Dans un courrier adressé à Joe Biden, Félix Tshisekedi demande la levée des sanctions qui visent l’homme d’affaires Dan Gertler. Le président congolais affirme que ces sanctions n’ont plus lieu d’être. Un constat que contestent des ONG, qui soulignent que l’homme d’affaires a toujours la main sur des contrats juteux.
Il a trouvé auprès de Félix Tshisekedi son plus efficace et ardent avocat. Selon les informations du New York Times (NYT), le milliardaire israélien Dan Gertler a obtenu du président congolais qu’il conduise un plaidoyer auprès de l’administration Biden pour que cette dernière annule les sanctions qui pèsent sur l’homme d’affaires, très actif en République démocratique du Congo (RDC).
Le quotidien américain rappelle que Washington avait accusé il y a cinq ans ce riche diamantaire israélien d’être à l’origine de transactions minières et pétrolières suspectes et d’une valeur de plus de 1 milliard de dollars en République démocratique du Congo. Parmi les griefs américains, le fait que ces transactions compromettaient la croissance économique et l’état de droit du pays.
“Plus de griefs”
Or pour défendre Dan Gertler, Félix Tshisekedi s’est fendu d’une lettre officielle adressée au président Biden et dans laquelle il indique que “la République démocratique du Congo ne nourrit plus de griefs à l’encontre de M. Gertler et son groupe”.
Dan Gertler, accused of looting $1 billion from Democratic Republic of Congo, wants the U.S. to lift his sanctions. He has enlisted a powerful ally: Congo President Felix Tshisekedi https://t.co/WBuw8fgSKI
— Dionne Searcey (@dionnesearcey) April 2, 2023
Dans ce long courrier de mai 2022, que le NYT s’est procuré et qu’il publie in extenso, le président congolais revient sur les raisons qui avaient mené aux sanctions contre Dan Gertler et son groupe. Il rappelle que celui-ci, actif en RDC depuis vingt ans, a pu légitimement susciter des inquiétudes de la société civile du pays et de partenaires étrangers. Il rappelle également que le milliardaire israélien avait été sanctionné par les États-Unis en 2017 dans le cadre de la Global Magnitsky Act, une loi américaine qui autorise le gouvernement américain à sanctionner toute personne ou entité qui viole les droits de l’homme. Possibilité est alors faite de geler leurs avoirs et de leur interdire d’entrer aux États-Unis.
Dan Gertler, que le New York Times qualifie d’“investisseur étranger le plus célèbre au Congo”, avait négocié le droit exclusif d’exporter les diamants du pays. Or, selon le gouvernement américain, les contrats obtenus par lui ont occasionné des pertes de revenus pour le Congo. De 2010 à 2012, elles sont estimées à 1,36 milliard de dollars (près de 1,24 milliard d’euros). “Soit environ la moitié du budget total de la santé du pays pendant cette période”, note le quotidien américain.
Près de 2 milliards de dollars restitués à la RDC
Pourtant, selon le président congolais, ces sanctions, qualifiées de “transformatrices et salvatrices”, auraient abouti à des effets, puisqu’elles auraient “été le catalyseur qui a amené M. Gertler et son groupe à la table des négociations”.
“M. Gertler et son groupe ont renoncé à toutes leurs licences d’exploitation d’or et de fer, à leurs permis de forage pétrolier sur le lac Albert et à une partie importante de leurs futurs revenus provenant des redevances sur le cuivre et le cobalt dus par des tiers. La valeur totale des actifs et des droits ainsi accordés à la République démocratique du Congo est estimée à environ 2 milliards de dollars américains [environ 1,83 milliard d’euros]”, affirme le président congolais.
Cette évolution du groupe Gertler justifierait ainsi “la radiation de M. Dan Gertler et de son groupe du Global Magnitsky Act”.
Un constat que partageraient, selon Félix Tshisekedi, “plusieurs organisations non gouvernementales locales qui ont battu campagne contre les agissements du groupe et qui viennent de faire une déclaration publique soutenant la signature, par notre pays, de cet accord historique au terme d’un long conflit”.
Une mainmise continue
Une position et une analyse que ne partagent pourtant pas des militants des droits de l’homme, indique le NYT. Dans un courrier adressé en mars dernier à Antony Blinken et Janet Yellen, respectivement secrétaire d’État et secrétaire au Trésor, ils affirment que Dan Gertler a toujours le droit de percevoir potentiellement des dizaines de millions de dollars par an en redevances sur l’exploitation minière du cuivre et du cobalt dans le pays.
“Loin de subir les conséquences appropriées de ses actes, M. Gertler continuera à percevoir en moyenne 200 000 dollars par jour de redevances sur ces trois projets miniers très lucratifs pendant au moins une autre décennie”, écrivent-ils en substance.
Dan Gertler a, pour sa part, toujours contesté les allégations américaines et les accusations de corruption. Il a toujours affirmé qu’il n’avait jamais versé de pots-de-vin et que ses investissements au Congo avaient généré des milliards d’impôts et permis de créer des milliers d’emplois.
World Opinions – Courrier international