France – Présidentielle : quand le vote utile devient l’enjeu majeur pour accéder au second tour

Pour un candidat à l’élection présidentielle, le choix des mots n’est jamais anodin. Tout au long de la campagne, France 24 vous explique les raisons ayant poussé un candidat à l’Élysée à prononcer un mot ou une expression. Cette semaine, le « vote utile » et ses dérivés utilisés aussi bien par Jean-Luc Mélenchon que par Marine Le Pen.

« Aujourd’hui, il est évident que le vote utile, à gauche, c’est Mélenchon. » Avec cette déclaration prononcée le 16 février sur BFMTV, l’ancienne candidate socialiste à la présidentielle, Ségolène Royal, lançait la bataille du vote utile à gauche.

Depuis, le candidat insoumis préfère parler de « vote efficace ». Longtemps victime des appels au vote utile favorisant le Parti socialiste, le candidat à l’élection présidentielle se refuse à reprendre à son compte cette expression, assurant qu’il n’y a pas de « vote inutile ». Pour autant, le « vote efficace » qu’il appelle de ses vœux a bien la même fonction : il s’agit ici de convaincre des électeurs hésitants à miser sur le candidat de leur famille politique – en l’occurrence la gauche – le mieux placé, selon les sondages, pour atteindre le second tour, à savoir Jean-Luc Mélenchon (entre 15 et 17 % des intentions de vote selon les sondages).

En face, Anne Hidalgo tente de convaincre que seul le Parti socialiste peut représenter un vote utile. « S’il y a un vote utile, c’est celui d’une gauche en capacité de rassembler une majorité de Français et de mener une vraie politique. Je suis cette gauche-là qui peut conduire au pouvoir et au gouvernement », a-t-elle affirmé le 20 février sur Radio J. Quant à Yannick Jadot, il insiste sur la nécessité de voter par conviction. « On agite le mirage d’un vote utile ou efficace. Mais le vote utile au premier tour, c’est le vote de conviction », a lancé le candidat écologiste le 27 mars lors de son meeting au Zénith de Paris, estimant que le vote écologiste était un « vote de lucidité ».

Le vote utile est également invoqué à l’extrême droite. Consciente du danger Mélenchon qui pourrait la priver d’un second tour, Marine Le Pen a appelé les électeurs tentés par un vote Éric Zemmour de voter utile. « J’en appelle aux électeurs qui sont attachés à la France, parce que Jean-Luc Mélenchon soutient des théories racialistes, des groupements islamistes (…). Tous ceux qui sont des patriotes doivent regarder cette situation et voter en conscience pour permettre à une candidate nationale de pouvoir être présente » au second tour, a-t-elle déclaré le 21 mars sur Franceinfo. Elle se veut même très explicite dans l’un de ses clips de campagne : « Ni abstention, ni dispersion. Mais un vote utile, très utile. » Réponse d’Éric Zemmour dimanche 3 avril dans Le Figaro, à nouveau formulée mardi 5 avril sur France 2 : « Il n’y a pas de vote utile, je suis le vote vital. »

D’où vient l’expression « vote utile » ?

La question du « vote utile » est apparue dans le débat politique français après l’élimination du candidat socialiste Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, selon l’observatoire des médias Acrimed. Favori des sondages, l’ancien Premier ministre avait dû composer avec sept autres candidatures de gauche, n’obtenant au soir du premier tour que 16,18 % des voix, derrière Jacques Chirac (19,88 %) et Jean-Marie Le Pen (16,86 %). Dans une enquête publiée en 2019, Acrimed note que le terme « vote utile » n’a été utilisé que 39 fois par les médias lors de la campagne présidentielle de 2002, contre 1 075 fois en 2007, 1 068 fois en 2012 et 1 503 fois en 2017.

Le concept est simple : il s’agit pour un électeur de voter pour le candidat de sa famille politique le mieux placé dans les sondages afin de lui assurer une qualification au second tour, plutôt que de voter par conviction pour un autre candidat, dont les chances d’accéder au second tour son quasi nulles – le but étant d’éviter une dispersion des voix, comme ce fut le cas en 2002 pour la gauche.

Est-il utile d’appeler au vote utile ?

En 2017, Jean-Luc Mélenchon avait pleinement profité du vote utile pour finir avec 19,58 % des suffrages, tandis que le candidat socialiste d’alors, Benoît Hamon, ne recueillait que 6,36 % des voix. Pour accéder au second tour de la présidentielle de 2022, le député des Bouches-du-Rhône sait qu’il a besoin d’une dynamique similaire, détaillée par une récente note de la Fondation Jean Jaurès. Convaincre les électeurs hésitants de voter pour lui même s’il ne représente pas leur choix de cœur est donc primordial pour le candidat insoumis.

La même logique est à l’œuvre chez Marine Le Pen, qui a besoin de réduire au maximum le score d’Éric Zemmour, autre candidat d’extrême droite. Son objectif semble en passe de se réaliser : alors que les deux candidats étaient encore proches dans les sondages à la mi-février, leurs courbes ont depuis pris des chemins inverses, Marine Le Pen dépassant désormais les 20 % d’intentions de vote, Éric Zemmour se situant sous les 10 %.

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