
Alors que l’aide est à nouveau distribuée dans la bande de Gaza, le médecin Pierre Micheletti insiste dans Forum sur des conditions nécessaires et pas remplies actuellement: volume suffisant de nourriture, capacité de se déplacer pour en acquérir ou encore stock de carburant indispensable pour cuisiner les denrées.
Sous la pression internationale, Israël a permis dimanche aux premières cargaisons d’aide d’être distribuées dans la bande de Gaza, dans un contexte d’extrême urgence pour la population et de famine. Quelque 120 camions sont entrés dans le territoire dimanche, selon Israël.
Ce volume n’est pas suffisant, souligne Pierre Micheletti, ancien président d’Action contre la Faim et Médecins du Monde France et membre de l’Observatoire Ethique et Santé Humanitaire à Neuchâtel. Selon lui, il faudra aussi « rester très attentif que ça ne soit pas une mesure cosmétique de marketing humanitaire qui viendrait répondre à la pression que subissent aujourd’hui les autorités israéliennes, sans pour autant que n’avancent les résolutions politiques ».
Effet d’annonce
Le médecin dénonce « une forme de réduction de la complexité dans ces mesures ». Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’une population soit en situation de sécurité alimentaire, rappelle-t-il. Tout d’abord, il faut « que les aliments soient disponibles », décrit Pierre Micheletti. « Les décisions récentes s’inscrivent dans cette logique. Plus d’aliments vont arriver dans la bande de Gaza et augmenter la disponibilité », analyse-t-il.
Mais il faut également veiller à l’accessibilité de la nourriture, que ce soit en termes géographiques (se déplacer) ou financiers (payer un certain nombre de ces denrées au marché noir, car « le marché noir fonctionne »).
Il y a encore un autre pilier fondamental: « Est-ce que les populations, dans l’état d’extrême dénuement dans lequel elles sont, pourront utiliser ces denrées alimentaires? (…) est-ce qu’elles disposeront des instruments de cuisine pour cuire ce qui doit être cuit, le riz et toutes les autres denrées? Est-ce qu’elles disposeront du carburant ou des combustibles pour faire cette cuisson? Est-ce qu’elles disposeront d’une eau de bonne qualité pour réaliser ces éléments de cuisson? »
« On se centre sur un effet d’annonce qui réduit cette complexité à la seule disponibilité, avec un nombre très restreint de camions autorisés », déplore le médecin.
Largages aériens, une mauvaise idée
Les largages aériens sont désormais aussi autorisés. Mais pour Pierre Micheletti, « ils posent problème », car ils « peuvent, dans un territoire aussi densément peuplé, exposer les bénéficiaires à des accidents de sécurité selon où tombe ce méga colis ».
Le médecin souligne également que ces colis « sont disséminés sans beaucoup de précisions et donc se pose la question de l’accessibilité. Comment des populations concentrées peuvent-elles se déplacer compte tenu de leur état de santé? » Certains acteurs économiques pourraient aussi « préempter ces largages », décrit Pierre Micheletti, avec « des formes de marché noir et de revente ». Selon lui, « on est sur une absence totale d’organisation, de distribution telle que le nécessite la situation actuelle ».
« Les gens ont peur de quitter leur tente et de voir une palette tomber sur leur enfant. Beaucoup sont morts à cause des largages aériens sur les tentes », témoigne d’ailleurs Ahmed Al-Sumairi, Palestinien déplacé qui vit dans le centre de Gaza, auprès de l’agence américaine Associated Press et relayé mardi dans l’émission Tout un monde.

World Opinions + Agences