Débats. Quelle est l’importance du « speaker » sur lequel les républicains américains se déchirent?

Les élus de la Chambre américaine des représentants tentent vendredi d’élire leur « speaker », après trois jours de débats infructueux. Majoritaires, les républicains n’arrivent pas à se mettre d’accord sur ce poste, qui est l’un des plus importants à Washington.

Une telle situation ne s’était plus présentée depuis 160 ans: la Chambre américaine des représentants n’a toujours pas de président – ou « speaker » -, puisque Kevin McCarthy, chef de file du Parti républicain, n’a pas réussi à être élu après plus de 10 votes. La Chambre est ainsi paralysée, car sans speaker, les élus ne peuvent pas passer le moindre projet de loi ni même prêter serment.

Le président de la Chambre des représentants est souvent décrit comme le le troisième poste le plus important de la politique américaine. Deuxième dans la ligne de succession du président des Etats-Unis, après le vice-président, le speaker a le pouvoir de présider les débats menés par les 435 représentants de la Chambre basse.

Contrairement au modèle britannique, où le « speaker » de la Chambre des communes a un devoir d’impartialité, le président de la Chambre des représentants endosse un rôle pleinement partisan. Il est le véritable leader du parti majoritaire. Il dicte le ton des débats, même si traditionnellement, il ne prend pas part aux votes, sauf dans les cas décisifs.

Première figure de l’opposition

Sur le plan politique, le rôle du speaker diffère en fonction de son affiliation ou non avec le parti du président. S’il est du même bord que le locataire de la Maison Blanche, le speaker a alors pour mission de s’assurer que la majorité soutienne les lois avancées par le président. Il a ainsi pour objectif d’éviter les dissensions au sein du parti afin d’assurer l’unité du bloc.

Le mandat du speaker prend néanmoins vraiment toute son importance lorsque la Chambre des représentants est dominée par le parti opposé au président. Dans ce cas, le speaker est le principal opposant au programme du président. Il adopte alors une position de frondeur, en sapant le programme du président et en bloquant les mesures prises par le parti minoritaire ou en rejetant les projets de loi du Sénat.

Nombreux pouvoirs administratifs

Pour mener à bien ses missions, le speaker dispose de plusieurs pouvoirs administratifs. Il a notamment la responsabilité de l’agenda législatif et peut décider du moment où chaque projet de loi est présenté à la Chambre. Utilisé finement, ce pouvoir peut avoir une réelle influence sur l’adoption ou non d’un texte.

Le speaker a également une grande influence sur la formation des commissions parlementaires. Il choisit, sous réserve de l’approbation de son parti, neuf des treize membres de l’importante Commission du règlement. Le speaker nomme également tous les membres des comités spéciaux et des comités de conférence. Il détermine aussi les comités qui examinent les projets de loi.

Finalement, le speaker est chargé de superviser les fonctionnaires de la Chambre. Il a le pouvoir de révoquer le greffier, le sergent d’armes, le directeur administratif ou même l’aumônier. Enfin, le speaker a la compétence hautement symbolique de nommer l’historien de la Chambre.

L’absence de « speaker » enfonce la Chambre dans le chaos

La débâcle autour de l’élection du « speaker » profite à la chaîne parlementaire C-span, qui retransmet en direct les sessions de la Chambre. En effet, comme aucune règle ne régit désormais la Chambre, c’est C-Span qui contrôle les caméras et non le président.

Cela signifie que la chaîne peut filmer l’assemblée librement avec notamment des gros plans sur les membres et des plans de réaction en direct. Une manière de filmer qui est normalement interdite par la procédure d’exploitation standard.

En outre, sans speaker et donc sans règles, les membres sont libres de faire à peu près ce qu’ils veulent, ce qui attise la curiosité de nombreux téléspectateurs et fait donc monter en flèche les audiences de la chaîne.

Des membres qui dénoncent leurs collègues

Ainsi, les membres se permettent de commettre des actes de rébellion mineurs comme, par exemple, de porter des chapeaux, et certains accusent leurs collègues de boire à l’intérieur de la Chambre. C’est notamment ce qu’a fait la représentante républicaine de Floride Kat Cammack lors d’un discours de nomination pour Kevin McCarthy mercredi dernier.

Certains membres, au contraire, adoptent un comportement bien plus sobre que d’ordinaire. C’est notamment de cas de la républicaine géorgienne Marjorie Taylor Greene dont la marque de fabrique politique a longtemps été celle d’être une adepte des théories du complot. Elle s’est depuis transformée en une avocate prudente et responsable de la direction de la Chambre.

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