La mort du leader historique du Hezbollah, Hassan Nasrallah, vient couronner une série d’opérations spectaculaires d’Israël. Celles-ci ont mis en lumière la capacité des agences de renseignement de l’État hébreu à s’infiltrer au sein de la puissante organisation soutenue par l’Iran et connaître tous les faits et gestes de sa structure de commandement.
L’armée israélienne a affirmé avoir frappé plus de 2000 sites, notamment des infrastructures et des armements, dans le sud du Liban depuis le début de son offensive au sol lundi. Elle a aussi indiqué avoir tué 250 combattants du Hezbollah. Tsahal a mené de nouvelles salves de frappes sur le Liban durant la nuit et la journée, notamment au sud de Beyrouth.
L’armée israélienne a mené un raid dans l’est du Liban, à la frontière avec la Syrie, coupant la principale route entre les deux pays, ont indiqué les autorités libanaises. Des dizaines de milliers de personnes ont emprunté cette route pour fuir ces derniers jours le Liban.
Le guide suprême d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, un fusil à côté de lui, a déclaré que l’attaque de missiles iranienne contre Israël était « totalement légitime ».
Le bilan de la frappe israélienne sur le camp de réfugiés de Tulkarem, ville du nord de la Cisjordanie, est monté à 18 morts, selon l’Autorité palestinienne. L’armée israélienne a de son côté annoncé avoir « éliminé » un chef local du Hamas dans un raid aérien.
« Je crois qu’on n’a jamais vécu une situation aussi dure en Cisjordanie »
L’ancien ministre de la Culture de l’Autorité palestinienne Anwar Abu Eisheh est actuellement à Sierre (VS), où il participe aux Rencontres Orient-Occident. Dans l’émission Forum, il est revenu ur la situation en Cisjordanie, sa région d’origine.
« Je crois qu’on n’a jamais vécu une situation aussi dure en Cisjordanie », admet d’emblée Anwar Abu Eisheh.
Selon lui, il est encore important de parler de paix. « C’est le seul choix possible. Le peuple israélien ne peut pas éliminer le peuple palestinien et le peuple palestinien ne peut pas éliminer le peuple israélien. Il faut que les deux peuples vivent ensemble. Mais actuellement, la situation est très difficile. Je crois même que nous avons touché le fond avec le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu. Il faut travailler tous jours pour la paix. »
L’Iran et les Etats-Unis en position délicate
Fait rare, l’ayatollah Khamenei a présidé la grande prière du vendredi, en hommage au leader du Hezbollah Hassan Nasrallah tué il y a une semaine. Et à l’approche du premier anniversaire de l’attaque du Hamas contre Israël, le leader iranien a réaffirmé son soutien à ses alliés régionaux, le Hamas et le Hezbollah.
Ce prêche a donné le ton des plans de Téhéran: l’Iran promet la résistance à Israël. Pour le guide suprême, l’attaque iranienne de missiles contre Israël était « la moindre des punitions pour le régime usurpateur sioniste face à ses crimes stupéfiants ».
« Quiconque menace les citoyens d’Israël, nous saurons comment l’atteindre. » Le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant général Herzi Halevi, a rapidement savouré sa victoire, quelques minutes à peine après que ses forces ont annoncé samedi avoir « éliminé » le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans une frappe d’envergure contre la banlieue sud de Beyrouth la veille. D’abord silencieux, le mouvement chiite libanais a finalement confirmé le décès de son dirigeant. Selon Israël, plusieurs autres commandants, dont celui du front sud, ont aussi été tués dans cette opération baptisée « Ordre nouveau».
L’assassinat de Sayyed Hassan Nasrallah, confirmée samedi 28 septembre par le Hezbollah a mis en lumière le haut niveau d’infiltration au sein de la branche armée de l’organisation, qui a permis à Israël de détruire des sites d’armement, de piéger ses communications et d’assassiner son chef historique, dont les allées et venues étaient pourtant un secret bien gardé depuis des années.
L’assassinat de Nasrallah dans un QG de commandement vendredi soir est survenu à peine une semaine après l’explosion de centaines de bipeurs et de radios piégés, apogée d’une succession d’attaques qui a décapité la moitié du conseil de direction du Hezbollah et décimé son haut commandement militaire.
Une source proche du renseignement israélien a déclaré à l’agence Reuters, moins de 24 heures avant la frappe, qu’Israël avait passé 20 ans à concentrer ses efforts de renseignement sur le Hezbollah et pourrait frapper Nasrallah quand il le voulait, y compris sur son QG.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son cercle restreint de ministres ont donné leur feu vert mercredi, selon deux responsables israéliens. L’attaque a eu lieu alors que Netanyahu se trouvait à New York pour s’exprimer devant l’Assemblée générale de l’ONU.
Un dirigeant prudent
Hassan Nasrallah avait évité les apparitions publiques depuis la précédente guerre en 2006. Il était depuis longtemps vigilant. Ses déplacements étaient restreints et le cercle des personnes qu’il voyait était très réduit, selon une source proche du Hezbollah. L’assassinat suggère que son groupe avait été infiltré par des informateurs d’Israël.
Le chef du Hezbollah était encore plus prudent que d’habitude depuis les explosions des bipeurs du 17 septembre, par crainte qu’Israël ne tente de le tuer comme l’a montré son absence à des funérailles de commandants et l’enregistrement préalable d’un discours diffusé quelques jours auparavant.
Israël affirme avoir mené l’attaque contre Nasrallah en larguant des bombes sur le quartier général situé sous un bâtiment résidentiel dans le sud de Beyrouth.
« C’est un coup dur et un échec du renseignement pour le Hezbollah », a déclaré Magnus Ranstorp, spécialiste du Hezbollah à l’université de Défense suédoise. « Ils savaient qu’il était en réunion. Il était en réunion avec d’autres commandants. Et ils l’ont simplement visé. »
L’armée israélienne affirme également avoir tué huit des neuf commandants militaires les plus hauts gradés du Hezbollah, dont une majorité au cours de la semaine passée. Ces commandants dirigeaient des unités allant de la division des roquettes à la force d’élite Radwan.
Par ailleurs, environ 1 500 combattants du Hezbollah ont été blessés par l’explosion des bipeurs et des talkies-walkies les 17 et 18 septembre.
Une opération « planifiée depuis longtemps »
Samedi, le porte-parole de l’armée israélienne, le lieutenant-colonel Nadav Shoshani, a déclaré aux journalistes lors d’un briefing, que l’armée avait une « connaissance en temps réel » des déplacements de Nasrallah. Selon lui, les dirigeants du Hezbollah se réunissaient ce jour-là pour planifier de nouvelles attaques contre Israël.
Le brigadier général Amichai Levin, commandant de la base aérienne israélienne de Hatzerim, a expliqué que des dizaines de munitions avaient touché la cible en quelques secondes. « L’opération était complexe et a été planifiée depuis longtemps », a déclaré Levin.
Affaibli, le Hezbollah a toutefois déjà montré sa capacité à remplacer rapidement ses commandants, et le cousin de Nasrallah, Hachem Safieddine, est depuis longtemps pressenti comme son successeur. « Vous en tuez un, ils en trouvent un nouveau », a déclaré un diplomate européen à propos de l’approche du groupe.
Le Parti de Dieu dispose encore de ressources pour se battre : selon les estimations américaines et israéliennes, il comptait environ 40 000 combattants avant l’escalade actuelle, ainsi que de vastes stocks d’armes et un réseau de tunnels près de la frontière israélienne.
Qui était Hassan Nasrallah, le leader islamique qui défiait Israël depuis des décennies ?
Le porte-parole de Tsahal a annoncé que l’armée israélienne a tué vendredi le chef de l’organisation terroriste Hezbollah ainsi qu’Ali Karchi, le commandant du front sud du Hezbollah, et d’autres commandants du groupe militant.
Hassan Nasrallah a dirigé le groupe militant libanais au cours des trois dernières décennies, le transformant en l’un des groupes paramilitaires les plus puissants du Moyen-Orient.
Sous la direction de M. Nasrallah, 64 ans, le Hezbollah a mené des guerres contre Israël et pris part au conflit en Syrie voisine, contribuant à faire pencher la balance du pouvoir en faveur du président Bashar Assad.
Fin stratège, M. Nasrallah a transformé le Hezbollah en ennemi juré d’Israël, en scellant des alliances avec des chefs religieux chiites en Iran et des groupes militants palestiniens tels que le Hamas.
Idolâtré par ses partisans chiites libanais et respecté par des millions d’autres dans le monde arabe et islamique, M. Nasrallah porte le titre de sayyid, un honneur censé signifier la lignée du religieux chiite qui remonte au prophète Mahomet, le fondateur de l’islam.
Orateur enflammé, considéré comme un extrémiste aux États-Unis et dans une grande partie de l’Occident, il est également considéré comme un pragmatique par rapport aux militants qui ont dominé le Hezbollah après sa fondation en 1982, pendant la guerre civile au Liban.
Malgré le pouvoir qu’il exerce, Nasrallah a vécu en grande partie dans la clandestinité par crainte d’un assassinat israélien.
L’ascension au pouvoir
Né en 1960 dans une famille chiite pauvre de la banlieue nord de Beyrouth, Sharshabouk, Nasrallah a ensuite été déplacé dans le sud du Liban. Il a étudié la théologie et a rejoint le mouvement Amal, une organisation politique et paramilitaire chiite, avant de devenir l’un des fondateurs du Hezbollah.
Le Hezbollah a été formé par des membres des Gardiens de la révolution iraniens qui sont arrivés au Liban à l’été 1982 pour combattre les forces d’invasion israéliennes. C’est le premier groupe que l’Iran a soutenu et utilisé comme moyen d’exporter sa marque d’islam politique.
Nasrallah s’est construit une base de pouvoir alors que le Hezbollah faisait partie d’un groupe de factions et de gouvernements soutenus par l’Iran, connu sous le nom d’Axe de la Résistance.
Deux jours après la mort de son chef, Sayyed Abbas Musawi, 39 ans, lors d’un raid d’hélicoptères israéliens dans le sud du Liban, le Hezbollah a choisi Nasrallah comme secrétaire général en février 1992.
Cinq ans plus tard, les États-Unis désignent le Hezbollah comme une organisation terroriste.
Sous la direction de Nasrallah, le Hezbollah a mené une guerre d’usure qui a conduit au retrait des troupes israéliennes du Sud-Liban en 2000, après 18 ans d’occupation. Le fils aîné de Nasrallah, Hadi, a été tué en 1997 en combattant les forces israéliennes.
Après le retrait israélien du Sud-Liban en 2000, Nasrallah est devenu une icône au Liban et dans le monde arabe. Ses messages étaient diffusés sur la radio et la chaîne de télévision par satellite du Hezbollah.
Ce statut s’est encore renforcé lorsque, en 2006, le Hezbollah a combattu Israël dans une impasse pendant la guerre de 34 jours.
Lorsque la guerre civile a éclaté en Syrie en 2011, les combattants du Hezbollah se sont précipités, se rangeant du côté des forces d’Assad, même si la popularité du Hezbollah a chuté lorsque le monde arabe a ostracisé Assad.
Le Hezbollah rejoint la guerre Israël-Hamas
Un jour après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre, le Hezbollah a commencé à attaquer les postes militaires israéliens situés le long de la frontière, les qualifiant de « front de secours » pour Gaza.
Dans les discours qu’il a prononcés tout au long du conflit, M. Nasrallah a affirmé que les frappes transfrontalières du Hezbollah avaient détourné les forces israéliennes qui, autrement, se seraient concentrées sur le Hamas à Gaza, et il a insisté sur le fait que le Hezbollah ne cesserait pas ses attaques contre Israël tant qu’un cessez-le-feu n’aurait pas été conclu à Gaza.
M. Nasrallah a maintenu un ton de défi, alors même que les tensions se sont considérablement accrues ces dernières semaines avec l’annonce par Israël d’une nouvelle phase du conflit visant à repousser le Hezbollah de la frontière afin de permettre aux milliers de personnes déplacées du nord d’Israël de rentrer chez elles.
Israël a lancé des frappes tuant de hauts commandants militaires du groupe et a été tenu pour responsable de l’explosion de milliers de dispositifs de communication (bipeurs, walkie-talkies), principalement utilisés par les membres du Hezbollah, qui a tué 37 personnes et en a blessé des milliers d’autres.
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