L’entrée en vigueur d’une taxe de 0,2 % sur les transactions électroniques met en émoi les usagers camerounais sur les réseaux sociaux. Face à cette mesure du gouvernement Biya, les opérateurs ripostent en ordre dispersé.
Le ton monte sur les réseaux sociaux camerounais contre la loi de finances 2022, entrée en vigueur le 1er janvier. Les revendications concernent en particulier une taxe de 0,2 % sur les transferts et retraits d’argent issus des portefeuilles de mobile money comme Orange Money ou MTN MoMo.
Il s’agit d’une taxe sur tous les transferts d’argent effectués à l’intérieur du pays à l’exception des virements bancaires et des transferts pour le règlement des impôts, taxes et autres factures. Dans le principe, l’Etat taxe le capital ; il ne taxe pas le porte-monnaie (électronique) comme le disent certains. Je suis souvent mal à l’aise à devoir donner des explications qui profitent à ce gouvernement laxiste qui communique mal ou en retard. En effet, chaque année, tout gouvernement normal recherche de nouvelles niches fiscales. Or, une activité comme celle des transferts d’argent qui a généré selon les chiffres de la BEAC environ FCFA 10,833 milliards en 2020 et FCFA 12150 milliards en 2021 ne pouvait pas échapper au fisc. Il s’agit d’un capital taxable. Cela signifie quoi ?
Que si l’argent est utilisé comme moyen de paiement (porte-monnaie électronique) alors, il ne sera pas taxé. Par exemple, le paiement des factures d’Enéo ou de Camwater ne sera pas taxé de même que beaucoup d’opération dans le commerce (supermarché par exemple). Le problème qu’il faut résoudre est que beaucoup de personnes continuent de payer par voie de transfert.
Or, l’argent transféré devient un capital entre les mains du bénéficiaire, ce qui revient à dire qu’il doit payer la taxe. Il revient à ce dernier d’ouvrir un compte de paiement s’il veut se faire payer sans taxe. Mes chers amis, tous les pays du monde taxent le capital. En Afrique, c’était déjà le cas au Congo (1%), Gabon (1,5%), Côte d’Ivoire et Ouganda (0,5%), Ghana et Kenya (10%) voir même Sénégal (très compétitif). Sauf que certains pays comme le Gabon ne taxe pas l’envoi. J’y reviens !
Double imposition ?
Non ! Pas comme présenté dans l’opinion en tout cas où l’on fait valoir la taxation à l’envoi et à la réception. En effet, le transfert est présenté comme un impôt à l’envoi et une taxe au retrait. Il ne s’agit donc pas d’une imposition de même nature. L’on peut plutôt faire valoir la double imposition sur l’envoi compte tenu de ce que cet argent peut être déjà imposé quelque part (cas des salaires par exemple). Il serait incompréhensible de prélever encore un impôt sur les salaires. Par contre, l’on ne peut pas échapper à la taxation au retrait dans la mesure où l’argent transféré (salaire ou non) devient un capital entre les mains du bénéficiaire.
C’est ainsi que dans des pays comme le Gabon, l’Etat ne taxe que le retrait. Toutefois, l’Etat gabonais a plafonné les montants taxés au retrait afin de ne pas faire subir les petits bénéficiaires. Il a exonéré aussi des retraits qui seraient des modes de paiement (des salaires par exemple). Ainsi, un employeur et un employé qui font des transactions de salaire par Mobile Money ne paieraient rien dans ce pays. Au Cameroun, tout est mélangé ! On taxe l’opération et non l’objet de l’opération.
Où devrait être le problème ?
Il ne faut pas craindre l’impôt en principe ! Tout dépend du niveau du taux d’imposition et de l’usage que l’on en fait. Au Sénégal, l’ouverture à la concurrence a été favorable à la baisse de l’ensemble des frais liés au transfert d’argent au point où certains opérateurs ont renoncé à percevoir ces frais. Au Cameroun, l’entreprise publique CAMTEL, qui est même le fournisseur, est incapable de faire la concurrence (qui serait même déloyale) à ses propres clients. C’est cette médiocrité qui devrait nous interpeller. Aussi, si les 20 milliards collectés étaient utilisés pour investir dans le numérique alors, cela aurait un sens.
Mais, vous verrez que le gouvernement reste dans une contradiction permanente. Sa vision contenu dans le SND 30 est de promouvoir l’inclusion financière à travers le numérique. Mais, le voilà en train de taxer le numérique sans compensation et donc, de se donner les chances de s’éloigner de sa vision. C’est ça qui est difficile à comprendre. Quant au consommateur, il reste toujours lésé dans la politique gouvernementale actuelle. L’on ne peut pas lui faire supporter une nouvelle taxe alors que les revenus n’ont pas augmenté. Au contraire, il y a eu renchérissement du coût de vie selon l’INS et le gouvernement devait plutôt travailler à renverser la tendance. Ce sont ces principes simples de bon sens qu’on se serait attendu à voir.
Bonne et heureuse année 2022 !
World Opinions + Agences