Sans héros ni suspense, l’écrivaine danoise embarque son lecteur dans la douceur quotidienne d’une école communautaire du Jutland. « Le Pays des phrases courtes », métaphysique et hilarant.
Dans un texte intitulé La Théorie de la fiction-panier (1986), Ursula K. Le Guin (1929-2018) écrivait qu’elle aimait les romans parce que, « au lieu d’y trouver des héros, on y trouve des gens ». Quand elle avait commencé à écrire de la science-fiction, elle l’avait fait (c’est moi qui traduis) « en traînant un sac merveilleux, lourd et rempli de trucs – plein de mauviettes et d’empotés, de petites graines de choses plus petites qu’une graine de moutarde ». Elle rappelait qu’il était difficile d’écrire « un récit captivant sur la façon dont on vient d’arracher le grain d’avoine sauvage de son enveloppe, mais (…) qui a jamais prétendu qu’écrire un roman était chose facile ? »
Le Pays des phrases courtes est un livre plein de graines de millet et d’akènes de pissenlit, il n’y a ni héros, ni suspense, ni climax, ni tous ces dispositifs dont on nous rebat les oreilles avec la prise de pouvoir narratif et fictionnel des scénaristes. Et pourtant il est impossible à lâcher (et il ne s’agit pas d’une estimation évasivement personnelle : le livre s’est vendu à 150 000 exemplaires au Danemark et il est en cours de traduction dans quatorze langues…).
L’importance d’un prénom
« Le pays des phrases courtes », c’est le Jutland, dans l’ouest du Danemark, une région de forêts et de petits lacs. L’un des villages, Velling, abrite une hojskole – une école communautaire –, fondée au XIXe siècle par l’évêque Grundtvig, qui ne délivre aucun diplôme mais qui permet d’embrasser un tas de compétences indispensables à une vie plus harmonieuse. Dans le système scolaire danois, il est courant de faire une pause dans ses études, en particulier entre le bac et l’entrée à l’université, afin de trouver sa voie et de se trouver soi-même. Beaucoup de jeunes gens optent pour un petit séjour en hojskole.
« Le Pays des phrases courtes » (Meter i sekundet), de Stine Pilgaard, traduit du danois par Catherine Renaud, Le Bruit du monde, 288 p., 21 €, numérique 15 €.
Par Véronique Ovaldé(écrivaine) – Le Monde