordanie, la famille d’Ahmad, elle, est rassurée. Son cousin Mohammed a identifié le jeune réfugié syrien sur les photos des survivants publiées sur les réseaux sociaux. Originaire de Deraa, au sud de la Syrie, Ahmad, 32 ans, était arrivé en Libye il y a deux mois. Ses deux cousins, Rizik, 32 ans, et Husam, 36 ans, sont en revanche portés disparus. « Mes larmes ne cessent de couler », a confié à InfoMigrants leur mère, pétrie d’inquiétude.

« Nos proches et amis en Europe ont pris l’avion pour aller en Grèce à leur recherche », a expliqué Mohammed. Arrivés jeudi 15 juin à la mi-journée, ils se sont lancés en quête d’informations sur leurs proches.

Selon le média public grec ERT, d’autres proches de naufragés sont arrivés d’Italie et de Chypre dans ce petit port touristique où ont été transférés les rescapés dès le jour du drame. Ils montraient des photos de leurs proches aux personnes qui assuraient l’accueil des survivants.

Huit mineurs parmi les rescapés

Mercredi 14 juin, au petit matin, un bateau surchargé d’exilés a fait naufrage au large de Pylos, dans le sud-ouest de la Grèce. Au moins 78 personnes ont trouvé la mort dans ce drame et des centaines d’autres sont toujours portées disparues. Entre 400 à 750 personnes avaient pris place à bord du bateau parti de Tobrouk, dans l’est de la Libye. Entre 50 et 100 d’entre eux étaient mineurs.

Parmi les 104 personnes secourues, 8 sont des mineurs et tous les autres sont des hommes. Parmi eux se trouvent 43 Égyptiens, 47 Syriens, 12 Pakistanais et 2 Palestiniens, d’après les informations d’ERT. 

Les rescapés devaient être transférés jeudi ou vendredi depuis le port de Kalamata vers un lieu d’hébergement plus pérenne. Les autorités procèdent à leur identification mais aussi à un examen de leur état de santé. Trente-quatre d’entre eux ont été pris en charge à l’hôpital de Kalamata, en raison de symptômes d’hypothermie, d’hypoglycémie et pneumonie, selon les informations du média grec Larissa.

L’opération de sauvetage toujours en cours

Des listes de personnes disparues comment à être publiées sur les réseaux sociaux. C’est comme cela que certains Syriens ont découvert via Facebook qu’un de leur proche était à bord du bateau.

Les recherches des personnes disparues, qui seraient entre 200 et 500, se poursuivent. Elles restent jusque-là infructueuses, déplore ERT, laissant craindre que le bilan s’alourdisse. Plusieurs navires et un hélicoptère des garde-côtes grecs continuaient à sillonner la zone du naufrage ce jeudi. 

Le Premier ministre grec Ioannis Sarmas a décrété trois jours de deuil national, jusqu’au vendredi 16 juin à minuit. Durant cette période, certains services publics sont fermés et les drapeaux sont en berne. C’est la première fois que le pays impose un deuil national à la suite d’un naufrage de bateaux de migrants.

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