Cinéma : « Le Prince », liaison à éclipses entre une bourgeoise et un migrant

Dans le lien amoureux qui unit une galeriste allemande et un Congolais en attente de papiers se mêlent un fond d’exploitation cynique et le refus de la solitude.

Monika (Ursula Strauss) est galeriste et commissaire d’exposition à Francfort (Allemagne). Célibataire, en attente d’une promotion sociale (elle a postulé au poste de directrice de la Kunsthalle), elle rencontre un soir un Congolais, Joseph, dit « le Prince » (incarné par le rappeur Passi), auquel elle va s’attacher et avec lequel elle va entamer une liaison. L’homme, en attente de papiers pour résider en Allemagne, vit d’activités mystérieuses et de ce que l’on devine être diverses combines, dans l’objectif, avoue-t-il, de devenir très riche. Commence, dès lors, une relation faites d’éclipses au cours desquelles Joseph disparaît de manière énigmatique avant de revenir se jeter dans les bras de celle qui ne semble pas avoir la force de le quitter.

Le Prince propose un récit déjà beaucoup conté, celui des relations amoureuses interraciales, a priori un « grand sujet » sociétal auquel le cinéma a déjà fourni de nombreuses représentations, de la vision démocratique hollywoodienne exprimée, par exemple, par Devine qui vient dîner… (1967), de Stanley Kramer, au mélodrame distancié rageur qu’a génialement incarné Tous les autres s’appellent Ali (1974), de Rainer Werner Fassbinder. Le grand intérêt du film de Lisa Bierwirth consiste dans la manière assez habile avec laquelle ce « sujet » se nourrit de données inédites, habilement adaptées à une réalité contemporaine particulière, celle de la mondialisation, de la grande bourgeoisie urbaine et de la transhumance perpétuelle d’un prolétariat sans attaches.

Séquences naturalistes

La liaison entre Monika et Joseph se heurte à des contradictions qui ne sont pas celles d’un racisme individuel ou social. C’est la nature particulière du lien qui unit les deux personnages qui concentre toutes les interrogations du spectateur. Un lien dans lequel la frustration se mêle et s’oppose à l’exploitation cynique. Femme mûre et solitaire, Monika a-t-elle trouvé en Joseph un remède à son isolement sentimental et à ses frustrations professionnelles ? Eternel migrant, menacé par d’obscurs créanciers tout autant que par les autorités, Joseph a-t-il trouvé, avec Monika, une simple manière de survivre en profitant de celle à qui il raconte d’improbables histoires ?

Par Jean-François Rauger – Le Monde

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