Dans ce pays immense d’Asie centrale, le pouvoir est confronté depuis quelques jours à une contestation croissante dans la rue, après une hausse des prix du gaz.
Les révoltes se produisent parfois là où on ne les attend pas. C’est le cas au Kazakhstan, ce pays gigantesque coincé entre la Russie et la Chine, en Asie centrale. Il fait cinq fois la taille de la France et est tenu d’une main de fer depuis trente ans et l’éclatement de l’Union soviétique.
Mercredi 5 janvier, comme depuis dimanche, les manifestants sont descendus dans la rue, dans plusieurs villes : Alma Aty, la plus grande du pays, Semey à l’Est et Aktobe à l’Ouest. Sur les réseaux sociaux, on voit des foules assez importantes dans les rues, malgré la neige. Elles se dirigent généralement vers les bâtiments des municipalités. À Alma Aty, les manifestants sont entrés dans l’un des immeubles de la mairie.
Le 4 janvier au soir, le président Tokaiev avait cru éteindre l’incendie en annonçant un changement de gouvernement et en faisant disperser la foule. Cependant, cela n’a pas empêché les cortèges de se reformer quelques heures plus tard, avec souvent des appels à la démission des pouvoirs locaux et quelques cris comme « le vieillard dehors », en référence à l’ancien président Noursoultan Nazerbaiev.
C’est le prédécesseur de Kassym-Jomart Tokaiev. Il a dirigé le pays pendant vingt-neuf ans, de 1990 à 2019. Même s’il a officiellement passé la main il y a deux ans, en réalité il tire toujours les ficelles en coulisses, à la tête du Conseil national de sécurité.
Un doublement du prix du gaz
Les manifestations semblent donc prendre une vraie dimension politique, alors qu’au départ, la colère était économique. Elle est partie d’une forte augmentation du prix du gaz, plus précisément du gaz naturel liquéfié. Il constitue le carburant le plus utilisé pour les voitures dans toute une partie du Kazakhstan.
Sa valeur sert d’indice repère pour un grand nombre de produits alimentaires. L’annonce du doublement de son prix, début janvier, a donc logiquement déclenché la colère de nombreux Kazakhs.
Cette colère est d’autant plus compréhensible que le sous-sol du Kazakhstan est richissime en énergies naturelles : la production du pays couvre plus de deux fois ses besoins en consommation. Le Kazakhstan exporte beaucoup de pétrole, de gaz et d’uranium.
Sur la mer Caspienne, en particulier, qui le borde à l’Ouest, il possède d’énormes gisements de pétrole, représentant à peu près 3% des réserves mondiales. Mais la baisse des prix du pétrole combinée à la crise économique en Russie – principal partenaire du Kazakhstan – ont fait baisser les rentrées d’argent.
La Russie aux aguets
Le pouvoir réagit en utilisant à la fois la carotte et le bâton. D’un côté, changement de gouvernement et marche arrière sur les tarifs du gaz, avec un retour au prix d’origine. D’un autre côté, il a organisé la répression. Les rares images qui nous arrivent du Kazakhstan montrent des blessés dans les rangs des manifestants, après des tirs de gaz lacrymogène. L’état d’urgence a été décrété dans les principales villes du pays. Internet et les applications de messagerie numérique comme WhatsApp sont coupées. En début de soirée ce 5 janvier, le président Tokaiev a promis « de la fermeté ».
Le pouvoir kazakh n’a pas d’autre logiciel. Depuis trente ans, la société civile est réprimée et les élections sont organisées sur mesure. Cependant, si les manifestations continuent, il va falloir compter aussi avec le rôle des grands voisins, la Chine et surtout la Russie, assez échaudée ces derniers mois par l’attitude du pouvoir kazakh qui a cherché à se rapprocher de la Turquie. Vu ce que contient le sous-sol de Kazakhstan, tout le voisinage est attentif.
World Opinions + agences