Dans ses locaux du boulevard Ney, dans le nord de Paris, l’Ofii propose aux personnes venant déposer leur dossier d’asile de se faire vacciner contre le Covid-19. Pour cette population en mouvement, c’est aussi l’occasion de faire un point sur leur santé en général.
« Ici, on vaccine. » Dans le hall de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), à deux pas des guichets de dépôt des dossiers de demande d’asile, des affichettes annoncent que la vaccination contre le Covid-19 est possible sur place et sans rendez-vous « pour les demandeurs d’asile à partir de l’âge de 12 ans ».
C’est à quelques mètres de là que se passent les opérations. Derrière des paravents gris, l’équipe médicale a installé un espace de vaccination au calme. « Lorsque les personnes arrivent, on leur fait remplir un questionnaire dans leur langue, on prend leur température, on les interroge et on les vaccine. Ensuite, on les garde 15 minutes en observation et on leur explique comment cela va se passer pour la dose suivante, s’ils en ont besoin », explique Françoise Audat, l’une des médecins qui participent aux opérations de vaccination.
Chaque personne vaccinée repart ensuite avec un comprimé de Doliprane « à prendre le soir », un certificat de vaccination et un passe sanitaire valide dans l’Union européenne (UE). Ces précieux documents leur permettront de se déplacer en train dans le pays mais aussi de pouvoir recevoir leurs doses suivantes de vaccin.
« Si je ne me protège pas, je vais peut-être mourir »
Ce sera le cas d’Imran Malakhail. Ce jeune Afghan doit partir mardi prochain pour Rennes, dans l’ouest de la France. Après avoir reçu une première dose de vaccin à l’Ofii, mercredi 5 janvier, il devra se faire injecter sa seconde dose en Bretagne, dans quelques semaines.
Parti d’Afghanistan il y a quatre mois « pour fuir les Taliban », le jeune homme de 27 ans affirme craindre de tomber malade du Covid-19, d’autant plus qu’il vit actuellement à la rue. « Pour me protéger, je me lave les mains autant que possible et je porte un masque. C’est très important parce que si je ne me protège pas, je vais peut-être mourir », confie-t-il.
Avant son injection, Imran Malakhail est interrogé par Alexandre Macone, interne en médecine. Pour le soignant, il s’agit de déterminer si le demandeur d’asile a des antécédents médicaux, a été récemment testé positif au Covid ou encore s’il présente des allergies à certains composants des vaccins. « C’est en fait la seule chose qui pourrait véritablement empêcher une vaccination », précise le jeune médecin.
« La population des demandeurs d’asile est généralement jeune et en bonne santé, affirme Karim Laouabdia, coordinateur du centre de vaccination anti-Covid de l’Ofii. Mais en les vaccinant, on découvre souvent qu’ils ont des plaies, parfois infectées, ou d’autres pathologies. Dans ces cas-là, on les dirige ailleurs. Souvent vers la PASS (Permanence d’accès aux soins de santé) de l’hôpital Bichat ».
« Ne jamais manquer une opportunité de vacciner »
Dès octobre, l’Ofii a commencé à proposer aux demandeurs d’asile de se faire vacciner lorsqu’ils viennent déposer leurs dossiers. Depuis à raison d’une vingtaine de personnes par jour, ce sont quelques 600 demandeurs d’asile qui ont été vaccinés. « L’idée, c’est de ne jamais manquer une opportunité de vacciner les personnes. Or, ici, c’est une opportunité », souligne Karim Laouabdia.
Et les injections réalisées ici sont rarement les premières. « Les personnes ont souvent déjà été vaccinées dans les centres d’hébergement. Entre les associations, les agences régionales de santé (ARS) et les mairies, les gens se sont souvent déjà vus proposer la vaccination », assure le coordinateur du centre de vaccination. Même constat du côté des auditeurs de Ofii qui informent les demandeurs d’asile sur la possibilité de se faire vacciner après leur rendez-vous.
« Généralement, j’aborde cette question lorsque j’évoque le besoin d’avoir un passe sanitaire valide pour voyager en train », explique à InfoMigrants une auditrice. « Mais, aujourd’hui, par exemple, toutes les personnes que j’ai vues avaient déjà été vaccinées ». Ce jour-là également, aucune des personnes que cette auditrice a vu n’a refusé le vaccin. Selon elle, cela arrive toutefois très régulièrement : près de la moitié des exilés qu’elle rencontre environ, se montrent réticents à recevoir l’injection.
Vaccinés à l’étranger
Pour l’équipe médicale, les cas les plus complexes, sont les demandeurs d’asile qui ont été vaccinés à l’étranger. Certains n’ont aucun document signalant les injections qu’ils ont reçues. D’autres ont reçu des certificats vaccinaux non-reconnus dans l’UE. « Pour les convertir, il faut aller en pharmacie et ça coûte 37 euros donc ce n’est pas possible pour la population des demandeurs d’asile », déplore Karim Laouabdia.
Ahmed fait partie de ces demandeurs d’asile vaccinés à l’étranger. Originaire du Bangladesh, il a transité par Dubaï dans son parcours d’exil et y a reçu deux premières dose de vaccin Pfizer mais il a perdu son certificat. Dans ces cas-là, les soignants pratiquent des test pour voir si la personne a encore des anticorps ou bien reprennent le schéma vaccinal à zéro.
Dès novembre 2020, dans l’attente des premiers vaccins, la Haute autorité de santé avait classé parmi ses cibles prioritaires les quelque 300 000 à 600 000 sans-papiers de France, soumis à la promiscuité quand ils peuvent être hébergés, et pour la plupart privés de masque et de gel hydroalcoolique. Depuis mai fin 2021, toute personne en situation irrégulière, qu’elle bénéficie ou non de l’Aide médicale d’État, peut se faire vacciner. L’Ofii propose désormais la vaccination dans ses 19 centres d’Ile-de-France.
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