Dans les campagnes chinoises, les droits économiques sont reconnus aux familles, représentées le plus fréquemment par des hommes. Les droits des femmes sont souvent contournés par les assemblées rurales, promptes à les déposséder dès qu’elles ne sont plus la fille ou la femme d’un homme du village.
Un projet de révision de la loi portant sur les droits collectifs ruraux qui améliorerait les droits des femmes sur la terre est débattu en Chine, selon le South China Morning Post. Le quotidien observe que dans la première directive gouvernementale de l’année 2023, publiée peu avant l’ouverture de la session parlementaire annuelle, et traditionnellement consacrée à la question rurale, la “protection des droits et des intérêts des femmes” a été mise en bonne place.
Or si l’égalité entre les hommes et les femmes est un principe du droit chinois, dans la réalité, il est fort peu ou mal appliqué, surtout à la campagne. “Des dizaines de millions de femmes de la Chine rurale n’ont pas leur nom sur un contrat ou un certificat d’usage des terres”, note le journal anglophone.
Depuis la réforme de 1984, “les localités ont une certaine autonomie dans la façon d’attribuer les parcelles, qui sont redessinées par des assemblées de villages majoritairement masculines”, écrit le titre. Au moment du partage périodique des terres par les collectivités locales (tous les quinze ou trente ans, selon la taille des foyers), les femmes sont exclues de multiples façons, et les nombreux rappels à la loi n’y font rien.
Plaintes classées sans suite et procès perdus
Bien souvent, les femmes ont été éjectées de ce droit à l’accès aux terres, pourtant réaffirmé par la loi sur la garantie des droits des femmes de 1992. En particulier, lorsqu’elles sont “mariées à l’extérieur” [hors du village], divorcées ou veuves remariées.
Le système fonctionne sur la base des foyers, et ce sont les chefs de famille – les hommes – qui les détiennent pour le ménage. En 2018, moins de 20 % des femmes étaient inscrites sur les certificats d’allocation des terres. Selon une avocate spécialisée de Pékin :
“Cela veut dire que les femmes ne peuvent faire construire de maison à leur nom, et qu’elles sont les premières dépossédées en cas de réquisition des terres par les autorités locales.”
Ayant eu à traiter près de 3 000 cas de plaintes sur ce problème en vingt ans, l’avocate indique : “Près de 90 % de ces cas ont été classés sans suite ou les procès ont été perdus.”
C’est en ce sens qu’une réforme pourrait faire avancer les droits des femmes sur les terres, si elles sont enfin reconnues en tant que “membres de la collectivité économique à la campagne”. Le nouveau texte pourrait, en particulier, accorder le droit de vote à un plus grand nombre de femmes dans les assemblées villageoises.
World Opinions – Courrier international