Ibn Khaldoun a toujours raison

Le monde arabe est une obsession cultivée depuis Nasser, suivi ensuite par Kadhafi et quelques vertueux. Mais le constat de l’impossible unité de ce monde est tellement là, qu’il faut être aveugle ou sourd ou de mauvaise foi pour prétendre qu’il existe une voix arabe, qui parle au nom de tous les Arabes.

Des Arabes qui se réunissent. Bonne ou mauvaise nouvelle? Ni bonne ni mauvaise. C’est l’éternel retour du rien, de la nécrose des liens, du manque d’imagination et d’intelligence. C’est le triomphe de la désunion et la permanence des conflits. A-t-on vu un jour La Ligue arabe résoudre sérieusement un conflit entre deux pays arabes?

Même si plus personne ne croit à ce genre de meeting super-langue-de-bois, on est en droit de se demander pourquoi les Arabes s’entredéchirent depuis si longtemps. Pour cela, il faudra remonter à l’époque de la décolonisation, des coups d’Etat de militaires, de l’absence de démocratie et la dictature du parti unique.

Ceux qui ont compris que ce genre de sommet ne sert à rien, sont restés chez eux.

C’est le cas du Maroc, de l’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis, de la Jordanie et de bien d’autres. Ils ont été majoritairement représentés par leurs ministres des affaires étrangères. Je plains ces ministres qui doivent faire semblant de croire en une unité de ce monde arabe qui n’a vraiment jamais réellement existé. Il y a des Etats arabes, des pays arabes, des peuples arabes. Mais cela ne forme pas une entité forte et unie.

Le monde arabe est une obsession cultivée depuis Nasser, suivi ensuite par Kadhafi et quelques vertueux. Mais le constat de l’impossible unité de ce monde est tellement là, qu’il faut être aveugle ou sourd ou de mauvaise foi pour prétendre qu’il existe une voix arabe, qui parle au nom de tous les Arabes.

Une Union du Maghreb a été constituée le 17 février 1989; elle s’est tout de suite endormie. Un long sommeil que rien ni personne n’a pu arrêter.

Pour le Maroc, le déplacement du Roi à Alger aurait été un pari et un défi. Mettre les dirigeants algériens devant leurs erreurs et errances aurait provoqué quelques incidents. Le défi aurait consisté à les pousser vers le gouffre de leur politique suicidaire obsédée par le Maroc, par son Roi, par son peuple, par sa cuisine, par ses frontières, par son drapeau, par ses musiques, par son artisanat, etc.

Mais l’heure est grave et l’hypocrisie n’est plus de mise.

La Palestine est devenue un slogan. Cette cause est la seule cause arabe qui aurait dû unir tout le monde et obtenir une solution acceptable. Non seulement les Palestiniens se sont divisés et ceux qui les représentent n’ont pas su faire avancer leur cause, mais les Nations-Unies semblent être fatiguées par ce conflit.

Tant de résolutions votées et qu’Israël n’a jamais voulu accepter. L’Etat d’Israël continue sa politique de colonisation et d’occupation, rendant de plus en plus hypothétique la création de deux Etats côte à côte: Israël et la Palestine.

Un sommet, réunissant les Etats arabes, est en soi un signe de bonne volonté. Mais avant de se retrouver tous, il aurait fallu régler les problèmes en suspens et les déchirures entre voisins.

Le chaos libyen se poursuit sous nos yeux. La guerre au Yémen n’est pas terminée. La situation du peuple syrien est des plus déplorables et le massacreur de ce peuple est toujours au pouvoir grâce au soutien de la Russie et de l’Iran. Quant au Liban, il est en train de se noyer tout seul.

Reste le conflit sérieux et grave opposant le Maroc à l’Algérie. Il n’aurait pas trouvé de solution dans cette réunion. La solution est entre les mains des généraux algériens qui ont le pouvoir de répondre à la politique de la main tendue de Mohammed VI.  Mais pour cela, il leur faudra du courage et de la lucidité, car ce sont les peuples maghrébins qui souffrent le plus de cette politique de fermeture des frontières et du refus de tout dialogue.

Ibn Khaldoun était un visionnaire. Il a dit, il y a plus de six cents ans, ce qu’il fallait dire sur les Arabes. 

Par Tahar Ben Jelloun

ميادين | مرآة المجتمع، ملفات، تحليلات، آراء وافكار و رسائل لصناع القرار.. صوت من لا صوت له | الإعلام البديل

Check Also

Tribune. La mort du président Raïssi a un impact faible sur le fonctionnement du système politique iranien

Pour jauger le poids de la disparition du président Ebrahim Raïssi, mort dans un accident d’hélicoptère, le 19 mai, il faut se poser la question de son rôle dans le système politique de la République islamique d’Iran et l’orientation de sa politique étrangère.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
9 + 10 =